Ode to the beach

26 février 2007 à 2:31

Vous allez me dire que ça s’appelle vraiment se faire du mal. Que j’ai un fichu culot de taxer Sci-Fi de sadisme (voir note antérieure) lorsque mon comportement de téléphage tient du masochisme avéré. Soit. Mais chacun pratique son vice comme il lui plaît, après tout !

J’aime bien chialer devant une bonne série. Traitez-moi de midinette ! J’assume ! Une fois de temps en temps, j’ai bien le droit de me comporter en nana… Et j’assume plus encore le fait de rechercher avec minutie les épisodes les plus chialants, de m’en faire une petite liste mentale et de la parcourir avec fébrilité à l’occasion pour choisir l’un des titres, dans le seul but de verser quelques larmes. J’ai mes raisons ; et l’une d’entre elles est que pleurer devant la télé, ça fait du bien (ça permet de se lâcher sans se donner l’impression qu’on se lamente sur son sort, bref c’est une attitude qui relève non seulement de la psychiatrie, mais aussi de l’orgueil le plus vaniteux qui soit, et je continue d’assumer, et toc !).

Donc hier, je me fais un bon thé, j’allume la télé, et je lance une vieille VHS dépoussiérée pour l’occasion, une qui fait partie de la liste mais qui n’est pas celle que je choisis le plus souvent, je me love entre deux coussins, je remonte la couverture jusque sous le menton et je me prépare pour mon auto-flagellation. Au menu : On the beach.
La mort de Mark Greene, quoi.

Préambule : Urgences n’est pas une de mes séries préférées. Je l’aime, pour de multiples raisons (qui a dit Noah Wyle ?), mais j’ai hélas loupé le coche aux moments clés qui auraient pu faire de moi une accro. Lorsque la France s’est mise à l’heure d’Urgences, j’habitais encore chez mes parents et la télé après 21h, chez eux, c’était mission impossible. Pas la série avec Jim Phelps, est-ce que je l’ai mis en gras ? Non, je vous parle bel et bien d’austérité sur la télé, osons même le dire, d’un embargo sur le magnéto, menant, on s’en doute, à de la contrebande sur la télécommande (mais j’en parlerai une autre fois). Bref à cette époque-là, et surtout en veille de semaine, c’était pas la peine d’y penser. Les premières saisons d’Urgences faisaient un électrochoc sur le PAF (je me rappelle avoir lu des articles, et en même temps c’est pas étonnant, rares étaient les séries en prime à l’époque), et moi c’est tout juste si j’étais pas mise sous sédatifs.
Quelques années plus tard, ma soeur a tenté d’acheter les coffret VHS (j’en ris encore, mais ç’aurait été encore plus drôle si elle avait continué la collection maintenant qu’on a dépassé la douzaine) et on s’est fait les saisons qu’elle a pu acheter (de mémoire, la 3 et la 4). Ce n’est qu’une fois que j’ai acquis mon indépendance de téléphage que j’ai réussi à acheter la VHS du pilote et enfin comprendre où et comment tout avait commencé. Mais à ce moment-là, on était dans les 9 mois de l’année où France2 ne diffusait pas la série, donc : encore raté. Pendant plusieurs mois, je n’ai vu des épisodes que très sporadiquement, au hasard d’une vieille VHS dénichée dans des archives, par exemple. Le soufflet est retombé…

Au final, j’ai pris la série assez tard. Elle n’était déjà plus ce qu’elle avait été, pour peu que je puisse comparer avec les saisons que j’avais vues et ce que j’en lisais. Mais parce qu’il y avait des personnages intéressants (qui a dit John Carter ?), j’ai tenu bon. Parfois, lorsque vraiment la série me semblait s’écarter du droit chemin, je commettais le sacrilège de ne l’écouter qu’en fond sonore en faisant autre chose (ah, ya pas des tonnes de séries qui ont subi cet affront !), mais globalement on peut dire que j’étais là. Je n’avais pas d’affection particulière pour les personnages, ce qui m’intéressait ce n’était pas trop leurs histoires perso, je venais parce que l’équilibre entre action et scenario était bon, que certains arcs avaient des couilles, et que, l’un dans l’autre, yavait No… hm, de bons acteurs.

Pourtant, même en n’ayant que peu d’attaches avec le personnage de Mark Greene, même en n’étant pas spécialement une indéboulonnable fan de la série, l’épisode On the beach est une merveille. Pas pour rien que cet épisode a été nommé aux Emmys quand même ! D’ailleurs je dois dire que comme j’ai vu la retransmission des Emmys avant l’épisode, ça m’avait fait longuement fantasmer, cette vision d’Elisabeth marchant sur la plage… il y avait déjà quelque chose de touchant dans cette scène.

Il y a une technique savamment étudiée pour pleurer comme il faut devant un épisode. Pas de bruit parasite, pas de co-télespectateur à mes côtés, ambiance feutrée et, si possible, ne pas connaître l’épisode par coeur. Pour ma part, j’avais oublié une grande partie des scènes de confrontation entre Rachel et son père, alors qu’ils ne sont encore que tous les deux à Hawaii, avant qu’Elisabeth ne les rejoigne avec la petite. Elles sont pourtant merveilleuses.

Mark a cet espèce de sursaut d’essayer de laisser un testament oral à sa fille, une sorte de pulsion de vie même s’il sent la mort avancer, il a envie de tout transmettre, comme pour répondre aux questions que sa fille ne se pose pas encore, parce qu’il sait qu’il ne sera plus là pour y répondre ensuite. Tout le monde dans cet épisode a une vision très claire de la mort qui approche, à grands pas, et le télespectateur n’est pas pris en traître puisqu’on lui avait annoncé la mort de Mark lors de l’épisode précédent. Alors c’est comme si tout le monde profitait du temps qu’il reste. C’est une sensation vraiment étrange que d’avoir ce compteur qui dit « dans 45 mn, ce sera fini », et on sait que personne n’y échappera, et personne ne cherche à y échapper. Même pas Rachel, qui est tout-à-fait lucide, même si, en adolescente, elle réagit à sa façon, brouillonne.

Elisabeth est magnifique. Elle n’est pas là tout le long, mais chacune de ses réactions sont parfaites. Je n’ai jamais trop aimé ce personnage frigide, et jamais pensé qu’elle et Mark allaient bien ensemble, mais soudain, Elisabeth est animée d’une sorte de noblesse. Toujours un peu dure, elle tente de pleurer le moins possible et de porter la situation sur ses épaules, mais il y a un juste équilibre avec sa souffrance, aussi. Elle s’ouvre. Elle communique avec Rachel. Son regard lorsqu’elle et Mark sont sur le front de mer et parlent des lettres qu’il veut laisser à ses filles, est touchant au-delà du possible. Son autre regard, lorsque Rachel demande si elle pourra voir sa petite soeur, un peu surpris mais encore pris dans la douleur de l’enterrement de Mark, et légèrement résigné, est aussi formidable. Et pendant l’agonie de Mark, cette façon de tenter de se raccrocher à la médecine sans l’infliger, sans insister, et présider au bon déroulement de la vie dans la maison en ayant l’air d’avoir apprivoisé l’éléphant dans la pièce, c’est vraiment puissant.

Mark ? Mark, lui, comme toujours, est humble. Et dépit de cela, on a l’impression que pour la première fois il parle vraiment de lui. Pourtant je me rappelle de plein de choses avec lui, notamment lorsque sa mère est morte, ou quand il a assumé son père, mais c’est comme si le personnage s’était libéré de quelque chose. Mais toujours avec une extrême humilité.
Puis on vit ses dernières heures, mais parfois on a l’impression qu’il est déjà parti. Il s’efface un peu. Physiquement on le voit diminuer, et contrairement à la plupart des héros télévisés dans son cas, il ne se bat pas. Il n’a pas l’audace de prétendre qu’il cherchera à faire patienter la mort. Il prend ses médicaments, il se bande l’oeil, il reste assis longtemps, et il attend. Ou il profite. Ou les deux. Il tire les enseignements sur la mort que sa vie de médecin lui a appris. C’est simplement beau. Il est au calme, il veut que ça finisse comme ça. Par deux fois Elisabeth lui proposera de l’emmener faire des examens : il répond juste « non merci », simplement, avec une sorte de sourire qui signifie clairement qu’il refuse du mourir où il a vécu. Il veut partir en douceur.

La façon dont Elisabeth découvre que Mark est mort termine de nous achever. La camera est à deux ou trois mètres du lit, elle arrive, une tasse dans la main, près du lit, et voit qu’il y a quelque chose, le touche… elle s’assied au bord du lit, pose sa tasse par terre, prend son poul et comprend que c’est fini. Et ça suffit. Plus, c’était de la surenchère.

La seule scène que je n’aurais pas placée dans cet épisode, c’est l’enterrement. Cette sorte de retour au monde « normal », avec la panoplie d’acteurs venus faire leurs adieux à la dépouille, la famille endeuillée (Rachel qui ne pleure pas ; elle avait promis), c’est dommage. Je l’aurais mise au début de l’épisode suivant. Qu’on reste sur cette vision de la camera qui regarde Elisabeth auprès de Mark, et qui les laisse là, avec le berceau à côté et la mer à leurs pieds.

Mais l’un dans l’autre, On the beach est un épisode formidable. D’une sensibilité dont la série ne fait pas toujours preuve avec autant de finesse.
Redécouvrir cet épisode plusieurs années plus tard, avec moi aussi quelques années de plus au compteur et certaines expériences derrière moi, fait sans doute que je ne l’ai pas regardé avec le même oeil que la dernière fois. Tant mieux, peut-être. Mais il est aussi une preuve qu’un bon épisode se suffit à lui-même, et que les émotions que transmettent les séries ne tiennent pas simplement au fait de l’affection qu’on donne sur le long terme à un show, mais bien à ses qualités d’écritures, à l’opportunité qu’on leur donne de s’affiner et s’affirmer avec les saisons.
Je vais me faire pleurer avec mes conneries, moi.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. akito dit :

    Ce que j’ai retenu de mon unique visionnage à ce jour de On the Beach, c’est déjà que la mort lente de Mark m’a épouvanté.
    Ensuite, j’ai été moi aussi incroyablement ému par le courage et l’humanité d’Elisabeth Corday, personnage qui ne m’était pas tellement sympathique jusqu’alors, mais qui a fait montre d’une telle attention envers Mark… que ça ne peut être que la preuve d’un amour pur et sincère.

    Enfin, la scène que j’ai retenu est celle de la voix-off d’Elisabeth, sa lettre envoyée à l’hôpital une fois que tout était fini. D’ailleurs dans mes souvenirs, c’était la scène finale de l’épisode, l’enterrement ne m’a donc pas marqué.
    Mais même « épouvanté », je n’ai pu m’empêcher de ressentir un profond soulagement, presque une paix intérieure.

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