Laisser la colère parler

21 novembre 2012 à 9:15

Vous connaissez l’expression « un agenda de ministre » ? Ouais. Eh bah c’est pas du flan.

L’agenda du ministre, c’est un challenge en soi. Dans certains cabinets, il y a parfois des gens dont la seule tâche dans la vie sont de gérer l’agenda (dans les autres, c’est le SP qui s’en charge, et en général ça lui prend 110% de son temps, en plus du reste) (je suis assez d’accord, bosser en SP ça fait pas du tout envie).
Quand on cherche désespérément à caler un RDV d’une petite demi-heure avec un journaliste pour une courte interview ou un photoshoot ministre, ça pourrait sembler facile de trouver trente petites minutes, mais pas du tout. Là on donne déjà des RDV pour fin décembre/début janvier. A titre d’exemple, hier notre SP m’a dit « nan mais après, ça, on peut le faire en février ». Mais bien-sûr. Super pratique en cas de sujet d’actualité et/ou de forte demande, surtout qu’un journaliste, en général, ça veut des réactions et des verbatim dans la demi-seconde.

Généralement c’est assez bien compris chez les journalistes que, quand on dit « le ministre n’a pas le temps », ça veut dire : le ministre n’a pas le temps. A certains (si le sujet et/ou le support nous semblent importants dans notre démarche), on proposera une interview écrite, vu que ce n’est pas le ministre qui se tape la rédaction mais seulement la validation ; à d’autres on suggèrera plutôt une interview d’un Conseiller ; au derniers groupe, on suggèrera gentillement de compter dessus et boire de l’eau, parce que la Lettre des Amis des Chameaux du Finistère et ses 12 lecteurs et demi, ça ne vaut pas qu’on mobilise plusieurs personnes du cabinet pendant un jour ou deux, voyez. Désolée pour les Amis des Chameaux du Finistère mais c’est la cruelle vérité. Mais généralement, les journalistes sont conscients qu’on ne peut pas répondre à tout le monde dans les délais qu’on nous demande. Si votre deadline est ce soir et que vous avez besoin de 5000 signes pour votre quatre-pages à destination des 712 habitants de votre patelin, ha ha ha, vous êtes trop mignon.
Une qualité que j’apprécie chez un journalisme ? Le fatalisme, merci d’avance.

Mais dans le règne journalistique, ce n’est pas forcément une qualité bien partagée. Au moment de la distribution des traits de caractères, certains ont reçu le réalisme, d’autres la fureur.
Et d’ailleurs c’est très bien d’être passionné par son sujet… la plupart du temps, c’est même à espérer ! Moi-même je suis passionnée par certains sujets, je peux le comprendre. Mais voilà ; quand ce n’est plus de la passion mais que c’est de la rage, on se heurte à des cas particulièrement gratinés.

Des demandes d’interviews, on en reçoit une bonne vingtaine par jour, sans mentir. Les jours calmes, naturellement ; quand il se passe vraiment un gros trucs, évidemment ça gonfle un peu. Vous comprenez bien qu’on n’a pas chaque jour 20 demi-heures, et encore moins 20 heures, à consacrer aux interviews demandées par les uns les autres (même si certains, sans doute particulièrement gâtés au moment de la distribution de réalisme, demandent directement des interviews écrites). Donc des réponses négatives, j’en envoie par mail (oui on bosse énormément par mail) aux journalistes entre une douzaine et une quinzaine par jours en moyenne. Les jours calmes.
Et du coup ce n’est pas une répétition, vous voyez, je connais la manoeuvre : les termes à employer, les mot qui atténuent la déception, etc.

Mais il arrive qu’un journaliste le vive très mal. Lui, au moment de la distribution des traits de caractères dans le règne journalistique, il était tellement furieux qu’il a refusé de venir, vous voyez le genre. Oh et, post-scriptum : le mec, son média, avant qu’il ne nous envoie un mail, on le connaissait même pas (d’ailleurs il ne l’a pas présenté parce que, pfft, un truc avec trouze lecteurs, ça se passe d’introduction, hein).
Donc on lui écrit, en substance : « Nous avons bien reçu votre demande. Hélas, l’agenda du ministre ne nous permet pas d’y répondre favorablement ».
Et lui, pas du tout rancunier pour un sou, de répondre à 20h du soir : « Nous répondrons alors à nos lecteurs que Monsieur le Ministre avait mieux à faire que de rassurer la population [insérer ici le domaine de niche sur lequel porte son quatre-feuilles] de France ».
Oh no you didn’t.

On adore les menaces. Vraiment, ça fonctionne super bien sur nous. Tout de suite, intuitivement, notre réaction au service de presse est de nous dire : « oh, non alors, il est vexé ; vite, calons une interview avec le ministre qui va tout de suite se sentir à l’aise avec un personnage particulièrement sympathique, et mettons-le en tête de nos listes de diffusion. Peut-être pourrions-nous également lui promettre notre premier-né en gage de notre estime ? »

Allez, répétez avec moi : les journalistes sont nos amis pour la vie.

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