Full glitz drama

4 décembre 2011 à 23:02

Il m’arrive, une fois de temps en temps, de tester des épisodes de reality shows, et j’ai pu vous parler, avec peu d’enthousiasme cependant, de Jersey Shore ou LisaRaye: The Real McCoy par le passé (les tags vous aideront à trouver ces posts si vous y tenez vraiment, mais réfléchissez bien, il faut parfois se méfier des souhaits). Je me sais très fermée à ce genre de programmes, que je ne me cache pas de ne pas porter dans mon coeur. Généralement ils me mettent mal à l’aise, mais assez souvent ils me mettent aussi en colère, ce qui donne un bon cocktail de mépris au final ; la bonne nouvelle c’est que, ne regardant plus du tout la télévision française, je ne risque jamais de tomber dessus par hasard. Et je sais donc qui blâmer quand j’en regarde…
Mais vu que je suis tellement malade depuis plus d’une semaine, en fait presque deux mais qui compte les jours, n’est-ce pas, plutôt que de regarder Homeland comme je l’espérais (surtout que j’ai deux épisodes de retard), je n’ai rien regardé de spécial ce weekend (dommage, je m’étais cagoulé le pilote de The Royle Family), et du coup, je vais vous proposer une « semi-rediff » en vous parlant d’une émission que j’ai découverte il y a plusieurs jours, dont j’ai brièvement parlé sur Twitter, mais qui depuis me hante plus que je ne l’aurais cru. Mon nouveau cauchemar s’appelle donc Toddlers & Tiaras.

Cette fois-ci, n’ayant pas envie de me taper 3h de recherche pour un malheureux épisode, ce n’est pas le pilote que j’ai testé. Vu la structure de l’émission, j’ai l’impression que ça n’a pas grande importance : autant Jersey Shore peut sembler « feuilletonant » (qui attrapera des micoses en premier, Snookie ou TheSituation ? Suspense !), autant Toddlers & Tiaras relève du « formula show ». L’idée est simplement de suivre une compétition de type concours de beauté, mais pour des enfants.
A ce stade, l’idée-même qu’il existe des concours de beauté pour les enfants a des chances de vous faire grincer des dents. Dites-vous que vous n’avez pas idée. Bienvenue dans un monde qui donne au terme « horreur » une nouvelle signification.

Ces concours sont, si on en croit les parties le plus montées de l’émission, ouvertes aux petites filles… dés leur naissance. D’après mes lectures complémentaires, une gamine de 11 semaines a participé à au moins un des épisodes. Et, oui, j’ai bien dit « semaines ». Ces parties un peu plus montées permettent de voir défiler certaines des gamines qui ne sont pas au coeur de l’épisode ; on y découvre donc des bébés, portés sur scène par leur mère, mais aussi des adolescentes qui, étrangement, ne sont pas présentes plus de 7 secondes sur tout l’épisode ; elles sont dans la salle, mais jamais ou presque à l’écran. Pas assez vendeur.

Non, ce qui intéresse la camera, ce sont les gamines de 5 ou 6 ans, 8 ans si vraiment on fait dans le grabataire, et l’émission va en suivre trois ou quatre, du stade des préparatifs à celui de la compétition et, enfin, la remise des trophées (puisque tout le monde repart avec au moins une couronne, même la honte de la jungle). Vu que la remise de prix a lieu à la fin de l’épisode, je suppose donc que Toddlers and Tiaras est du type formulaic, avec une nouvelle compétition à chaque épisode, et des compétitrices différentes à chaque fois. D’ailleurs la chaîne TLC, qui diffuse l’émission, explique que quel que soit le weekend, il y a quelque part aux Etats-Unis une compétition de ce type (d’après mes observations, seulement dans le Sud, cependant). Ca alimente l’émission, forcément, pour des saisons et des saisons.

La première partie de l’épisode consiste à vous donner envie de vous énucléer avec vos propres doigts pendant que les gamines se font épiler les sourcils, poser des ongles en acrylique ou encore asperger d’autobronzant, parce qu’il faut y aller « full glitz » (ce que je traduirai par « plein pot sur le mauvais goût », mais ce n’est pas nécessairement une traduction litérale). Cela inclut d’ailleurs les compétitrices rousses, ce qui ne laisse pas de me faire arrondir les yeux avec horreur (ils sortiront peut-être plus rapidement de leur orbite de cette façon, et je me raccroche à cette consolation).
Afin de parvenir au résultat final, y passeront également : plusieurs tonnes de strass et paillettes, des rajouts capillaires équivalents à trois Cousin Machin par gamine, de la laque à vous percer un deuxième trou dans la couche d’ozone, des dentiers pour avoir un parfait sourire chevalin, et ne me lancez même pas sur les faux-cils et le maquillage à la truelle. De quoi vous donner des regrets de ne pas être Amish.
Apparemment l’humiliation n’est pas complète sans un cours de maintien/danse/whatever, au cours duquel la petite est soit coachée par la maman elle-même (les mamans ! ARGH, LES MAMANS ! Ne me lancez pas sur les mamans !), soit, attendez ça devient encore meilleur (ou pire), formée par un coach professionnel, promis je ne me fous pas de vous.
Au final, les petites ressemblent à un croisement improbable entre un Petit Poney et une prostituée bon marché tout droit débarqué des années 80. Pourtant, j’ai grandi dans les années 80 : j’ai par définition une meilleure résistance à ces horreurs.

Ensuite vient la compétition avec les moments d’angoisse, de faux suspense et bien-sûr, ce qu’il faut de joie et de déception pour que se nourrisse toute émission de télé-réalité de style « faux-documentaire » (une catégorie qui manque à ma tentative de mettre de l’ordre dans le chaos que représente la télé réalité pour moi). Bon, classique, hein. Je suppose.

Alors sur le coup, on regarde l’épisode, on essaye désespérément de s’immoler par le feu en s’aspergeant d’auto-bronzant, on hurle sur les multiples exemples de mères méritant, si ce n’est une enquête des services sociaux, au moins un internement en institut psychiatrique, on plaint les gamines traitées comme des divas et abusant de leur pouvoir sur leur entourage… jusque là, contrairement aux apparences, TOUT VA BIEN.

C’est après que le vrai carnage commence. Quand vous commencez, certes fièvre aidant, à voir ces petits monstres ripolinés dans vos rêves. L’une d’entre elles m’est apparue, une nuit, mangeant tout le maquillage que j’avais pourtant soigneusement planqué dans MA salle de bains. J’ose même pas demander des explications sur la signification de pareil cauchemar à un professionnel, pour tout vous dire.

Mais blague à part, ce qui me hante au sujet de Toddlers and Tiaras, c’est non seulement les évidents sévices physiques, mais surtout les séquelles psychologiques.
Je m’étonne souvent, pour quelqu’un qui ne veut pas d’enfants, que des émissions dans ce genre (tout comme a pu le faire l’épisode, ou peut-être deux épisodes, de Super Nanny que je me rappelle avoir vus avec l’un de mes ex aux goûts téléphagiques douteux) soient capables de me suivre ensuite pendant longtemps. Je devrais n’en avoir rien à carrer, concrètement, surtout que je ne risque pas d’infliger la même chose aux mômes que je ne veux pas avoir, mais je me pose systématiquement des centaines de questions après les avoir vues.
En l’occurrence, Toddlers and Tiaras a choqué des spectateurs bien avant moi concernant la folie de ces mères ; et l’excès de ces femmes ne me fera rien dire que, avec quelques clics et trois-quatre recherches dans Google, vous ne lirez pas ailleurs (indubitablement en mieux). Il n’empêche que la pensée de ces gamines qui, chaque weekend ou presque, sont confrontées à ces voyages au bout de l’horreur, a de quoi choquer les plus blasés dont pourtant je pensais faire partie.

Une chose qu’on observe quand même quand on regarde Toddlers and Tiaras, c’est que les salles ne sont quand même pas bondées ; la plupart du temps on peut voir quinze ou vingt chaises vides derrières les parents et/ou passé le premier rang, ce qui tend à laisser penser que ces évènements ne sont pas si courrus que ça. Mais il est certain que même avec une vingtaine de candidates par weekend, et des tarifs d’inscription exorbitants, plus les robes, le maquillage et tout le bordel, on parle d’un business qui même minoritaire doit brasser des sommes d’argent folles.
Ce que je remarque aussi, c’est que ces gamines viennent d’un certain type de milieu, quand même (bien que ce soit généralement le cas dans à peu près toutes les émissions de télé réalité que j’ai vues jusqu’à présent, où pas une maison n’a moins de 5 pièces). Elles ont des noms à la Eden, Alaska, Alessondra, Taralyn, Elexis, Kayleigh, Saryniti… Je suis étonnée de ne pas trouver de Nevaeh dans la liste. De la matière pour STFUParents, à n’en pas douter, avec toutes ces mères qui se sont indubitablement creusées pour trouver un nom « unique » et « original » pour leur petite princesse vraisemblablement conçue uniquement pour servir de poupée à maman. En tous cas pas d’Emma, Lily, Anna, Emily ou Lucy, des prénoms qui, bien que figurant parmi les plus populaires aux USA ces dernières années, sont trop humbles, trop discrets, et ne prédisent pas un destin de star du circuit « full glitz ».

Au-delà de ça, ça me rend malade que des gamines ayant pas loin du quart de mon âge endurent des traitements de « beauté » que je n’ai même jamais expérimentés en 30 ans (mais il est vrai que je suis parfaitement satisfaite d’avoir le teint pâle et n’ai jamais compris l’obsession de beaucoup pour le bronzage même léger), aient des garde-robes se chiffrant en milliers de dollars (là encore, je mets mon pognon dans des DVD et pas des fringues de marque et c’est mon choix), se soumettent à des tortures que je n’envisagerais pour rien au monde (notamment dans le domaine orthodontique), bref sont dressées dés leur plus jeune âge pour consacrer une somme incroyable de leur temps libre et de leur futur argent (pour l’instant c’est celui de leur mère indigne) à améliorer leur apparence. Moi qui trouve ahurissant de dépenser de l’argent dans des baumes et des après-shampoings (alors que j’ai près d’un mètre de cheveux et qu’ils ne sont pas en trop mauvais état) et de passer son samedi après-midi à se faire des masques et des trucs et des machins, je vois ces gamines et je me dis que plus tard, quand les concours de beauté seront finis (c’est tout le mal que je leur souhaite), ces filles continueront de perdre du temps et de l’argent pour essayer de ressembler à un idéal impossible à atteindre. Une vraie usine à fabriquer des filles obsédées par leur apparence.

Sans parler du fait que les critères de beauté des petites poupées « full glitz » (il existe, on le comprend au détour d’un dialogue, des concours « naturels ») sont absolument irréalistes, comme le prouvent les célèbres portaits retouchés de ce type de compétitrices. A travers la quantité de maquillage, de cheveux, de couleurs, et les robes froufroutantes, on comprend c’est une image de la petite fille qui n’a plus rien de réaliste depuis bien longtemps qui est ainsi portée aux nues. On est dans un monde parallèle étrange où les enfants doivent avoir l’air d’enfants parfaits (les chaussettes et chaussures blanches qui accompagnent presque systématiquement les robes en sont un bon exemple), et où en même temps on les maquille et on les habille comme si elles étaient grandes.
On en oublierait presque parfois l’âge des candidates, surtout vu le tempérament garce, diva ou parfois, simplement « mature », de certaines ; et le flou est totalement entretenu par certains déguisements ou certaines chorégraphies. Je ne suis pas d’accord pour dire que c’est une forme de pornographie enfantine, comme j’ai pu parfois le lire ; clairement on parle de mères (de mombies) qui ne voient pas leur enfant comme un objet sexuel, et qui ne voient d’ailleurs que leur enfant et n’ont aucun intérêt à regarder ceux des autres si ce n’est par esprit exacerbé de compétition et/ou de jalousie. Mais clairement les limites sont gommées entre les âges. Les gamines deviennent des poupées qu’on habille pour avoir le look ci ou ça, à en oublier qu’il y a une créature de 5 ou 6 ans derrière. C’est juste un ravissant petit jouet qu’on peut costumer en racing queen sans sourciller.
On est un peu dans la dimension Michael Jackson où on ne discerne plus ce qui est approprié ou non sans pour autant avoir de mauvaises intentions, juste une perte totale de repères.

Mais le plus terrible, ce qui me poursuit vraiment, c’est que je me demande ce que deviendront ces gamines avec l’âge.
Comment se construiront-elles ? Il n’existe pas d’enfance « normale » (pour la simple et bonne raison qu’il n’existe pas de normalité), mais il existe définitivement des enfances « anormales » ; les enfants-stars sont une chose, mais ce sont des gamins avec une véritable carrière, même quand ils ne sont pas Dakota Fanning, ils peuvent se vanter de publicités, de photos professionnelles, quelque chose. Les petites Bratz de Toddlers and Tiaras gagnent des couronnes de strass qu’on distribue comme des petits pains à toutes les compétitrices juste pour que les mamans continuent de dépenser de l’argent dans le circuit, et dont il ne restera rien ensuite. Certaines seront poussées pour faire carrière dans le show business et découvriront amèrement que garder un sourire plaqué en se trimbalant sur une scène dans une robe à plusieurs centaines de dollars n’a rien à voir avec l’industrie du divertissement. La plupart retomberont dans l’anonymat qu’elles n’auront en réalité jamais quitté, mais je me demande avec quel résultat. Je ne m’inquiète pas tant pour ces filles que je ne me demande comment on fait pour avoir une tête à peu près bien faite dans un tel contexte. Si quelqu’un sait où je peux trouver des références sur le sujets (autobiographies, essais divers…), ça m’intéresse vraiment que de comprendre comment psychiatriquement ces gamines survivent à ces étapes fondatrices de leur existence de façon à peu près saine.

Vous savez quoi ? A choisir, en matière de télé réalité, je préférais encore Jersey Shore. C’est vous dire.

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1 commentaire

  1. F.H.R dit :

    « (alors que j’ai près d’un mètre de cheveux et qu’ils ne sont pas en trop mauvais état) »

    Le lien n’est pas le bon. Tu voulais probablement mettre en lien ceci: http://is.gd/sYLvMU
    (les reflets poupres sont-ils le fruit d’une coloration volontaire, conséquences d’un régime à base de myrtilles ou juste un glitch du capteur/éclairage?)

    « enfantine, comme j’ai pu parfois le lire »

    « infantile », pas « enfantine ». …Même si c’est tout à fait involontaire et que tout enfant a cette envie de vouloir ressembler « aux grands », le stade du déguisement de princesse est largement dépassé ; même de très très loin, la projection est assez dérangeante. C’est probablement ce qui explique, en partie, pourquoi les salles ne sont pas remplies: cela n’intéresse personne hormis les mères/personnes de l’entourage et quelques perv (dont il y a peu de chances, dommage pour les autorités et Chris Hansen, qu’ils se déplacent!)

    « garder un sourire plaqué en se trimbalant sur une scène dans une robe à plusieurs centaines de dollars n’a rien à voir avec l’industrie du divertissement. »

    Tout dépend de quelle industrie on parle! Sait-on jamais, sur un malentendu décolleté, ça peut marcher…

    « L’une d’entre elles m’est apparue, une nuit, mangeant tout le maquillage que j’avais pourtant soigneusement planqué dans MA salle de bains. »

    La racing queen serait-elle le pendant occidental de la « petite fille aux cheveux sales » du folklore asiatique?

    « J’ose même pas demander des explications sur la signification de pareil cauchemar à un professionnel, pour tout vous dire. »

    Mettez-vous à l’aise sur le divan, Gabriel Byrne ne devrait pas tarder…

    Quoi qu’il en soit, tu es d’une est d’une insoutenable cruauté envers Homeland et Royle, ils n’ont certainement pas mérité d’être mêlés à de telles « références »!

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