Red string of fate

28 avril 2014 à 19:03

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Elle est parfois étrange, l’obsession pour certains pays. Certes, loooin de moi l’idée de contester qu’une grande partie des séries scandinaves sont de qualité, y compris parmi celles qui ne nous parviennent pas ; mais certains pays tout aussi capables sont régulièrement snobés, et c’est une vraie interrogation pour moi, d’autant que rien ne semble le justifier.
La Belgique, qui est pourtant notre voisine, semble ne pas réussir à percer ; on pourrait dire que c’est parce qu’il s’agit d’un pays francophone et que du coup, comme pour le Québec, les chaînes françaises sont rebutées à l’idée d’avoir affaire à des accents ou Dieu sait quoi d’autre. Mais c’est vrai également pour les séries belges en flamand, donc non. La seule explication que je vois, c’est la jalousie !

Blague à part, Cordon, projetée cet après-midi dans le cadre de Séries Mania, et actuellement en cours de diffusion sur VTM en Belgique chaque lundi soir, est un parfait exemple de série belge de qualité. Une, parmi une multitude. Cordon illustre aussi, accessoirement, l’éternelle question : « puisqu’un plus petit pays y arrive, pourquoi pas nous ? ». Un tic dont j’aimerais bien me débarrasser un jour, mais bon, c’est un autre sujet.

Le NIIZA, soit l’Institut National contre les Infections d’Anvers (l’équivalent de l’Américain CDC, en gros, bien que le NIIZA soit en fait une organisation fictive), décèle l’existence d’un nouveau virus. Rapidement, les dispositions sont prises par les autorités pour essayer de contenir l’épidémie, d’autant plus perverse que ses premiers symptômes ressemblent à s’y méprendre à une vulgaire grippe : éternuements, toux, fièvre… Le problème, c’est que ce virus est par contre mortel, et qu’on ne sait pas trop d’où il surgit. Pour contenir le virus, il est vite décidé de mettre en quarantaine entre les murs du NIIZA les personnes susceptibles d’avoir été exposées au virus ; hélas, la maladie semble plus rapide que les humains, et il faut alors envisager la quarantaine de tout le quartier qui entoure le bâtiment derrière un cordon sanitaire.

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Là où réussit Cordon, c’est d’abord dans la description d’une communauté cosmopolite et foisonnante, où se croisent toutes sortes de gens qui vont être liés par les évènements, quand bien même ils semblent avoir peu en commun initialement (un procédé que je me rappelle avoir beaucoup aimé dans une autre série belge, De Vijfhoek). Au fur et à mesure de son exposition, l’épisode inaugural va les placer comme on piquerait une carte avec des punaises, nous indiquant leur exacte situation géographique de façon systématique. En fait, ces personnages sont si nombreux que leur introduction peut parfois être extrêmement succincte, laissant la suite des évènements expliciter progressivement qui ils sont et pourquoi on s’intéresse à eux (spoiler alert : plus ils sont intéressants, plus le pilote abrège leur introduction).
Mais ce n’est pas vraiment grave, étrangement, parce que dés la première scène, Cordon a clairement indiqué que les personnages n’étaient pas son soucis premier : on y voit un immigré être sorti d’un container par des proches ; il est vraisemblablement entré illégalement sur le territoire. Du coup, parce qu’on connaît le pitch, on se dit : épidémie étrange / immigration illégale… vous avez saisi la métaphore ? Subtil.
Chose intéressante : l’intro s’arrête là, et sans qu’on n’ait vraiment eu d’indice sur l’état de santé de cet immigré, ni beaucoup d’informations en général, c’est le générique qui va expliquer de quoi parle Cordon. Personnellement je trouve le procédé osé, d’autant que ce générique est un patchwork de séquences très rapides reprenant des points de vue à la fois hors du périmètre du cordon sanitaire, et à l’intérieur, ainsi que des médias ; ça fait donc une avalanche d’images à digérer très vite. Mais une fois que c’est fait, on a tout compris. Qui plus est, le générique a une fonction récapitulative lors des épisodes suivants, ce qui fait qu’il remplit en réalité deux missions différentes selon l’épisode qu’il ouvre. C’est rare pour un générique, surtout actuellement, de démontrer ce genre de versatilité.
Cordon a aussi un autre grand atout : bien qu’elle soit plutôt pédagogique dans sa façon d’expliquer progressivement comment le virus se propage, elle n’en est pas moins intelligente, brassant des concepts très divers, et faisant appel à la mémoire des spectateurs en mentionnant des sujets comme le SRAS. Du coup, la série s’inscrit pleinement dans des craintes abordées plusieurs fois dans les médias ces dernières années, et peut s’épargner d’abrutir le public avec des explications infantilisantes.

En tous cas, ça marche. Ça marche parce que Cordon est d’une grande efficacité et maîtrise son rythme à la perfection ; c’est d’ailleurs ce qui permet de découvrir tant de personnages sans se sentir semé. Comme en plus le cordon sanitaire est étendu rapidement à tout un quartier, et non plus un bâtiment, on évite l’ambiance claustrophobe et anxiogène d’un huis clos, et on voyage à l’intérieur d’Anvers avec fluidité, ce qui rend l’épisode d’ouverture plus facile encore à regarder.
En fait, arrivée à mi-parcours de ce pilote, il m’est apparu que Cordon réussissait à être une série grand public, au sens noble du terme : elle est plutôt facile d’accès, mais elle est de qualité et traite de son sujet avec intelligence. De toutes les séries projetées à Séries Mania cette année, j’aurais envie de dire qu’elle est la plus accessible, en fait. Je n’ai aucune peine à l’imaginer sur une télévision française… mais après, je vous concède bien volontiers que je dis la même chose de certaines séries japonaises ou turques. Mes standards ont quelque peu bougé ces dernières années.

Une chose est sûre : la dimension humaine, si elle reste assez peu originale (chacun est bien dans son rôle, pas de grande surprise pour le moment), est bien menée et permet d’adopter toutes sortes de points de vue sur l’épidémie. De la maîtresse d’école qui est bloquée avec sa classe pendant un voyage scolaire, au commissaire de la police d’Anvers, en passant par le scientifique qui gère le NIIZA et doit faire face à la quarantaine tout en essayant d’organiser ses employés pour procéder à des examens et soigner ceux qui tombent malade… c’est très exhaustif.
Tous les personnages (ou presque) se retrouvent assez rapidement dans une situation complexe, mais unique, qui plonge le spectateur dans un état d’esprit différent en dépit de la problématique qui leur est commune. Les protagonistes sont donc chacun digne d’intérêt, c’est juste qu’on ne s’attache pas. Un instant on compatit avec le gamin qui a été oublié après avoir été envoyé en colle (et se retrouve seul pendant la quarantaine), la seconde suivante on s’inquiète pour la femme enceinte (qui en plus n’a nulle part où aller), et on a déjà oublié le gamin.
C’est aussi ce qui caractérise l’efficacité de Cordon : tout le monde y trouvera son compte, sans que la série ne demande un investissement surhumain, de la part de non-téléphages par exemple.

Pour aborder plus encore de points de vue, Cordon va aussi ponctuellement intégrer les médias en général (télévision, presse écrite sur internet…) et les réseaux sociaux en particulier (surtout Twitter), de façon à donner un aperçu plus large encore de la façon dont les habitants mis en quarantaine, mais aussi le reste du pays, réagissent à la mise en place du cordon sanitaire. Si la série se met un peu trop tard à mon goût à incorporer ces éléments (il fallait soit le faire plus rapidement, soit faire le choix ardu de ne pas le faire du tout), ça ajoute en tous cas à la fois du rythme et des points de vue. Le personnage qui est un journaliste appuie, sur d’autres questions, notamment la façon dont le public à l’extérieur d’Anvers réagit au cordon, ou même aux thèses conspirationnistes, dans une certaine mesure. C’est pour vous dire si c’est complet.

Prévue pour 10 épisodes, Cordon ne relève pas du chef d’œuvre absolu, et c’est difficile de parler de coup de cœur. Mais avec sa pléiade de personnages aux préoccupations si diverses, son sens aiguisé du rythme, sa réalisation réussie (même si légèrement proprette), c’est une série qui s’empare pleinement de son sujet, le manie avec aisance et sous absolument tous les angles, et finit par délivrer une réflexion très complète sur la mobilité à la fois des maladies… et des gens. Le genre de série pour laquelle on peut se fasciner facilement, même si rien pour le moment ne la fait entrer dans l’Histoire. Cela dit, la série ne s’achèvera que le mois prochain en Belgique, et elle peut encore réserver des retournements de situation intéressants !

Personnellement, j’aurais volontiers progressé au-delà des deux épisodes projetés lors de Séries Mania. Si un diffuseur vient à passer dans le coin, et qu’il lui prend l’envie d’acquérir les droits de Cordon pour une diffusion en France, vraiment, je ne le retiens pas. Ce serait une formidable idée… en attendant que, nom de nom, quelqu’un par chez nous se décide à essayer de rivaliser au moins avec des séries belges comme cella-là, sans même aller se comparer aux USA ou le Royaume-Uni. Sérieusement, il y aurait déjà de quoi être contents.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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