Savourer l’écran noir

2 juin 2010 à 22:07

Entre le moment où votre épisode finit, et le moment où vous commencez l’activité suivante (aller prendre une douche, préparer le repas, vous mettre au travail… lancer un autre épisode), combien de temps se passe-t-il ? Exactement ?
La question n’est pas innocente, tout du moins à mes yeux l’est-elle de moins en moins.

Quand j’apprécie un épisode, j’ai envie de le goûter encore un peu. Pour cela il faut aller jusqu’au bout du générique de fin, et prendre tout le temps nécessaire une fois celui-ci fini si besoin est. D’ailleurs rien n’est plus horripilant que de tomber sur une cagoule dont le générique de fin a été coupé. Déjà qu’on a du mal à avoir des génériques de début, mais alors si on nous sucre aussi les génériques de fin…! Contrairement à ce que semblent penser certains (et qui m’horripilait déjà quand France 2 ou M6 réduisaient le générique de fin à un split screen pour permettre de diffuser en même temps une bande annonce quelconque), c’est un temps nécessaire. Vital, même.

J’ai fait cette erreur, par le passé, de regarder un épisode avec un malotrus ou un autre qui, sitôt l’épisode finit, commençait à parler (d’autre chose) ou se levait pour vaquer à ses occupations. On m’a par exemple gâché le final de Buffy comme ça. On regardait la télé tranquillement, la série s’est finie, l’écran s’est assombri pour faire apparaitre le nom d’une des personnes à qui on devait ce spectacle, et mon voisin s’est mis à parler. J’avais envie de lui hurler : « mais ta gueule, attends, laisse-moi savourer l’écran noir ! ». Rien ne comptait plus à cet instant que de rester dans l’ambiance de ma dernière émotion, et s’il m’avait dit que j’avais gagné au Loto, j’aurais tout aussi désagréablement accueilli son intervention.
Est-ce que ça ne signifie rien, pour ces amnésiques, les 45 minutes qui viennent de se dérouler ? N’ont-ils donc rien ressenti ?

Oh, je ne dis pas que tout épisode vous touche au point de nécessiter quelques minutes pour accuser le coup.
Sincèrement, quand je regarde un épisode de Glee, je n’ai pas besoin de longues minutes de méditation pour m’en remettre ! Mais il n’empêche que je n’arrête pas ce que je fais pour autant, il faut environ une minute de zone de décompression, un moment pendant lequel je vais fredonner un refrain interprété pendant l’épisode, ou essayer de tirer une conclusion de ce que je viens de voir (tout simplement pour faire le point sur ce que j’en pense : bon ou mauvais épisode ? meilleur ou moins bon que le précédent ? etc…), ou simplement me délecter de la pensée que, dans un instant, je vais appuyer sur retour et revoir un passage qui m’a fait rire ou dans lequel j’ai l’impression qu’il s’est passé plus de choses que je n’ai pu en voir le premier coup.

Mais enfin, il faut bien ménager un « sas » dans lequel on se reconnecte progressivement avec le réel, sans pour autant bazarder ce qu’on vient de voir dans les affres de l’oubli. A quoi sert de regarder une série à laquelle on arrête de penser à la seconde même où l’un de ses épisodes se finit ? Si elle ne fait pas la moindre impression, inutile de persister. Il y a toujours assez fort à faire par ailleurs pour ne pas bêtement perdre son temps de la sorte. Si vous ne ressentez rien, je ne vous veux pas à mes côtés pendant le générique de fin.

Depuis quelques temps, lorsque je regarde un inédit, j’aime le regarder en solo. En compagnie, je ne regarde que des rediffs : soit parce que j’ai vu un truc que j’ai envie de partager et que je tente de faire découvrir, soit parce qu’on a déjà vu l’épisode ensemble et que ça fait plaisir de le revoir. Mais un inédit, jamais plus. On ne m’ôtera plus la joie de contempler l’écran noirci en souriant ou en laissant échapper une petite larme. Je peux le tolérer pour un épisode que je connais déjà, mais la primeur de l’émotion m’appartient dorénavant.
Dans ce domaine, je pars du principe qu’il vaut mieux seule que téléphagiquement mal accompagnée.

Alors, entre le moment où votre épisode finit, et le moment où vous commencez
l’activité suivante, combien de temps se
passe-t-il ?

Ma théorie personnelle sur le sujet, c’est que plus vous restez longtemps dans l’espace de transition, plus l’instant est chérissable.
En-dessous de dix secondes d’arrêt, on arrête les frais. Une minute dans la zone tampon, l’épisode est bon. Au-delà de deux minutes de pause, vous tenez un favori. Passées cinq minutes d’état de choc, c’est un classique.

Et quand une série vous laisse presqu’à chaque fois dans un état second pendant quelques minutes, vous savez que vous êtes un téléphage comblé.


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5 commentaires

  1. Nakayomi dit :

    D’ailleurs, en parlant du générique de fin, nos amis Américains ne font pas mieux que nous a priori (vu que toutes les cagoules « tv » se terminent sur le panneau noir du producteur exécutif, voire s’avère coupé vraiment ric-rac, même pas un peu de noir et les fois où j’ai vu un générique, c’était avec cette fameuse version du split-screen cher à certaines de nos chaînes françaises).

    Hum, oui, donc, sinon… Ben c’est comme les films… Au ciné, c’est malheureusement rare de ne pas se sentir obligé de sortir avant le générique de fin, parce qu’on est le seul pèquenot que ça intéresse visiblement (ne serait-ce que pour lire certains crédits) et j’avoue que ça me gonfle…

    Alors, bon… Dans la plupart des cas, ce « sas » n’excède pas soit le changement de galette, soit une petite pause quelque chose de divers… C’est un temps suffisant pour faire un mini-bilan de ce qui vient de se passer (qui se fait en plus naturellement durant le visionnage). Si un épisode m’a vraiment remué, ça peut prendre un peu plus de temps pour enchaîner, effectivement. Mais c’est rare (mais pas sur Buffy… )

    En tout cas, je l’ai toujours dit, les épisodes de séries télé, c’est un plaisir solitaire ! Parce que les autres, ça coupe les génériques… Mais ça peut aussi parler pendant les épisodes, et ça…

    Je les aime aussi ces génériques de fins. Ne serait-ce, encore une fois, que pour lire certains crédits. Mais pas toujours évident de les avoir.

  2. Eclair dit :

    Je suis entièrement d’accord avec toi. Ciné ou Télé, même combat.
    Malheureusement le générique de fin comme le dit Nakayomi est en voie de disparition.

    Personnellement je savoure autant que je peux. Jusqu’à la dernière goutte. Y compris les génériques des producteurs.

    « And dance by the light of the moon », dans Once and Again, par exemple. Ca me fera toujours encore plus vibrer. Ou le générique de fin de Dead Like Me.

    Quant au temps de méditation post-épisode (quand il y a générique), il est variable selon l’intensité de l’épisode, comme tu le dis. Et j’aime naviguer dans les brumes entre la fiction et la réalité
    J’ai la chance d’avoir quelqu’un à mes côtés qui semble être du même avis que moi, donc ça va.

  3. Ce n’est peut-être qu’une rumeur mais plusieurs sites américains annonce la mort de Rue McClanahan, à 76 ans ce matin.

    Triste nouvelle.

  4. ladyteruki dit :

    Cela semble hélas confirmé.

  5. Scarlatiine dit :

    Alors moi, j’avoue, la plupart du temps, autant je ne coupe jamais le générique de début, autant je zappe celui de fin. Ou alors il faut que je sois vraiment sur le cul des dernières minutes de l’épisode, mais en général, j’ai vraiment trop hâte de passer à la site.

    Ou encore, il faut qu’il y ait des génériques « spéciaux », comme en font « Les Simpson » parfois.

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