Quand vient la nuit

3 octobre 2004 à 1:50

Mon pire cauchemar ne se déroule pas quand je dors, mais bien quand je dois dormir. Je ne connais rien de pire qu’avoir cette obligation devant soi et savoir qu’on ne peut qu’y fléchir… mais que le simple fait de savoir qu’il faut le faire est déjà un signe que cela sera impossible.

Soyons clairs : j’ai tenté toutes les techniques prétendues « éprouvées », mais la plus éprouvée c’était toujours moi à la fin. Il y a plusieurs écoles de conseils qu’on peut trouver dans son entourage. D’abord, ceux qui vous disent qu’il suffit de vouloir dormir. Sincèrement, qui voudrait perdre plusieurs heures de sa journée quand il n’est pas satisfait du tour que les heures éveillées ont pris ? Personnellement, quand je ne suis pas contente de ma journée, je préfère m’acharner sur elle afin d’y trouver au moins un bon point. La finir en beauté, à défaut de l’avoir bien vécue. Avoir trouvé un peu de réconfort dans le fait qu’elle n’a pas été tout à fait pourrie. Il y a ensuite ceux qui prétendent qu’il ne faut penser à rien, mais ce sont en général ceux qui ne pensent à rien ni avant de dormir, ni le reste de la journée. C’est facile pour eux ! Mais moi ? Moi qui pense déjà à demain, aux lendemains, à ce que je devrais réussir à faire, à ce que j’aurais dû faire, et si je l’ai fait, cela a-t-il été bien accompli ? Ok, on oublie cette fichue technique, c’est comme de recommander à quelqu’un qui a un bouton de moustique de ne pas se gratter. Combien d’entre vous ne grattent pas du tout le boutons de moustique ? Pas un petit coup d’ongle ? Même pas du bout d’un doigt ?

De toutes façons, plus j’essaye de dormir, moins j’y arrive. Quand on se répète pendant plusieurs heures « il est tard, il faut que je dorme, maintenant », ça ne fait que vous mettre face à l’évidence : vous ne dormez pas. Et avez peu de chance d’y arriver de la sorte.

Avec moi, ce qui marche, c’est l’épuisement. Il survient classiquement entre 3 et 6h du matin. Pendant très longtemps, j’ai pensé que mon rythme de sommeil était décalé. Qu’à la limite, avec le décalage horaire, je me sentirais mieux, mettons, au Canada. Nenni, mes amis. Au Canada, c’est pareil qu’en  France : quand il faut dormir, vous n’y êtes pas prêt. Vous n’en avez pas envie. Vous avez peur. Vous avez mille autres choses à penser.

Donc, je suis devenue Docteur ès Insomnies. Je sais mieux que quiconque comment les meubler, et jusqu’à quel point. Cela semble simple au premier abord mais c’est là toute une technique, et c’est à vous oui vous, petits veinards, que je vais la dévoiler. Avouez que ça valait le coup de venir lire ce blog non ? Une insomnie réussie repose sur trois pilliers : avoir quelque chose à faire, quelque chose à boire, et savoir quand elle finit. Quelque chose à faire ? A votre guise, personnellement rien ne marche aussi bien qu’un écran, télévision et/ou ordinateur. Quelque chose à boire ? Selon la saison : un verre de lait glacé (ceux qui racontent que le laid chaud marche pour dormir ont sans doute la nostalgie du temps où, enfants, après une journée pleine de cavalcades et de rires, même une intraveineuse d’adrénaline les aurait envoyés au pays des rêves), un verre de thé glacé, ou encore du sirop d’orgeat. Pour ce qui est de quand s’arrêter, j’ai eu longtemps du mal à le discerner. Quand vous baillez plusieurs fois par minute, que votre dos craque sinistrement, et que vous vous resservez du thé pour la énième fois depuis le début de l’épisode, là, résolument, vous commencez à lutter instinctivement contre le sommeil. Il est donc temps de passer à la phase suivante : lutter contre la terreur de dormir.

Mais, dans le fond, pourquoi ai-je peur de dormir ? Parce que j’ai peur du noir ? Bon, d’accord, peut-être, ces maudits « vampires » me font encore m’emmitouffler dans ma couette même au coeur de l’été, et cela, bien que j’aie allègrement passé les 22 ans à présent. Mais pas seulement. Parce que dormir, c’est à la fois admettre que la journée est finie (et donc accepter l’échec), et se résoudre à attaquer la suivante. Sans savoir, c’est une aberration, ce qu’elle réserve. Et, selon mon expérience, rien de bon.

En plus, ce n’est pas parce que la lumière est éteinte (ou en tous cas le plafonnier, puisque le noir total m’est impossible, j’ai besoin de garder un oeil sur mon environnement) que vous dormez. Nooooooon. Pensez vous, trop facile. Votre cerveau n’est pas tout-à-fait éteint, lui, pas même après 28 heures de veille, pas même après un épisode de Derrick, même pas après deux cachets soigneusement choisis par votre médecin. En général, il montre juste quelques signes de faiblesse que vous devez exploiter. Percer les défenses, et elles sont nombreuses, et solides. Vous luttez contre vous-mêmes. il est vite une heure de plus que quand vous avez remonté la couette sous votre nez la première fois. Il faut un peu plus chaud, alors vous partez ouvrir la fenpetre, vous êtes à nouveau réveillé. Ca peut tout bonnement durer jusqu’au petit matin si vous n’adoptez pasune tactique vile : la diversion. Orientez votre cerveau vers un lieu qu’il ne peut pas refuser d’aller chercher, mais qui ne cause pas de tracas. Faites-lui imaginer une autre vie.

Oui, j’ai fait mes plus beaux rêves à ce moment-là : quand mon esprit commençait à divaguer mais pas assez pour me montrer autre chose que ce qui pouvait m’apaiser. Mais mon vrai rêve, c’est de n’avoir pas peur de dormir. Parce que c’est aussi paralysant que d’avoir peur de vivre.

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