Erreur d’aiguillage

19 octobre 2012 à 23:47

On parlait hier des effets que peuvent avoir les premières images d’une série sur le spectateur… Il y a des séries, au premier coup d’oeil, on sait que ça n’ira pas. La musique, la façon d’exposer les personnages centraux… parfois il n’y a simplement pas débat. On peut dire ce qu’on veut sur le fait de laisser le temps à un pilote, et a fortiori à une série, de s’installer, certaines choses ne trompent pas, voilà tout.
Eh bien nous avons aujourd’hui un parfait exemple de ce problème. D’entrée de jeu, TOKYO Airport fait toute la démonstration de son inintérêt. La séquence d’ouverture de son pilote baigne dans une musique suave et totalement transparente, sa gentille héroïne au grand coeur (incarnée par Kyouko Fukada, dont la carlingue n’est clairement pas d’origine si on a vu au moins Kamisama, Mou Sukoshi Dake) qui prend sur elle d’aider un adorrrable petit garçon est fade au possible, et il est inimaginable de trouver un quelconque intérêt à continuer de la suivre.
Mais je me suis forcée. Et j’ai survécu pour en parler, alors laissez-moi vous avertir de ce qui vous attend si vous tentez TOKYO Airport

Il existe au Japon une sorte de sous-genre en matière de séries dramatiques, dans lesquelles une jeune recrue fait ses premiers pas dans une profession donnée. En Occident, on réserve généralement ça aux flics (avec toutes les variations que peuvent proposer des séries comme Rookie Blue ou plus récemment NYC 22) ; toutefois, il s’agit pour la plupart des séries qui font appel à l’arrivée d’un petit nouveau dans un service sous haute tension, et les exemples vont de Saint Elsewhere à Chicago Fire, d’utiliser ce personnage naïf comme porte d’entrée pour les spectateurs dans un monde qui peut leur paraitre difficile à appréhender sans cela ; le personnage de la jeune recrue est une façon de permettre une identification temporaire avant que l’ensemble show ne prenne toute sa force.
Mais au Japon, le mode « petit nouveau » ne se limite absolument pas à introduire un univers professionnel aux spectateurs, et surtout, il couvre absolument toutes les professions : professeur, hôtesse de l’air, avocat, futur chef, à peu près tout le bottin y est passé.
L’idée est de plutôt faire en sorte que le spectateur se prenne d’affection pour le personnage central, ou éventuellement le considère comme un avatar dans une simulation d’un monde professionnel donné, et qu’ensuite, il s’agisse de soutenir ce personnage : fais de ton mieux ! Tu peux le faire ! Tu vas arriver à t’imposer dans ce nouveau métier ! On envoie plein d’ondes positives au personnage en espérant que, croisons les doigts, d’ici le 12 ou 13e épisode de la série, il reçoive uniquement des compliments et/ou sauve son milieu professionnel de la catastrophe assurée. En chemin, il faudra s’attendre à ce que le personnage, anxieux, ne soit pas sûr de réussir à trouver sa place, qu’il se frotte à des collègues plus expérimentés qui ne le comprendront pas ou, pire, qui lui chercheront des noises, et à quelques altercations avec les supérieurs hiérarchiques, souvent conscients que le nouvel élément de leur équipe est capable, mais désireux d’être exigeants pour polir ce diamant brut et en faire un vaillant élément de la structure professionnelle qui l’accueille.

On pense ce qu’on veut de cette recette toute faite qui a pris tellement de place dans les séries nippones que c’est presque devenu un genre à part entière. Que c’est « trop » positif, par exemple, ou que cela manque d’originalité. Admettons. Mais ça fait chaud au coeur, et cela a bâti quelques carrières pour des gens comme Aya Ueto qui se sont fait une spécialité d’incarner ce genre de personnages avec charme, humour et coeur (d’ailleurs il m’est difficile, dans un post qui parle d’un aéroport, de ne pas penser à Attention Please). Ca se laisse regarder du moment qu’on sait où on met les pieds.

Le problème, c’est qu’on a affaire avec cette espèce de genre télévisuel à une série qui fait appel à l’affectif. Les coups d’angoisse sont à vivre aux côtés du héros, pas du reste de la planète : on est de son côté avant tout.
Et l’erreur de TOKYO Airport découle de là. Une série qui se situe dans une tour de contrôle, ça demande un peu plus d’adrénaline et de suspense qu’une série sur une nana qui n’est pas certaine de pouvoir devenir une hôtesse de l’air bien sous tous rapports. Clairement, si des avions sont supposés nous faire craindre une collision ou un crash, on sort du registre de l’affectif et on part dans quelque chose de différent. Mais en s’obstinant à rester presque constamment dans la tour de contrôle auprès de son héroïne qui se mord la lèvre inférieure ou écarquille les yeux pour suivre un avion du regard, clairement, on ne ressent aucun enjeu.
Si TOKYO Airport avait vraiment joué la carte de l’ensemble show, on pourrait, à la façon de ce que faisait LAX à certains moments, suivre un peu mieux la façon dont les différentes équipes de l’aéroport travaillent ensemble pour juguler une crise ou éviter une catastrophe. Ici, on reste bêtement plantés à côté de Kaori en espérant que ses patrons l’approuvent, alors que trois avions dansent un ballet de la mort sur la piste 34L. Ca ne fonctionne pas du tout !

TOKYO Airport tente ici d’utiliser des recettes en les appliquant à un milieu professionnel a priori inédit… sans se dire qu’il y avait peut-être une bonne raison à cela. Passer son temps entre les murs (et les vitres) de la tour de contrôle n’a aucune sorte d’intérêt. Et comme en plus on sait très bien que Kaori est capable de faire son nouveau métier (parce qu’évidemment, avant, elle était agent au sol, donc elle connait quand même bien le monde des aéroports), on s’ennuie ferme devant les échanges infiniment longs de commandes en engrish. C’est insupportable ! On est vraiment supposés regarder toute une saison comme ça, avec des agents qui disent dans leur micro à des capitaines généralement invisibles (ou vus de dos dans leur cockpit) sur quelle voie atterrir malgré la pluie ? Qui a eu cette idée pourrie ?!

J’ai vraiment de la peine à croire que j’ai tenu tout l’épisode. Vraiment, j’ai envoyer valdinguer des pilotes pour moins que ça. Faut croire que je me ramollis, je sais pas. En tous cas, si mon expérience peut servir de cautionary tale, profitez-en, et évitez avec la plus grande précaution TOKYO Airport. En plus, les sous-titres du premier épisode de Yuusha Yoshihiko to Akuryou no Kagi sont sortis, alors franchement, vous avez mieux à regarder dans la nouvelle saison nippone…

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