Le petit bleu

26 septembre 2009 à 20:41

Je suis désolée pour mon post traditionnel du vendredi. Cela faisait très longtemps que ça ne m’était pas arrivé, alors pour tenter de me faire pardonner (d’avoir une vie), aujourd’hui, je vous propose un post dans une catégorie qui demande plus de travail qu’à l’ordinaire. Voilà, je suis bien punie.

D’ailleurs, dites, les posts à vocation ciné-pas trop-graphique, en vrai, ça vous intéresse ou pas ? Ah, je vois ce que c’est. Bon, bougez pas, je vais vous remotiver : le film d’aujourd’hui est une histoire de sexe, les scènes de nus y abondent, on y voit de nombreuses fois les personnages barboter dans l’eau, et tout ça dans des décors ensoleillés et exotiques. Non c’est pas un film avec Jessica Alba.

C’est quoi le nom du film ? Le Lagon Bleu
C’est plutôt quel genre ? Sex ed
Qui on connaît là-dedans ? Brooke Shields (Suddenly Susan), qui, détail de peu d’importance mais néanmoins surprenant, s’y avère très belle (en 2009 ça peut paraître étonnant à dire, et même en 99 d’ailleurs, mais en fait…)
Ça date de quand ? 1980. Ah oui voilà tout s’explique.
En résumé, de quoi ça parle ? Un homme, une femme, une île déserte, beaucoup de temps à tuer.

En moins résumé, de quoi ça parle ? Emmeline et Richard partent pour San Francisco sur un très joli voilier. Les deux enfants sont cousins et voyagent avec le père de Richard, qui est également l’oncle d’Emmeline. Au cours du voyage, un incendie se déclare sur le bateau, et les sépare du reste de l’équipage. Dérivant seuls avec le vieux cuisinier Paddy Button, ils échouent sur une île déserte. Paddy meurt peu de temps après, et les enfants vont grandir à l’écart de la civilisation, sur l’île tropicale qui sera désormais leur maison. Sauf si un bateau les repère et les ramène chez eux…
Et ça finit comment ? Avec des jamais-plus.

Pourquoi c’est bien ? Avant de se demander si c’est bien, le pré-requis est impérativement de se demander pourquoi j’ai regardé ce film. Car, comme un grand nombre des films que j’ai découverts avant 10 ans, l’explication est simple : quand mon père travaillait la nuit et que ma mère connaissait le film, les conditions étaient remplies pour que je le voie. Aussi, c’est très jeune que je découvrais Le Lagon Bleu, qui a devancé d’un ou deux mes premiers cours sur la sexualité sponsorisés par l’Éducation nationale. Je n’avais pourtant pas plus de nostalgie que ça, et puis, il y a deux semaines, je me suis dit : « ah, tiens. Et si ? », et trois heures de recherches plus tard, c’était fait. Du coup, cet ancrage dans mes jeunes années de téléphage (qui s’ignore) a forcément un impact sur mon avis à propos de ce film. Et alors, donc, quel est-il, c’est avis ? Et pourquoi ce film est bien ? D’abord, pour quelqu’un qui connait essentiellement de Brooke Shields son rôle de Susan dans la série éponyme, c’est un peu un choc, il faut le dire. L’actrice est ici d’une beauté et d’une grâce saisissantes, loin de la dureté de Susan. D’un autre côté, c’est vrai que 16 années nous contemplent entre les deux, mais tout de même. Bon, à part ça, Le Lagon Bleu est un film finalement assez difficile à appréhender : paysages de rêves qui subitement prennent un tour désagréable, situation idyllique qui vire au glauque pour quelques secondes à peine… Le film passe son temps à nous trimbaler, entretenant un climat assez ambigu, finalement, sur le message qu’il souhaite véhiculer, nous prenant par surprise ici ou là par un petit plan bien pensé mais très bref qui laisse un arrière-goût désagréable dans la bouche, et puis de nouveau le paradis sur terre, sur une île de rêve où on pourrait croire que rien n’est vraiment dangereux (il suffit de voir avec quelle facilité les deux protagonistes se sont construit une baraque énorme). Cette sensation de malaise récurrent mais fugace est, en fait, un plus certain pour le film, mais il m’a fallu du temps (autour de deux décennies) pour comprendre que c’était ce qui m’avait perturbée. Le plus dérangeant étant que ces scènes n’ont aucun rôle dans l’histoire, mais juste dans l’ambiance. Et en parallèle, Le Lagon Bleu est d’une candeur tout-à-fait désarmante, en cela que l’innocence des personnages est gardée intacte, et très bien retranscrite. Ce qui aide très largement à accepter que…
Pourquoi c’est pas bien ? Le scénario ? Ne comptez pas sur lui pour créer la surprise. Un jeune garçon et une jeune fille se retrouvent sur une île déserte, et il va arriver ce que vous imaginez, inévitablement. Amateur de scénarios renversants ou à tiroir, rentrez chez vous (à la nage). Ici c’est pas La Plage, on n’est pas là pour vous donner votre quota d’action et de retournements de situation contractuels. Sans compter que si vous perdez de vue le décalage horaire entre 1980 et 2009, le film va vous sembler lourd. Pour autant, il est strictement impossible de traiter Le Lagon Bleu de vieux navet, car cette tranche de vie exotique aborde la sexualité avec une grande intelligence, franche et pleine de tact, mais ça ne captivera pas forcément tout le monde aujourd’hui.

Ah, les joies du cinéma ! On imagine sans peine les plaisanteries que je pourrais faire à propos d’un tournage pour un film rempli de scènes de nu intégral (à divers âges d’ailleurs), mais hélas pour mes blagues peu fines, les scènes de nu censées inclure Brooke Shields faisaient en fait apparaitre sa doublure. D’ailleurs j’imagine bien le truc qui fait bien débander : « pour la scène de la première fois, Brooke tu retournes dans ta caravane, toi tu la remplaces, et pendant qu’on vérifie que tout est raccord, surtout Christopher, surtout continue d’avoir l’air excité ».
La réplique qui tue : « Hoochie-coochie », bien-sûr !
La scène qui tue : Je ne sais pas s’il y a vraiment une scène qui tue dans ce film, et aucune ne m’apparait comme suffisante en elle-même pour convaincre un spectateur potentiel. Alors plus simplement, j’ai choisi la scène de transition, lorsque les enfants sont livrés à eux-mêmes suite au décès de Paddy Button. Ils découvrent en effet un beau matin qu’ils sont désormais seuls au monde, et vont devoir vivre sans lui. Mais Le Lagon Bleu n’est pas Robinson Crusoe, et la survie n’est pas tant un enjeu que la façon dont ils vont grandir, et notamment comment ils vont s’épanouir physiquement. L’ensemble de ces scènes très courtes donne une assez bonne idée de ce à quoi il faut vous attendre si vous n’avez pas encore vu le film et que vous vous demandez si ça vaut le coup de s’y mettre.

Une note ?
Il y a une cagoule pour la nostalgie, osons le dire. Mais il n’est pas facile de trouver aujourd’hui des films donnant une telle impression de naturel (avec une histoire pourtant assez téléphonée, pourtant), de sincérité et d’intelligence, sans en faire des tonnes, sans même vraiment avoir d’enjeux. Et pourtant, Dieu sait comment, ça fonctionne.
Bilan : Si je dis que je ne suis pas sûre d’être capable de retrouver dans les productions modernes, c’est simplement parce que c’est là quasiment l’antithèse de ce que la plupart des films proposent aujourd’hui : il y a des longueurs, beaucoup de scènes contemplatives, des dialogues peu travaillés, une histoire un peu simpliste, deux personnages principaux légèrement bêtas (et pas forcément interprétés par les deux acteurs les plus époustouflants de la création)… Et pourtant étrangement tout cela fonctionne. D’ailleurs voilà typiquement le genre de film dont, si je me voyais un jour affublée d’un bambin, je rendrais le visionnage obligatoire au moment où les hormones commencent à démanger. Dans le genre éducatif sans être trop lourd, accessible à tous les publics et agréable à regarder, Le Lagon Bleu, c’est impeccable ; et je parle d’expérience.
En-dehors de ça ? Difficile à dire. On tient quand même là un film qui ne donnera de grandes émotions à personne, à aucun moment. Mais qui a tout de même le mérite, passée la moitié du film, de dépeindre une sexualité assez libérée et épanouie (oserai-je la qualifier de typique des années 80 ?) sans chercher à racoler, tout en ayant un aspect initiatique pas du tout gonflant, et je trouve le résultat plus qu’honorable sous cet angle, voire louable. Est-ce que ça suffit ? Hm… Il y a en tous cas nécessairement une part de nostalgie qui m’empêche de répondre objectivement à cette question.
Dans l’idéal, il faudrait donc compléter ce post de votre opinion…

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7 commentaires

  1. freescully dit :

    Ben c’est pas moi qui vais pouvoir répondre objectivement à ta dernière question vu que je l’ai aussi vu quand j’étais petite (moi aussi avec ma mère, d’ailleurs…) et que je ne m’en souviens plus très bien. Mais c’est intéressant la manière dont tu décris avec un regard adulte la mise en parallèle des moments de malaise avec l’innocence des personnages, finalement ça donne une lecture un peu différente que l’approche qu’on peut avoir du film quand on est enfant. Faudrait que je le revois, tiens (mais cagoule nostalgie, là aussi…).

  2. freescully dit :

    Ah et il semble que la scène qui tue dans la photo soit en fait la scène qui tue de ton dernier post cinéma…

  3. ladyteruki dit :

    Ah oui tiens, c’est bizarre, une particularité sur Canalblog que je n’avais pas vue jusque là quand on fait des copier-coller. C’est corrigé.

    J’ai eu un peu de mal à trouver la cagoule en français (j’y tenais à cause des voix d’Emmeline petite qui m’avait beaucoup marquée ; d’ailleurs les doubleurs d’Em et Richard adultes sont ceux de Courtney Cox et Scott Bakula ^_^ ), je t’enverrai le lien si tu veux, surtout que je seede encore.

    Je trouve ça globalement très intéressant comme expérience que de revoir des films que j’avais vus il y a longtemps ; je l’avais déjà fait pour The Last Unicorn et je pense le refaire une prochaine fois, mais pas tout de suite, j’ai quelques autres films dans ma ligne de mire.

  4. freescully dit :

    Ah bah je veux bien le lien, j’en profiterai pour ma rafraîchir la mémoire le week-end prochain.

  5. freescully dit :

    Après avoir vu l’extrait : une chose est sûre, je ne me souvenais pas de tous ces plans de nus.

    Effectivement, je vois ce que tu voulais dire, le parallèle entre le malaise et l’innocence : le truc qui sort de la bouche de Paddy (beurk), et juste après le côté « oh installons-nous sur cette magnifique plage de sable fin avec des dauphins qui nagent à 1 mètre de la plage… ».

    Et j’aime aussi beaucoup le faux raccord à la fin de l’extrait, Richard sort de l’eau, met son pagne et hop, il a les cheveux secs !

  6. gecko4fr dit :

    Panthéon des navets

    J’ai pris un petit coup de vieux là, ce film est un de mes premiers souvenirs de cinéphagie aiguë commencée un beau jour de 1996 (oui c’est comme ça). Et je garde une image de la relation entre les deux personnages dérangeante, quand au scénario, j’en ai longtemps rigolé. Remarque les paysages sont beaux, les acteurs aussi, mais pour moi ça sauve pas le film du naufrage intégral.
    Alors comme je suis sympa, j’ai le film en VHS, vais tacher de le remater et je proposerai un avis neuf et plein de bon sens. Et rien à voir mais j’ai bien aimé Bored to Death

  7. freescully dit :

    Alors, alors. Mes souvenirs étaient vraiment plutôt vagues sur le film. Bizarrement je me souvenais bien du parallèle fait avec les photos de la vie au XVIIIe siècle que les enfants regardent. Par contre je ne me souvenais pas de tous ces plans transitoires voire métaphoriques d’animaux et de plantes. Et pourtant il y en a un paquet ! Si je me souvenais assez bien de l’histoire de Richard et Émeline, j’avais par contre totalement occulté la tribu de sauvages, la scène du sacrifice et la « statue de Dieu ».

    Mais sinon dans l’ensemble même si on sent bien que le film date un peu, je pensais que j’allais le trouver plus ridicule que ça. Bon, évidemment, certaines scènes sont un peu ridicules de candeur mais c’est vrai que finalement ça fonctionne plutôt bien. Par contre je ne me souvenais pas de la fin comme ça (encore une fois, sujet plutôt à l’opposé de la candeur des personnages, c’est d’ailleurs même surprenant de réagir de la sorte vu leur candeur), je me demande si ma mère n’avait pas arrêté le film lorsque le bateau passe la première fois en disant « et voilà, le bateau les a récupérés, ils sont sauvés ! »

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