Twice in a lifetime

22 mai 2013 à 9:27

Ca fait longtemps que je ne vous ai pas proposé de portrait ! Ca vous manquait ?
…Mais si, dites que ça vous manquait, parce que je suis sur le point de vous en proposer un nouveau.

Il est en effet grandement temps que je vous parle de ProjectRunway, dont ceux qui me suivent sur Twitter ont déjà un peu entendu parler, les pauvres. Je rappelle que, pour prendre connaissance de mes petites réflexions mesquines au quotidien, suivre le hashtag #livefromcabinet sur Twitter s’avère généralement être une idée payante.

J’ai travaillé avec ProjectRunway il y a quelques temps (pendant l’une des pauses de ce blog, donc ne la cherchez pas dans les posts précédents), et à l’époque, nous ne partagions pas le même bureau, mais simplement le même cabinet. Et déjà dans cette configuration, il y avait un shérif de trop dans cette ville.
ProjectRunway aurait, si je vous l’avais présenté à l’époque, écopé d’un surnom sûrement plus insultant que celui que je lui donne aujourd’hui, croyez-moi. Mais bon, ça fait quelque chose comme trois ans, donc passons.
Quand nous nous sommes retrouvées dans le même cabinet suite aux élections présidentielles l’an dernier, nous avons décidé de laisser ça derrière nous.
Enfin.
Presque, disons.

ProjectRunway a apparemment d’aussi bons souvenirs que moi de cette période, et a décidé de me faire sentir toute son amertume au quotidien. Ce qui rend l’expérience si charmante, c’est qu’elle et moi partageons le même bureau, 15m² et quatre murs décrépis (ah ça, les ors de la République, on m’en reparlera !) à l’intérieur desquels l’expression « agressivité passive » prend tout son sens.
Pour me faire payer un tort que je n’ai jamais réussi à discerner (surtout quand on sait certaines de ses pratiques passées, dont l’une a consisté à essayer de faire en sorte de me faire perdre mon job), il y a trois règles de vie dans ce bureau, que ProjectRunway respecte scrupuleusement. Passons-les en revue.

1 – Ne pas me regarder
Jamais. Pas un regard dans ma direction. Non, même pas pour me fusiller du regard. On en arrive au stade où je sais qu’elle me fusille du regard alors qu’elle est tournée dans la direction opposée. C’est biologiquement compliqué mais ProjectRunway est passée maître dans l’art d’assénéer un regard noir sans vous regarder. L’est très forte, faut bien le reconnaître.

2 – Ne pas me regarder quand je lui parle
Je crois que je n’ai jamais eu une seule conversation avec ProjectRunway dans laquelle elle était tournée dans ma direction générale. Qu’elle ne me regarde pas le reste du temps, ça me va. Je veux dire : dans une minute vous allez découvrir qu’elle est, finalement, très occupée, et je, hm… respecte ça. Mais quand on échange avec quelqu’un, il semble assez basique de, oh je sais pas, le regarder une fois de temps en temps. Même si c’est avec un regard mauvais, à la limite, pourquoi pas ; on s’arrange. Mais il y a une question de politesse. Disons que ça se fait. D’autant que je ne lui adresse pas la parole pour lui parler météo, mais bien boulot, donc ouais, je pense que ça se fait. Après je sais que je suis assez psycho-rigide sur ces trucs, mais bon, c’est l’idée que je m’en fais, quoi.

3 – Ne pas me regarder en m’aboyant dessus
ProjectRunway a une voix à trois vitesses : obséquieuse, raide, et aboyeuse. La première est réservée à ses Conseillers (mais pas tous, car il y en a un qu’elle a pris en grippe, et il le lui rend bien), la seconde est pour tous les autres. Au téléphone, elle est cassante avec tous ses interlocuteurs, même quand elle demande un renseignement ou un service (alors qu’un peu de miel dans la voix n’a jamais tué personne, il me semble, sans même parler de sourire). Et avec moi, c’est l’aboiement. Je crois que je suis la seule à qui elle réserve cette gamme d’intonations, un vrai privilège. On dirait que chaque mot qu’elle prononce à mon intention (c’est à dire en parlant au mur à l’opposé de la pièce, donc) est prononcé parce qu’elle est agressée et en colère. Ca donne des échanges charmants, du type : « tu as un eu appel de TrucMuche pendant que tu étais sortie »/*soupir excédé* « Ok bah bark bark bark il va rappeler ». Euh, pardon de t’avoir dérangée en te passant un message, hein. Du coup, le truc qui se passe, c’est que j’arrête de lui prendre des messages. Je laisse le téléphone sonner. Et puis après ses Conseillers passent dans notre bureau et disent : « ah ya personne ? ah si ! » et je passe pour la connasse qui veut même pas filer un coup de main quand elle sort du bureau 5mn. There’s no winning.

Alors, tout ça pour dire : si je vous en ai pas parlé plus tôt, c’est parce que franchement, ya pas de quoi écrire des traités tous les jours sur la façon dont on s’est passablement et copieusement ignorées toute la journée.

Mais il y a un truc, UN truc avec ProjectRunway : c’est le temps incroyable qu’elle prend à se refaire une beauté à intervalles réguliers. Et le ton agressif, le truc de jamais me regarder quand on parle de boulot, ou de jamais me regarder du tout d’ailleurs, ça passe, mais ça, ça m’énnnerve !
Il faut quand même savoir que ProjectRunway a dans son tiroir de bureau : de quoi se remaquiller, deux à trois tubes de crème (dont une pour les mains, une pour s’hydrater le visage dans la journée, et la troisième j’aime mieux pas savoir), une brosse à cheveux, un miroir, une lime à ongles et quelques autres petits ustensiles du genre.
Toutes les 2h en moyenne, elle sort sa brosse à cheveux de son tiroir, et vas-y que je me brosse, que je me refais le brushing, que je oh-mon-Dieu-un-cheveu-qui-dépasse. Et le monde peut s’écrouler autour, elle donnera ses 100 coups de brosse, ya rien qui l’en empêchera. Je trouve ça ridicule, ça m’agace, c’est fou. C’est peut-être idiot de ma part, mais c’est le petit détail qui me rend dingue. Un vrai crissement d’ongles sur un tableau. Elle sort sa brosse et je deviens vraiment mauvaise. Je sais que j’en ai pour 5 minutes pleines à entendre le brossage et j’en imprime mes doigts dans les acoudoirs de mon fauteuil.

A ce planning de folie encore faut-il ajouter le limage d’ongles régulier, le replâtrage de fond de teint fréquent (et toujours juste avant de sortir déjeuner), ou encore, l’application consciencieuse d’une quelconque crème. Et il faut là-ddessus ajouter toutes les fois où elle s’abîme simplement dans la contemplation de son reflet dans le miroir.
Vous imaginez bien qu’avec tout ça, ProjectRunway n’a simplement pas de temps à consacrer à me regarder quand je lui parle. La vie est une question de priorité !

Alors je comprends bien : quelque part entre les années 80 et 90, ProjectRunway a dû être une femme pas trop moche, ou en tous cas, elle savait faire illusion, j’en suis à peu près sûre. Mais mon Dieu, tu es là pour bosser, pas pour remporter le concours Elite ! Pose donc cette brosse et apprends à monter un rendez-vous avec une secrétaire de Matignon sans donner l’impression que tu vas lui arracher la carotide !

En-dehors de ces moments-là, ProjectRunway n’est pas une lumière (oooh non, pis alors elle et l’informatique, ça fait 0), mais au moins, elle bosse. C’est pas une glandeuse. Donc c’est déjà ça.

Mais si on sort vivantes toutes les deux de ce huis clos poudré, ce sera un p*tain de miracle.

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2 commentaires

  1. capecodmiss dit :

    j’ai bien aimé le « huis clos poudré » !
    j’ai déjà du mal à supporter qqun qui se lime les ongles ds le RER, alors si c’était face à moi, dan le bureau, je n’ose même pas imaginer le supplice!

  2. ladyteruki dit :

    Non, ça va, elle n’est pas en face, son bureau est orienté dans le même sens que le mien. T’imagines pas les torticolis qu’elle se taperait, sinon, la pauvre caille. 😛

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