L’apprenti col blanc

26 mai 2008 à 12:43

En l’absence de DOM THOM, vous comprenez bien que je m’ennuie, n’ayant plus sous les yeux de quoi me divertir. Alors je vais tenter l’ouverture d’une nouvelle rubrique de portraits… Parce qu’il n’y a pas que DOM THOM qui mérite qu’on parle d’elle dans ce ministère !

Ainsi, la semaine dernière, j’ai rencontré Monsieur D, à l’occasion d’une réunion qui se déroulait juste après notre déménagement. Je devais donc aller chercher les participants à cette réunion devant l’ancien bureau de Monsieur Patron, puisque personne ne savait où nous logions depuis 24h à peine, et emmener tout une ribambelle de directeurs, de chargés de projets et autres personnages manifestement importants, dans de longs couloirs et escaliers pour les guider vers le nouveau théâtre de nos opérations. Tout un programme…

Monsieur D est arrivé très en avance. Il flippait un peu. Il s’inquiétait de voir le bureau de Monsieur Patron entièrement vide. On peut même dire à ce stade qu’il paniquait.

Monsieur D est le collaborateur de l’un de nos plus importants interlocuteurs dans une direction très concernée par notre travail. C’est d’ordinaire le supérieur direct de Monsieur D qui assiste à nos réunions, mais cette semaine-là, il était en déplacement à l’étranger. Monsieur D a donc pris la relève tant bien que mal. Connaître les dossiers ? Oui. Les maîtriser ? Pas forcément.

D’ordinaire, en tant qu’assistante de Monsieur Patron, les gens que je croise sont tous drapés dans une magnifique assurance de leurs compétences et leurs attributions. Ce sont des gens importants qui font des choses importantes, et qui le savent. Un peu comme lorsqu’un mec sait qu’il est consommable, quoi ; même quand ils sont humbles, ils ont une certaine aisance.

Monsieur D, pas du tout. Monsieur D me posait plein de questions. Il avait l’air de vouloir être rassuré. Mais le plus étonnant c’était la façon si ouverte qu’il avait de me dire très clairement qu’il n’était pas du tout à l’aise avec cette réunion, ni avec les dossiers sur lesquels il remplaçait son supérieur au pied levé, ni sur certains points très spécifiques de ces dossiers, ni sur le fait qu’il était manifestement très angoissé par le fait qu’on ait déménagé presqu’en un week end.

Monsieur D travaillait sur le terrain il n’y a pas si longtemps ; toutes ces histoires administratives, ces réunions de deux heures, et ces lourds dossiers à potasser puis discuter avec un air docte, ça le dépassait un peu.

Il avait nettement besoin d’une tape sur l’épaule.

J’ai trouvé ça très mignon, la façon dont il montrait sa vulnérabilité et avouait si facilement ce qu’il ressentait. C’était touchant de voir ses yeux clairs tourner dans tous les sens comme s’il cherchait quelque chose à quoi se raccrocher, ses balbutiements et ses sourires contrits. On avait vraiment envie de le consoler de tous ses tracas, sur le coup. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de me dire aussi que, quand même, quand on a certains responsabilités (même seulement en interim), on essaye de maintenir une certaine image, même auprès des assistantes, sinon on se fait bouffer tout cru.

Peut-être que ce moment n’a existé que pour moi, que là, que dans ce bureau entièrement vide… Peut-être qu’ensuite il a repris du poil de la bête et a fait bonne figure sans laisser transparaître ses hésitations. Peut-être qu’en cet instant précis, il a livré quelque chose que nul autre ne savait. Peut-être qu’il s’est ouvert une fois et une seule avant de reprendre du courage. Peut-être que personne (hormi vous, cher lecteur) ne saura jamais à quel point Monsieur D était terrifié par ses nouvelles attributions.

Quelques jours plus tard, j’ai rappelé Monsieur D pour lui passer une communication avec Monsieur Patron. Il m’a immédiatement reconnue au téléphone, et quand je lui ai demandé comment il allait, il m’a répondu, gêné : « ça irait mieux si votre patron ne m’appelait pas ». J’ai souri gentillement et ai essayé de plaisanter : « Allons, allons, je vais faire comme si je n’avais rien entendu ! Courage ! » et je lui ai transmis la communication. Pauvre petit poussin. Ca finira rôti tout ça…

Monsieur D, si vous avez besoin d’un autre hug téléphonique (et ce, même si votre supérieur est rentré à présent), mon numéro interne est le 7XXXX !

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