People you’re dying to meet

17 octobre 2012 à 23:53

« Our lives intersect into a vast network. In sex, there are no strangers. »
C’est ainsi que commencent la plupart des épisodes de la première saison de la série sud-africaine Intersexions, que j’ai achevé de regarder aujourd’hui, avec cette voix-off, pendant le générique, qui nous rappelle à la réalité des MST, et en particulier (puisque c’est le sujet non-dissimulé de la série) du VIH.
Il n’y a pas 15 jours que j’ai reçu le DVD de ma toute première série sud-africaine, et je ne vous cache pas être ravie d’avoir commencé à découvrir les séries dramatiques locales avec celle-ci. A l’heure où vous lirez ces lignes, je serai probablement sur kalahari en quête d’une autre fiction sud-africaine à expérimenter…! C’est vous dire si le bilan d’Intersexions s’apprête à être positif, si vous me pardonnez l’expression ; alors, pour l’heure, revenons sur la première saison de cette grande fresque.

Intersexions est, de par son format, une anthologie dramatique (répondant ainsi sans le savoir à mes voeux en la matière), bien qu’utilisant des éléments feuilletonnants à la fois pour lier ses épisodes les uns aux autres, ainsi que pour conclure sa saison, grâce au couple incarné par Mandisa et Kabelo.
…Vous vous souvenez d’eux ? Dans le pilote, ils étaient sur le point de se marier, lorsque Mandisa a appris que son ex, le célèbre DJ Mo, était mourant, à l’hôpital, à cause du SIDA. Etait-elle infectée par DJ Mo ? Avait-elle infecté son fiancé ? Et maintenant qu’elle était enceinte ? On s’était arrêtés là.
Mais Intersexions n’a pas pour objectif de simplement remonter la piste de l’infection. Il ne s’agit pas d’une enquête déguisée, dans laquelle on essayerait de savoir qui a contaminé qui, qui est le « sujet 0 ». La série s’appuie sur un fait, et un seul, celui explicité clairement lors de son générique : nous vivons nos vies amoureuses de façon complexe, nous avons plusieurs partenaires, parfois de façon responsable, parfois non, et la vérité, c’est que nous pourrions tous, à un moment, être infectés. Si nous ne prenons pas garde. En nouant ses intrigues, en jouant avec de très, trèèès nombreux sauts temporels, la série veut montrer combien il est difficile, en réalité, de pointer un coupable et des victimes.

La grande force d’Intersexions est que son propos pédagogique bénéficie d’une excellente utilisation des possibilités dramatiques de sa formule, et inversement. En optant pour l’anthologie, la série se permet ainsi d’explorer des personnages très différents. Nous ne resterons pas dans le monde des avocats et des attachés de presse, qui est celui de Kabelo et Mandisa. Nous allons plonger dans toutes les couches de la société, voyager dans tous le pays. Des riches et des pauvres, des citadins et des campagnards, des gens mariés et d’autres libres comme l’air, et même, des personnages libres et d’autres en prison (visiblement une thématique récurrente à la télévision sud-africaine, vu ce qu’on sait de Yizo Yizo)… Toute la société est concernée. Et ça rend Intersexions d’autant plus fascinante à regarder que les richesses des intrigues sont multiples, et qu’elles touchent sûrement chaque spectateur au moins une fois ; pour découvrir en accéléré la société sud-africaine, c’était aussi particulièrement idéal !
Mais non seulement leur statut et leur situation varient, mais les personnages que nous découvrons à mesure que nous tirons le fil de ces ramifications sont variés, et leur rapport à la sexualité l’est lui aussi ; il y a les prudents et les délurés, les méfiants et les naïfs, les jaloux et les libérés, les infectés qui se soignent et ceux qui s’ignorent, et pourtant, il n’y a pas, ou rarement, de méchant désigné, pas de stigmatisation des comportements.

Ce qui est fascinant, c’est que la variété des contextes n’est jamais utilisée comme un prétexte pédagogique : dramatiquement, les épisodes vont jusqu’au bout. Intersexions va soulever, à travers ses portraits, des questions autour du viol, par exemple, ou de la prostitution. Ses personnages apparaissent dans un, deux, parfois trois épisodes de la série, mais généralement sous un angle différent ou avec une importance variable (le personnage central d’un épisode peut passer au second plan dans l’épisode suivant, avant de passer le relai à une autre intrigue et disparaitre tout-à-fait). Les épisodes sont ainsi regardables indépendamment, mais prennent une force décuplée s’ils sont vus ensemble et dans l’ordre.

Comme tant d’anthologies, Intersexions est aussi un puissant exercice de style, capable de faire se dérouler un épisode sur une durée de 6 mois, et l’autre, en l’espace d’une heure. Et du coup il y a des réussites incroyables sur le plan formel ! L’un de mes épisodes favoris de ce poin de vue est celui au début duquel Charlie se réveille à côté d’une inconnue ; ils ne se souviennent de rien, ont-il couché ensemble, et si oui, se sont-ils protégés ? Le temps de se rhabiller, ils essayent de refaire le chemin ensemble, ce qui donne une version dramatique de The Hangover particulièrement efficace et rythmé. Ou c’est au contraire dans la lenteur et la douceur que Tshepo et Dalitso passent les mois sans jamais se toucher, si ce n’est une promesse, du bout du petit doigt… la beauté de cet épisode est au moins aussi incroyable.
Parfois le style est réaliste, quasi-documentaire, comme dans l’épisode se passant dans un lycée ; parfois, le monde d’Intersexions se pare de couleurs et de beautés et nous montre une romance provinciale touchée par la grâce.
Sur le fond, on est moins dans la variation que dans un sens prononcé de l’équilibre. La plupart des épisodes trouvent un juste milieu entre l’émotion et le propos préventif. Un seul épisode sera un peu plus ouvertement pédagogique (son objectif étant de rappeler que les médecines traditionnelles ne peuvent pas rivaliser avec un antirétroviral), mais le fera sans paternalisme excessif. Il faut saluer la façon dont Intersexions s’adresse à ses spectateurs comme à des personnes normales, pas des enfants ou des irresponsables…
Je pourrais continuer des heures sur les qualités de la série, chaque épisodes ayant son lot de réussites.

Mais après cette expérience émouvante, intéressante, parfois totalement imprévisible, le plus étonnant est d’arriver à la fin du 24e épisode, qui revient à Mandisa et Kabelo, et boucle la boucle. De quoi laisser circonspect : qui est donc le personnage du 25e épisodes ?
Tenez-vous bien (ou sautez le paragraphe si vous comptez voir la série) : notre voix-off, c’est HIV. Ce personnage, qui met sa voix suave au service de l’horreur, va apporter un nouvel éclairage sur les histoires que nous avons vues. Lui, il sait où est le virus : il est passé par ici, il repassera par là ! Et en remontant tout le réseau d’Intersexions, nous allons apprendre pourquoi certains personnages n’ont pas attrapé le virus, ou ne l’ont pas transmis, mais aussi pourquoi d’autres ont fait « sa rencontre ». Rétrospectivement, le spectateur frémit devant certaines connexions dont il n’avait pas mesuré l’importance… Mais notre ultime héros, lui, se régale de cela : « Thanks guys, for making Russian roulette your favorite sport ! », s’exclame-t-il en s’amusant de nos comportements risqués. Le message contenu dans cet épisode est explicite, et s’appuie sur des faits autant que sur les intrigues, accomplissant ainsi, pour la première fois, la mission d’information de la série sans s’appuyer sur les avantages de la fiction ; on est ici dans le docudrama, en fait, à la différence que le double language (c’est le virus qui s’exprime, et qui emploie énormément de sarcasmes pour cela) permet d’éviter, une fois encore, d’avoir l’impression d’assister à un cours magistral. Mais cela permet aussi au spectateur qui a pu se laisser emporter par l’émotion, l’efficacité ou toute autre avantage, de se recentrer sur la thématique du virus…

Alors au final, Intersexions réussit sur la forme comme sur le fond, dans l’émotion comme dans la prévention, avec ses personnages comme ses situations, et accomplit en 25 épisodes un petit exploit, que je me sens obligée de saluer, ne serait-ce parce que j’ai fini la série en applaudissant (oui, j’applaudis certaines séries, vous faites jamais ça, vous ?). Vraiment, c’était de la belle ouvrage, et il est clair pour moi qu’Intersexions a tout d’une grande, et n’a rien à envier aux séries que je connaissais déjà. Parfaitement aboutie, pensée, accomplie (il y a visiblement des personnes, si j’en crois le générique, qui ont veillé à la cohérence des épisodes entre eux, notamment), Intersexions a parfois, évidemment, quelques faiblesses : c’est le propre de toute anthologie, qui ne peut plaire de la première à la dernière minute. Mais elle accomplit, en dépit des difficultés inhérentes à son principe et sa forme, une véritable prouesse. Le défi a été relevé, et remporté. J’espère que la seconde saison, actuellement en préparation, sortira également en DVD parce que, en ce qui me concerne, c’est comme si c’était déjà dans l’avion.

Autre avantage non-négligeable, ce post me fera une transition toute trouvée pour vous parler du pilote de la mini-série suédoise Torka Aldrig Tårar Utan Handskan. J’aime autant vous prévenir, ça va être un peu hardcore…

PS : un truc que j’ai oublié de préciser, lorsque j’ai parlé des DVD d’Intersexions l’autre fois : l’Afrique du Sud, c’est de la zone 2. Voilà voilà, héhé, juste une donnée à garder en tête pendant que vous vous tâtez pour savoir si vous voulez voir le pilote avec sous-titres anglais. Il vous suffit en effet de commenter juste là pour débloquer l’accès au pilote : il manque UNE demande ! Enfin moi je dis ça…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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