Rase campagne

5 mai 2012 à 14:49

Pour les âmes sensibles qui trainent dans le coin, je préfère prévenir d’entrée de jeu : je vais dire du bien d’une série française. La lecture de ce post n’est donc pas recommandée aux personnes cardiaques.

Hénaut Président met en scène Pierre Hénaut, (petit) candidat aux Présidentielles de 2007. Pour autant, il ne s’agit pas vraiment d’une série politique, mais d’une série sur la communication politique, et donc les spin doctors : oui, leur profession s’applique en particulier au milieu politique, mais très sincèrement, ils vendraient du gel douche, ce serait la même chose. D’ailleurs, le film éponyme, sorti en mars dernier, a pour slogan : « la politique est un produit comme un autre », ce contre quoi Pierre Hénaut pourrait protester que lui, il est humain. C’est d’ailleurs bien le problème de son équipe.

La série, constituée d’environ 70 épisodes de moins de 5 minutes, va en effet uniquement s’intéresser à la façon dont l’équipe de Hénaut essaye de formater sa campagne. La structure des épisodes met systématiquement en opposition le candidat, animé par une volonté un peu idéaliste de mener sa campagne au nom de ses idées, et son équipe, une bande de communicants qui n’a aucun intérêt pour la politique, et à vrai dire aucun intérêt pour le candidat.
La mission essentielle de l’équipe de campagne, menée par le directeur Thierry (qui est supposé être un ami de Hénaut), est donc de convaincre le candidat de faire quelque chose supposé aider sa campagne, et de trouver les arguments pour que leur marionnette cède à leur caprice de médiatisation. Hénaut n’est d’ailleurs pas toujours un homme de principe : parfois, sous la pression de ses conseillers ou simplement parce qu’il n’est pas moins humain qu’un autre, il lui arrivera de se ranger à leur avis, et de quand même tenter certaines de leurs idées un peu puantes. Face à ça, l’équipe elle-même peut parfois changer d’avis en cours de route, s’adaptant à une situation catastrophique en décidant de la considérer comme positive, ou parfois juste parce qu’ils sont obséquieux.

Ce qui est intéressant dans Hénaut Président, c’est donc cette déconstruction indirecte des images de campagne. Indirecte parce qu’on n’assiste jamais vraiment aux dites images elles-mêmes : lorsque Hénaut s’exprime à un meeting, est l’invité d’une émission de télévision ou est entouré par la caméras lors d’un déplacement, il est systématiquement au second plan. Les vrais héros de la série sont clairement ces communicants, qui ne croient pas un seul instant dans leur produit et, parce qu’ils sont systématiquement hors champs pour les journalistes, et loin des micros, se laissent souvent aller à des propos extrêmement négatifs envers leur candidat. C’est ça que nous, nous voyons au premier plan. Eux peuvent se permettre de dire ce qu’ils pensent, contrairement à leur candidat qu’ils ne laissent jamais s’exprimer.

Si vous avez déjà été en présence de personnes travaillant dans la communication (et même pas forcément politique), vous ne pouvez que reconnaître que Thierry et son équipe parlent exactemement ce langage-là. Le verbiage pompeux n’est là que pour justifier une lubie de communication : une cravate, un photoshoot, n’importe quoi. Il faut convaincre le candidat et comme on n’a pas d’argument solide, vu que ces histoires de campagne reposent sur des conneries, on le noie sous les termes techniques, les arguments d’autorité, ou quand il ne reste rien d’autre, la flatterie.
La campagne politique devient donc un jeu de dupes : on découvre dans Hénaut Président que les images que l’on voit en tant qu’électeurs ne représentent ni le candidat, ni les idées, mais simplement les envies de ces communicants qui font la pluie et le beau temps juste parce qu’ils réagissent aux sondages et intentions de vote.

L’image est tout et pourtant, clairement, elle ne signifie rien tant elle semble malléable.
L’équipe de campagne déploie une énergie folle à expliquer à Hénaut pourquoi telle orientation est la bonne qu’au final les images deviennent vides. « La vérité est là ! Même si c’est pas vrai », lance par exemple un de ses collaborateurs à Hénaut, en désignant un journal qui affiche en une la photo du candidat prenant une prostituée en stop. « Mais je l’ai pas fait… », gémit le piteux bonhomme, accablé. Cinglant, Thierry tranche : « Mais ça on s’en fout… ça, après, ça te regarde, c’est ton truc à toi ». Tout ce qui compte c’est la façon dont on va donner un sens nouveau à l’image, et faire décréter à Hénaut publiquement que, non seulement il s’est tapé la prostituée, mais en plus il va aux putes régulièrement, et que ça devienne un axe de sa campagne. Juste pour que la même image ait une signification différente.

Vous savez le plus fou ? Début avril, à la fin du Black March, j’ai couru (presque litéralement) m’acheter le coffret DVD de Game of Thrones ; ce n’est qu’en passant près des caisses de ma FNUC que j’ai décidé de fouiner dans le bac des petits DVD en promo, et que j’en ai excavé celui de Hénaut Président pour la modique somme de 3€. Pour pareille somme, je me suis dit que je pouvais bien tenter le coup et acheter l’intégrale d’une série française que je n’avais jamais vue !
Eh bien après avoir regardé ledit DVD, je suis en mesure de vous affirmer que c’est le meilleur rapport qualité/prix que j’ai jamais vu de ma vie. Si vous avez une FNUC près de chez vous, je recommande donc d’essayer de dénicher un bac similaire où, peut-être, vous pourrez faire la même affaire. Tiens, cet après-midi par exemple, une veille de scrutin, c’est pas forcément une mauvaise idée.

Et pour que moi, je recommande chaudement une série française, c’est vraiment que…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

4 commentaires

  1. Livia dit :

    Je veux bien tenter de me risquer dans une FN*C la semaine prochaine après lecture de ton billet ! Le sujet a l’air intéressant ; le format n’est pas forcément celui que je préfère, mais ça peut bien se visionner.

    En tout cas, ça fait plaisir de te lire enthousiaste sur une série française. Merci de la présentation ! ^_^

    (Je reste persuadée que pour un aperçu des communiquants, du pouvoir et ses coulisses (même si je sais que tu regardes ça avec un oeil pas extérieur à ce milieu ^^), tu devrais jeter un oeil à Reporters. Le series finale de cette série contient la caractérisation des jeux de pouvoir la plus ambivalente et réussie que j’ai jamais vue à la télévision française).

  2. ladyteruki dit :

    Ah ouais, quand même, le series finale. Ah quand tu veux me faire tenter une série française, t’y vas direct avec une série de 2 saisons, toi XD

  3. Livia dit :

    Ah ah, oui, bon, la série est intéressante et très bonne avant ! Je ne voulais pas effrayer tes instincts pilotovores. XD Mais ce dernier épisode m’a vraiment vraiment marqué ; j’ai l’impression d’un instant de grâce qui n’était que plus frustrant en sachant que la série avait été annulée ensuite par Canal + !
    De manière générale, Reporters aborde les rapports entre médias et politiques avec une subtilité et une nuance qui ne cessent de s’affiner. Au début il y a quelques stéréotypes, mais dans l’ensemble, c’est une des rares fois où j’ai eu l’impression qu’une série française avait quelque chose à dire sur le sujet.

    Non vraiment, pour s’essayer aux séries françaises, je dis que Reporters mérite sa chance

  4. Fred scotlande dit :

    Bah…Merci 🙂

    Salut Lady,

    Juste un petit com pour te remercier de ta critique très positive de la série Hénaut président. J’ai découvert ton blog via un ami, Olivier Charasson, qui joue dans la série (Communicants cheveux gris et lunettes)tout comme moi (le communicant à la mèche de 3 mètres). Et nous avons un point commun avec toi : nous sommes dingues de séries et fins connoisseurs Encore merci et longue vie à ce blog, donc.

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