Vous avez un ancien message

23 juin 2012 à 22:41

La semaine dernière, je suis tombée sur un article de Cracked intitulé Why Every ’80s Sitcom Decided to Kill Off the Mom sur lequel j’ai d’ailleurs tweeté ; c’est lui qui m’avait donné envie de me replonger dans Punky Brewster, d’ailleurs.

Outre l’analyse de l’article en elle-même, plutôt intéressante, cet article sur les sitcoms des années 80 et leur portée sociale m’a laissé songeuse. L’auteur prend évidemment toutes les précautions, et nous explique qu’il ne s’agit pas de prétendre que TOUTES les séries de cette époque employaient cet outil de la maman absente pour raconter leurs histoires. Mais une quantité non-négligeable d’entre elles avait de toute évidence un point commun révélateur.
Alors, que dira-t-on des séries que nous regardons actuellement ? Que disent-elles sur notre société actuelle ?

Evidemment, avec le temps et les mutations de l’industrie télévisuelle, les choses sont un peu différentes. On n’est plus dans les années 80, voyez-vous.
Il y a chaque année plus de chaînes, et il y a chaque année plus de chaînes qui se lancent dans les fictions originales ; cette semaine, c’était encore le cas de Bounce TV, par exemple. Avec l’intensification des productions du câble, le panorama s’est diversifié. Il est déjà devenu compliqué de faire des généralisations par chaîne (ou alors à la louche : genre généraliser les séries de Showtime quand on peut y trouver aussi bien The Borgias que The Big C), alors comment faire des généralisations sur le message de ce que plusieurs dizaines de chaînes nous racontent sur notre époque ?

Evidemment, on peut quand même regrouper certaines séries dans des groupes.

On pourrait par exemple discuter de ce que toutes les séries policières cérébrales de la décennie des années 2000 disent sur notre besoin d’omniprésence policière, de rationalisme, et de besoin de mettre les méchants en prison grâce à des preuves irréfutables. Avec l’annulation d’une première série de la franchise des Experts, on peut d’ailleurs imaginer que ding dong, la sorcière est morte, et que cette page est en train de commencer à se tourner.

A part ce cas particulier qui concerne un genre à part entière, un « message » donné peut concerner quatre, cinq, parfois une demi-douzaine de séries, mais rarement plus. Par exemple je me souviens avoir trouvé lamentable qu’en période de crise, des séries comme Breaking Bad, Weeds et Lights Out s’évertuent à nous expliquer que « la fin justifie les moyens« , en particulier lorsqu’un peu d’humilité pourrait parfois tout aussi bien arranger le problème financier des personnages (si ce n’est qu’on n’aurait pas de matériel pour une série ; bon, certes). Ces séries s’obstinaient à nous dire que le confort matériel primait sur tout, y compris le confort tout court. Qu’importe que vous soyez misérable, du moment que l’argent est là !
Mais, même en ajoutant Necessary Roughness et Hung à ce petit cercle, difficile de dire qu’il s’agit là d’un véritable ras-de-marée, aux proportions réellement emblématiques.

J’en étais à ce stade-là de ma réflexion quand je me suis souvenue de mon ressenti il y a quelques mois.
Plus précisément, quand Last Man Standing, Work It, How to be a Gentleman et Man Up! se sont succédées pendant cette saison. Toutes, loin de là, n’ont pas trouvé de succès immodéré. Mais leur message était clair : l’homme doit reconquérir son statut viril et dominant, sous peine de devenir une proie pour les méchantes femmes indépendantes. Sérieusement, la plupart de ces séries l’ont dit de façon encore plus explicite que ça dans leur pilote, je ne fais que paraphraser.
Contrairement au groupe précédent, qui concerne à grand’peine une demi-douzaine de séries dont la création est répartie sur plusieurs saisons, ces séries de machos (mais machos contrariés, érigés en victimes) ont vu le jour pendant la même saison. C’est pour cette raison que le message me semble assez significatif.

Du coup, peut-être qu’on regardera les séries comme Last Man Standing, dans quelques décennies, comme des signes d’un retour en arrière conservateur sur le rôle de l’homme et de la femme dans la société. Peut-être qu’un mec qui écrira dans trente ans sur un truc qui sera l’équivalent de Cracked aujourd’hui, nous expliquera que c’était lié à la situation financière de nos pays, et que d’ailleurs la plupart du temps, une crise économique s’accompagne d’un retour des vues conservatrices, et que ça n’a rien d’étonnant. Peut-être qu’il fera le lien avec les Personhood Laws et leur importance en pleine campagne présidentielle américaine.

Ou peut-être pas, d’ailleurs.
Je veux dire : peut-être qu’il y a toujours eu une demi-douzaine de séries machos par an, et je ne m’en aperçois que maintenant ? Peut-être que c’est moi qui deviens une chienne de garde qui prend la mouche facilement. Ça me fait peur autant qu’à vous, je vous rassure. Après tout, Ma Famille d’abord ne date certainement pas de cette saison.

Et puis, évidemment, qui peut prétendre avoir, aujourd’hui, le même recul sur les séries que nous avons actuellement sur nos écrans, que l’auteur de Cracked sur ces sitcoms des années 80 ?

Et pourtant, alors que je regardais le pilote de Baby Daddy, jeudi matin, je me disais que certaines choses étaient quand même bien intégrées. Dans ce (mauvais) pilote de (mauvais) sitcom, une fois de plus, on est supposés être hilares parce que trois mecs se retrouvent dans la terrifiante position de devoir s’occuper d’un enfant. Alors que quand même, quoi, soyons sérieux : ce sont des mecs !

Certes, le gag n’est pas jeune : il est directement inspiré de Trois hommes et un couffin, après tout. Et le jeune adulte irresponsable qui découvre son reflet dans le regard pétillant d’un bébé était déjà au coeur de Raising Hope.
Sauf que la famille Chance est dysfonctionnelle dans son ensemble ; sa dynamique ne repose sur aucune forme de sexisme. Tandis que les scénaristes de Baby Daddy ne se donnent la peine à aucun moment de faire semblant de partir du principe que l’équation hommes + enfant est incongrue. A un tel point d’ailleurs que leur amie Riley, lorsqu’elle entre en scène, prend immédiatement les choses en main afin d’éviter la catastrophe : c’est normal, c’est une gonzesse. Même si elle a le même âge qu’eux, il est logique qu’elle sache s’occuper d’un enfant.

Baby Daddy est, répétons-le encore une fois pour ceux qui auraient besoin de l’avertissement, un mauvais sitcom.
Mais, vous voyez, un mauvais sitcom non-sexiste se contenterait de glisser une phrase du genre « je me suis occupée de mes 712 frères et soeurs, je sais comment faire » vite fait bien fait. Ce ne serait pas drôle, mais ça aurait un sens.
Un mauvais sitcom sexiste laisse la chose inexpliquée, parce que l’explication, c’est qu’une femme sait s’occuper d’un bébé (elle sait même faire apparaitre un biberon comme par magie alors que deux des garçons sont partis en course pour en chercher). C’est intégré, comme je le disais, que la femme de l’équipe sache prendre les choses en main. Voyez, ce n’est pas drôle.. et ça a aussi un sens.

Alors, peut-être que je suis peut-être devenue une chienne de garde, ça se trouve. Ou alors de plus en plus de séries puent vraiment le sexisme à plein nez.
Remarquez que l’un n’exclut pas totalement l’autre, d’ailleurs…

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