La maison jaune d’Eddie Sutton

16 janvier 2007 à 18:58

La maison que l’officier Eddie Sutton s’apprête à acquérir évoque pour lui et sa femme une certaine image de la vie de famille : une demeure, bien que modeste, tirée d’images d’Epinal, où leurs trois enfants grandiraient dans une maison avec jardin, chacun d’entre eux ayant sa propre chambre, et le couple retrouvant son intimité… C’est donc la raison pour laquelle Eddie insiste tant auprès de son épouse pour tenter le coup et se lancer dans l’aventure.

La seule raison ? Bon, pas tout-à-fait. Car cette demeure n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de parfaite, puisqu’elle est, d’une part, largement décrépie, et d’autre part elle a été saisie après une descente de police qui en a délogé une bande de dealers. La petite maison n’est en effet pas situé dans la prairie, mais bien dans le quartier un peu remuant de Lincoln Heights, où Eddie a grandi durant ses jeunes années… et tout fait pour se casser de là aussi vite que possible.
Mais à présent, voilà que la maison de Lincoln Heights incarne pour lui non seulement un idéal de vie familiale, mais aussi un idéal tout court. Vendue pour une bouchée de pain et prête à accueillir une famille toute entière, la maison est désormais investie d’une nouvelle fonction : il s’agit de réimplanter un peu de respectabilité dans le quartier. Et Eddie, songeant sans aucun doute à l’endroit où il a passé son enfance, aimerait participer à la réhabilitation de ce secteur où la police n’a plus aucune autorité, et n’est pas reconnue par ses habitants eux-mêmes, laissés à leur pauvreté et à la merci des délinquants de tous poils.

Dans la nouvelle série d’ABC Family, on trouve, certes, des personnages ultra-lisses (je le répète, c’est une série d’ABC Family !), mais Lincoln Heights propose tout de même, et c’est drôlement intéressant, un constat social qui, sous l’impulsion du personnage principal d’Eddie Sutton, jeune père de famille plein de bons sentiments, devient carrément une expérience sociale. Voilà un homme qui est posé devant un dilemme sacrément puissant : d’un côté il veut améliorer la vie de sa famille en la tirant d’un immeuble dans lequel elle étouffe, et d’un autre côté il rêve secrètement de changer au moins un peu, à son niveau, le monde ; à commencer par le quartier difficile où il a grandi, et qui, en fait, n’a pas envie de choisir. Malgré le fait qu’il y ait de grandes chances que les deux soient incompatibles (la tournure du hold up dés le pilote éloigne tout doute à ce sujet : Lincoln Heights n’est pas un havre de Paix tel qu’on l’envisage en général pour éduquer ses enfants) il a tout de même envie d’essayer. Ça force le respect, quand même !

L’optimisme (néanmoins non-forcené) d’Eddie, et son désir d’au moins semer la graine qui pourrait permettre au quartier de son enfance de s’améliorer, et d’amorcer un cercle vertueux dans une communauté qui ne croît plus tellement que sa vie peut s’améliorer, forment un message particulièrement positif, mais participent aussi d’une démarche qu’on a envie de suivre. Malgré tout le scepticisme qu’on voudrait ressentir envers cette tentative, et même si on s’attend à tout moment à ce qu’Eddie soit déçu et baisse les bras (même si bien entendu pour les besoins du scenario, ça n’arrivera probablement pas avant la fin de la série) on ne peut que brûler d’envie de voir les choses, effectivement, aller mieux.

Plus que les aventures ô combien classiques d’une famille, c’est l’aventure de ce quartier qu’on a envie de suivre. Grâce à ce pilote faisant bonne mesure entre bonnes intentions et chances plus que restreintes d’aboutir, avec ce qu’il faut d’action ultra-classique, et visiblement, l’amorce d’un arc autour des conséquences du braquage/prise d’otage qui tourne mal, on est immédiatement immergé.

Lincoln Heights ne fait pas de démonstration de force avec ce premier épisode : les dialogues sont simples, la réalisation fait penser à pas mal de séries des années 90, très conventionnelle (le générique est à cet égard une perle), et les acteurs ne débordent pas de charisme (sans être mauvais, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) et d’ailleurs sont plutôt méconnus (Michael Reilly Burke; sans doute le plus connu de tous, est un habitué des seconds rôles). Pourtant avec ce seul scenario, ce fil rouge, cette sorte d’idéal, on se sent irrémédiablement attiré. En cette pleine vague de série reposant sur des concepts, sur des castings fabuleux, ou des réalisations efficaces, Lincoln Heights est un ovni porteur de réelles valeurs qui, même si on ne les partagent pas, font qu’on a vraiment envie de rester attentif.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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