La série qui semblait ne pas vouloir de moi

23 juin 2013 à 20:36

« Cher journal,
Ca fait maintenant 41 jours que la série The Fall a débuté sa diffusion, et chaque fois qu’on en parle, je continue de penser au film. Je crois que c’est ce qui me retient de commencer la série : tout le monde en dit du bien, et je crains que, si je n’apprécie la série, ça diminue la force évocatrice des mots « The Fall » pour moi. Et puis, j’en ai marre des serial killers. J’en ai marre des enquêtes. J’en ai marre des enquêtes sur les serial killers. Cher journal, je vais commencer The Fall parce qu’à un moment il le faut bien, et précisément parce que tout le monde en dit du bien. Mais toi et moi ne sommes pas dupes, n’est-ce pas ? Il n’y aura jamais qu’un The Fall à mes yeux ».

Tarsem Singh peut dormir sur ses deux excentriques oreilles : ce n’est pas aujourd’hui que je vais lui préférer une série. Si je ne doute pas que The Fall ait de quoi en intéresser plus d’un, je m’y suis sentie comme étrangère.

L’ambiance froide de ce pilote, évidemment, y est pour quelque chose ; sa lenteur, aussi. Dans The Fall, on n’a pas du tout l’intention de faciliter les choses au spectateur, et en un sens, c’est une sage décision, qui indique tout de suite que The Fall se veut exigeante, fine et intelligente, en gros, tout le contraire de ce qu’on a vu ce matin avec des séries de l’engeance de King & Maxwell. On est ici à l’opposé du spectre, avec une série qui veut prendre son temps, quitte à parfois en gaspiller un peu, ce n’est pas comme si c’était une denrée rare : on a 5 épisodes, tout le temps du monde.
Cette approche quasiment chirurgicale de l’exposition, des personnages ou des enjeux eux-mêmes participe à l’ambiance glaçante de la série, la construit progressivement. Et c’est loin d’être un tare. La patience est un atout avec The Fall. C’est sa force, car derrière cette apparente froideur, cette lenteur accentuée, ce détachement feint, il y a une façon toute en subtilité de faire monter, cran par cran, la sensation d’étouffement.
La seule exigence de The Fall, en retour, c’est que vous attendiez patiemment votre heure, vous aussi, comme le plus méticuleux de ses protagonistes.

Mais, je ne sais pas si c’est moi qui manque de patience (c’est très possible), ou si c’est simplement parce que je ne vois pas l’intérêt de suivre une enquête de plus (notez bien que les deux hypothèses ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives), mais cette application à essayer de faire monter l’angoisse progressivement m’a plutôt ennuyée. A la longue, j’ai peut-être fini par développer une resistance à toutes ces histoires d’enquête, après tout, comme se développe une résistance microbienne. Je n’arrive plus totalement à m’y intéresser. Je la regarde et j’essaye sincèrement de me plonger dedans, mais rien à faire.
La façon dont, lentement, à grand renfort de silences, et avec toute la retenue du monde, The Fall tente de suivre ses deux protagonistes majeurs (l’enquêtrice et le tueur) a plutôt l’effet d’un répulsif. Et finalement, comment pourrait-il en être autrement ? Je ne m’imagine pas répondre autrement que par l’indifférence quand une série tente exactement de me tenir à distance de ses personnages.

Pour preuve, Stella Gibson est l’un des personnages les plus fermés que j’aie vus ces dernières années ; l’accumulation de scènes anodines au cours du pilote ne nous invite pas à entrer dans sa vie et moins encore dans sa tête, au contraire, nous en sommes tenus à l’écart par tous les moyens possibles. C’est comme si The Fall insistait pour nous faire partager plutôt l’état d’esprit du criminel que du policier. Ce faisant, nous ne sommes pas invités à mener l’enquête avec elle ; nous ne sommes pas non plus invités à lui souhaiter de réussir à arrêter le tueur.
Non que l’opposé se produise : nous ne sympathisons pas non plus vraiment avec celui-ci, mais nous comprenons progressivement qui il est, comment il fonctionne ; cela nous est totalement interdit avec Stella.
Je ne demande pas à m’identifier à une héroïne à tout crin, mais au moins à avoir envie de faire le chemin avec elle. Ici, nous avons un personnage qui n’est incarné que parce que c’est Gillian Anderson qui lui prête ses traits ; une actrice moins charismatique aurait sûrement laissé Stella Gibson comme elle l’aurait trouvée : inerte, résumée à quelques mots glacials sur les pages d’un script. Stella Gibson donne dans ce pilote tous les signes d’un personnage au mieux fermé, au pire, pas du tout achevé. Quand tout d’un coup, elle fait montre d’une volonté propre, celle-ci surprend et destabilise. Mais ce n’est même pas tout-à-fait une bonne surprise…

Quant au tueur, je me sens mal à l’aise à l’idée de suivre ses moindres faits et gestes, quand il est rapidement évident qu’il est, en effet, le tueur, et qu’il a une proie. Qu’il soit ou non un tueur en série importe en fait assez peu au regard d’une réalité, et une seule : il va bientôt tuer. Qu’importent les victimes précédentes, au coeur de l’enquête ? A elles non plus, The Fall ne veut pas nous lier. The Fall ne veut décidément nous intéresser à rien, et c’est la raison pour laquelle il m’a été si difficile de le faire.

Qu’on vu les autres spectateurs dans cette série qui leur ai donné envie de poursuivre ? Qu’a à dire ce pilote qui attire l’attention ? Que veut-il nous dire, d’ailleurs ? En-dehors du lent découpage des évènements, qui sonnent presque comme un compte à rebours, The Fall semble presque manquer de substance. J’ai forcément loupé quelque chose au vu des critiques que j’ai lues. Mais The Fall a passé un peu moins d’un heure à me repousser de toutes ses forces.
Si structurellement, il change la donne sur pas mal de choses (il ne commence pas par la découverte d’un cadavre ni sur un meurtre, à la Law & Order), et si le ton est radicalement différent de bien des séries du genre, j’espère qu’il existe un juste milieu.
En tous cas, dans ces conditions, même 5 épisodes me semblent être 4 de trop.

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2 commentaires

  1. Eclair dit :

    Je réponds tardivement, car je ne pouvais plus m’asseoir devant un ordinateur. Mais je tiens vraiment à t’encourager à poursuivre la série, car oui tu es passé à côté de quelque chose, clairement, et le pilotmathon y est pour quelque chose.

    La série n’est pas une série d’enquête, c’est une série qui rentre dans l’intimité de ses personnages, et surtout du tueur. On ressent toute la perversité du tueur, on a vraiment peur pour ses victimes, bref, on est pas du tout dans une énième production policière où on ne s’intéresse pas du tout aux personnages.
    La série est beaucoup plus horrifiante qu’Hannibal, pour moi. Parce que le gore, l’effet visuel n’est rien quand ton cerveau te déconnecte en permanence la relation être humain-corps humain. Dans The Fall on a une vraie plongée dans l’horreur, non pas en multipliant les victimes mais en montrant qu’un père de famille peut se transformer en bête immonde.

    La froideur que tu as ressenti, pour moi c’était de la peur. La vraie.

  2. watcher dit :

    Pas du tout eu la même impression sur le pilot ! J’ai moi -même une certaine lassitude vis-à-vis des enquêtes mais celle-ci a le mérite de l’originalité (montrer la vie du serial killer, donner cette importance aussi à sa famille, à l’enfant !), et l’intérêt de son cadre également (Belfast, le commissariat ambiance macho etc).
    La froideur est un trait de caractère du personnage qui fait qu’elle est intrigante – tant d’indifférence, d’impassibilité en tout cas m’a intriguée personnellement sur le pilot. Et il est intéressant de voir l’évolution sur les 5 ép., donc franchement je t’encourage à continuer ! Je comprends pas bien comment tu peux aussi être déstabilisée par les décisions d’un personnage si tu trouves qu’il n’est pas achevé, j’ai pas réussi à te suivre sur ce point (sans exemples disons).
    Allez juste 4 épisodes

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