Ca va se savoir

13 juillet 2007 à 16:22

Susan en pleurs au beau milieu de la route, Izzie planquée dans un angle mort avec l’estomac noué… ces héroïnes et bien d’autres font les frais d’un retour de boomerang de leur secret.
Pourtant, elles devraient savoir que tout se sait !

Car oui, dans les séries américaines, tout se sait. Dans un pays qui met la vérité au-dessus de tout, quitte à créer des crises institutionnelles majeures (on préfère se demander si on destitue le POTUS que de laisser passer un mensonge sur sa vie privée…), ce n’est d’ailleurs pas très étonnant… Ainsi, on reprochera plus facilement d’avoir caché une vérité, même déshonnorante ou amorale, que la vérité déshonnorante ou amorale en elle-même !
Il est assez rare, d’ailleurs, que le mensonge soit « pieux », comme on dit chez nous, les séries américaines partant du principe qu’il n’existe pas de « bon » mensonge, et quand bien même un mensonge est prononcé dans l’intérêt d’un tiers, alors cette bonne action ne reste pas impunie et tôt ou tard, la vérité finit par se savoir et ça se retourne contre le menteur. Bref, que des ennuis pour nous conduire à la conclusion que c’est toujours la vérité qui doit triompher.

D’ailleurs, combien de séries nous disent-elles que la vérité prime ? Ah bah alors là, ne vous lancez pas dans des calculs, vous y perdriez le sommeil !!!
Evidemment, X-Files a été de celles qui nous ont réclamé la vérité quoi qu’elle coûte, mais le nombre abracadabrant de séries policières ou pseudo-policières qui s’accumulent depuis quelques saisons est aussi là pour alourdir le bilan. Car chaque fois que Gil Grissom, Jordan Cavannaugh, Gregory House ou Jack McCoy se défoncent pour leur boulot, c’est au nom de la vérité. Il faut que la vérité soit établie – c’est pour eux la seule façon d’accomplir correctement leur tâche, c’est aussi la seule valeur qui prime par conviction personnelle. La vérité à tout prix.
Et puis il y a toutes ces séries où c’est le spectateur qui tente de connaître la vérité, comme dans LOST ou plus récemment The Nine, même si les personnages, eux, ont d’autres soucis au quotidien que de connaître cette fameuse vérité.

Evidemment, la plupart des séries dramatiques (et les soaps) reposent sur les vérités personnelles de chacun : il y a toujours quelqu’un pour avoir un secret qui lui revient dans les dents tôt ou tard, il y a toujours quelqu’un qui a un fait peu glorieux et/ou enfoui dans son passé et qui immanquablement ressurgit au moment le moins opportun…
D’ailleurs, un soap sans secret, ce n’est pas un soap ! A un tel point que quand il n’y en a plus, on en invente de nouveaux (et c’est ainsi qu’un personnage comme Jill Abbott découvre du haut de ses 60 50  40 ans l’identité de son véritable père…), c’est la loi du genre !

La vérité, c’est donc la valeur suprême !!!
Sauf que, en vérité… est-ce que nous voulons vraiment toujours tout savoir ? Est-ce que nous ne préférerions pas, parfois, rester dans une certaine ignorance ? Avons-nous vraiment envie de connaître les petits secrets de tout le monde ? Et surtout, voulons-nous que les nôtres soient voués à être connus un jour ou l’autre ?
Quelque chose me dérange dans cette quête à tout prix de la vérité, parce qu’elle laisse de moins en moins de place à la vie privée, parce que, aussi, elle attise en nous un côté légèrement voyeur…

Et puis après tout, ai-je réellement envie de savoir pourquoi tout ce petit monde est bloqué sur une île ? Est-ce que ce qui compte, ce n’est pas les personnes qu’ils sont à ce moment-là, leur nature profonde qui se révèle dans les évènements tragiques ou inquiétants ? Est-ce que ça m’importe de savoir pourquoi Zack n’est pas revenu à Wisteria Lane -et est-ce que ça lui permet de revenir pour autant si je le sais ? En vérité, que le coupable soit l’amant ou la maîtresse, ça n’a pas vraiment d’importance… mon épouse est morte et il faudra vivre avec (ou plutôt sans…). Oui, le Président a menti sur sa sclérose en plaques : n’est-il pas pour autant quelqu’un de très intelligent, compatissant et juste ? Qui est le père de cet enfant ? Je crois que le plus important, c’est de trouver comment il pourra être heureux en dépit de ces adultes qui se battent pour lui, non ?
J’ai envie de me demander si ces secrets, énormes ou anodins, ces petits mensonges ou ces grandes conspirations, n’ont pas aussi leur raison d’être, et si on a vraiment besoin de tout savoir et sur tout le monde ? J’ai envie de me demander si parfois, le mensonge ne s’apparente pas à une certaine magie de la vie, si parfois, ne pas savoir la vérité, ne nous fait pas plus avancer que de la connaître, si
être confronté à certaines zones d’ombres inexplicables ne fait pas aussi des nous des êtres un peu plus humains… parce que ça, par contre, c’est la réalité : on ne sait pas toujours la vérité, et il faut bien continuer à faire sans !

Ce que les séries nous laissent croire, toutes ces fois où le mensonge, le secret, le passé mystérieux reviennent à la surface, c’est que la vérité finit toujours par se savoir. Et ça, c’est un gros mensonge.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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