It’s my party and I’ll binge watch if I want to

13 juin 2014 à 10:40

Vous savez ce qui se dit sur le binge watching ? Dans le doute, j’ai lancé une requête ; pas dix, une. Et voilà ce que ça a donné dés les premiers résultats :
Warning: Binge-Watching Is Seriously Bad For You (Mai 2014)
Why You Need to Stop Binge-Watching ‘House of Cards (Mars 2014)
An Argument Against Binge Watching TV (Février 2014)
Binge TV Watching on the Rise (Février 2014)
Why binge-watching new shows is the worst (Février 2014)
‘Binge-watching’ TV may be harmful to health (Février 2014)
Binge-watching: step away from the laptop (Février 2014)
Hey Netflix, Stop Encouraging Binge Watching (Janvier 2014)
7 Reasons Why You Shouldn’t Binge Watch TV (Janvier 2014)
Binge-watching: the Good, the Bad, and the Addicting (Septembre 2013)
Stop Binge-Watching TV (Juillet 2012)
Question complémentaire : êtes-vous capables de dater la sortie de la 2e saison House of Cards ? Attention c’est subtil.

Allez, juste pour le plaisir, un article en français aussi : “Binge watching” : vous avez dit accro aux séries?! (… de février 2014). Il y en a eu d’autres mais comme je l’ai dit, je n’ai lancé qu’une requête.
Notez bien : je n’en suis même pas à essayer de lister les articles autour du thème, déjà un peu usé mais différent, de « comment le binge watching va changer la télévision », même pas, ohlà, c’est encore tout un autre chapitre.
Mais le discours ambiant sur le binge watching est au doigt inquisiteur pointé vers votre addiction. Un mot très important, l’addiction, histoire de bien renforcer les sous-entendus sur la santé et la maladie, et les subtils appels du pied, un rien insultants mais qui s’en soucie, au vrais problèmes de santé comme l’alcoolisme ou les troubles du comportement alimentaire. Rappelez-vous que la télé, c’est quand même mauvais pour ce que vous avez, à la base, hein.
Bref, le binge watching, tout le monde s’accorde à dire que c’est vraiment à prendre avec des pincettes, voire super inquiétant, selon le degré.

Étrangement, tout le monde vous parle du binge watching, mais les seules fois où l’on vous en parle positivement, ou presque, c’est pour vous faire des classements click-bait sur des séries à binge watcher (la même requête est ultra explicite à ce sujet, faites le test). Pas pour vous dire que vous avez fait le bon choix… la notion de choix ? Totalement absente de 99% des articles sur le binge watching, en fait.

Pour sûr, j’exagère : ce n’est pas tout-à-fait vrai, et il y a quand même quelques voix ici et là pour dire que, eh, le binge watching c’est pas si mal, et d’abord si vous croyez qu’on a attendu Netflix pour ça, et euh pardon mais c’est la nouvelle façon de regarder la télévision alors autant s’y faire.
Ah. Bon. C’est mieux que rien.

La semaine dernière, j’ai binge watché The Good Wife. Cette semaine c’était Orange is the new black. Et la semaine prochaine, si le Dieu de la Téléphagie le veut, c’en sera une autre. Très franchement, si Gaegwachunsun n’était pas en cours de diffusion en Corée du Sud, je lui ferais un sort tout pareil.

Orangeisthenewblack-Season2-650

Et ça m’agace de lire toutes ces choses sur le binge watching avec aussi peu de contrepoints. Alors soit, le binge watching, ce n’est pas pour tout le monde. Mais il reste que de bonnes choses peuvent en ressortir et c’est mon cri du cœur du jour. Un cri du cœur en cinq points, parce qu’on aime tous les listes, mais entre vous et moi, mes préférés sont les deux premiers du podium. Évidemment.

5 – Le binge watching c’est comme les pâtes au pesto, le mariage ou les enfants : vous pouvez ressentir le peer pressure, mais personne ne vous force.
Vous savez ce que je dis sur la télévision ? Mais si, vous le savez, parce que je vous l’ai déjà dit : c’est le royaume du libre arbitre. J’ai le luxe de penser cela parce que je suis née à une époque où n’avoir qu’une seule chaîne de télévision était impensable, que j’ai grandi en même temps que le câble puis l’offre TNT, que j’ai eu internet au moment où je devenais adulte, et que maintenant, entre l’offre légale et l’offre illégale, et les quelques zones vaguement grises au milieu (genre quand je veux m’approvisionner en série diffusée à Singapour), il n’y a pas de retour possible. Avant, on était obligés de suivre quelqu’un : la diffusion par une chaîne, la sortie d’un DVD, ce que vous voulez. Ces contraintes existent encore, mais c’est parce qu’elles sont gommées, voire parfois éliminées, qu’on en vient à avoir la possibilité de faire du binge watching. Ça reste une possibilité, un choix : vous pouvez encore prétendre que vous n’avez pas tous les épisodes de la série et la regarder de façon hebdomadaire si ça vous chante. Mais si vous n’avez pas envie d’attendre, vous n’avez pas à le faire.
Alors certes, l’occasion fait le larron, mais si par le plus grand des hasards vous suivez l’une de ces séries dont les épisodes débarquent en bloc, genre Orange is the new black justement, à ma connaissance aucune menace ne pèse sur votre existence pour vous obliger à tous les regarder d’un coup. Certes, vous allez augmenter vos risques de spoilers ; exactement comme lorsque vous décidez de ne pas regarder votre épisode de Game of Thrones à 6h du matin le lundi : la force de caractère, la lucidité et le fait d’avoir vos priorités bien ordonnées vous tiendront occupé à autre chose. Au moins pour quelques heures.

4 – Le binge watching c’est mauvais pour la santé, mais toute chose est mauvaise en excès.
Loin de moi l’idée d’être hypocrite au point de vous dire que l’excès téléphagique est quelque chose dont je me tiens à une respectueuse distance en toute occasion ; on a tous nos vices. J’ai choisi la télévision comme d’autres choisiront… ce qui leur siéra. A partir du moment où c’est un choix, chacun fait ce que bon lui semble. Vous le savez, je le sais, alors on va arrêter de faire mine de tous mener des vies exemplaires genre épisode de High Maintenance, et cesser de regarder les gens de haut parce que leurs habitudes téléphagiques semblent plus faciles à critiquer que d’autres.
Vous savez quoi ? Dans une ère où les gens ont tellement envie de regarder des séries et d’en parler ensuite, qu’ils ne trouvent que rarement le moyen d’évoquer ce qu’ils viennent de regarder sans lâcher des spoilers (erreur d’inattention qui prend la forme d’un tweet savamment rédigé en moins de 140 caractères espaces inclus, un foutu hasard quand même), je crois qu’on a dépassé le stade où la passion pour les séries est un chiffon rouge qu’on peut continuer d’agiter sous le nez des gens comme si c’était une maladie horrible. On peut arrêter de traiter les gens qui aiment les séries, ou au moins quelques unes, comme des aliens, et admettre qu’ils sont parmi nous.
Il y a quelque part, j’en ai rencontré quelques uns, des gens qui ne regardent des séries que comme vague fond sonore, et ils ne sont pas en danger de binge watching accidentel. Pour les autres, on peut estimer que le binge watching est un acte conscient et volontaire, comme celui de passer plusieurs heures sur un même bouquin, ou à s’acharner à se vernir les ongles avec 712 couleurs différentes (en même temps), ou se préparer un bento en forme de plafond de la chapelle Sixtine. A chacun ses passe-temps chronophages.
Le problème c’est qu’on traite une passion comme une addiction, c’est d’une part, qu’on diminue la gravité des vraies addictions (mais c’est un autre sujet pour un autre jour, et une autre rubrique d’ailleurs), et d’autre part, qu’on oublie qu’une passion est par essence chronophage. Ma conviction personnelle, c’est que les gens qui n’ont pas de passion chronophage dans la vie n’ont généralement pas de passion du tout, et/ou c’est leur quotidien qui est chronophage (genre s’ils ont fait des enfants, mais comme tous les gens avec des enfants ne sont pas forcément sans passion chronophage, je crois sincèrement que c’est pas une question de choix reproductifs). Ce que j’essaye de dire, c’est que, s’il s’agit d’aller faire 3 heures de randonnée dans une forêt trempée par simple amour pour les champignons ou s’il s’agit d’aller faire un marathon de 3 heures d’une comédie américaine, il n’y a dans le fond aucune différence : au-delà d’une heure, il va forcément y avoir quelqu’un pour trouver que c’est trop. Ça ne veut pas dire que vous êtes accro aux girolles, ni aux comédiens roux et bedonnants ; ça veut dire que la personne qui râle voudrait sûrement passer ses heures à faire son propre type de passion chronophage à la place… et qu’il lui reste trop de temps sur les bras parce qu’elle en a encore pour vous juger. N’invitez plus cette personne à ramasser des champignons ou regarder Louie avec vous, et hop, problème réglé.

3 – Le binge watching c’est hyper nouveau, sauf que ça ne l’est pas.
Vous vous rappelez de cette fois où vous avez passé tout votre vendredi soir, chaque vendredi soir, devant Hem6 pour pouvoir regarder Stargate SG-1, même alors que les deux derniers épisodes étaient systématiquement des rediffs ? CQFD. A l’époque on n’appelait même pas ça un marathon, ohlà, non, c’était suivre la diffusion, toute erratique et illogique soit-elle.
Mais maintenant on appelle ça du binge watching, donc c’est mal, forcément. Essentiellement parce qu’on fait semblant d’introduire la notion de choix qu’on avait abandonnée de façon si confortable à une chaîne de télévision.
Il y a aussi eu cette fois où vous avez acheté un coffret DVD, et où vous avez regardé la saison en question (ou la demi-saison, si vous êtes tombé dans ce panneau) à votre rythme, et quand je dis à votre rythme, c’est en moins d’une semaine. Mais à l’époque on n’appelait pas ça du binge watching, mais plutôt un marathon, parce que ça faisait classe et qu’internet n’avait pas totalement eu raison de notre aversion pour les anglicismes. Les marathons, ça a ceci de plaisant que d’une part, ça permet de se remettre une saison en tête juste avant que la suivante ne sorte (c’est la raison pour laquelle tant de coffrets sortent si tard), et surtout d’autre part on peut gérer son temps comme on le veut. Et en-dehors de quelques individus à la volonté de fer et au rythme de vie millimétré, que j’admire sincèrement, personne ne regarde une saison d’une série dont le coffret vient d’arriver à côté de son lecteur DVD en plus d’une semaine, deux grand maximum.
Jamais je n’ai rencontré quelqu’un qui revient de la FNUC et se dit « oh, j’ai acheté le coffret de la nouvelle saison de Six Feet Under, mais je vais plutôt me regarder une rediff des Experts Novosibirsk ce soir », et je crois qu’il n’est pas né (et maintenant, ne naîtra plus) l’individu qui reçoit un colis Anazon dans sa boîte aux lettres et éventre le carton au bout de trois semaines passées sur un coin de bureau. Vous n’êtes même pas obligés de l’admettre en société, mais en vérité, et à plus forte raison si vous fréquentez ce site, vous avez forcément vécu un moment de ce genre avant même que Netflix n’ait l’idée de sortir trouze épisodes d’un coup.
Que le premier qui n’a jamais pensé « oh allez, un autre épisode vite fait, ça ne dure que 20 minutes en plus » me jette la première VHS usagée. Signe d’une malhonnêteté latente vu que c’est plus proche des 25.

2 – Le binge watching c’est une bonne chose, à plus forte raison dans le cas d’une série conçue pour.
Bien que je ne partage pas son optimisme sur la question, Beau Willimon envisage ce que serait une série dont la saison ne serait pas subdivisée en épisodes, parce que narrativement, l’expérience a du sens. Sur le long terme je vois mal comment toutes les séries pourraient suivre ce modèle, et je ne suis pas convaincue que la transformation soit même nécessaire (ne serait-ce que parce que mon esprit est encore dépendant de la structure en actes, qui dépend, même pour les séries du câble qui pourtant n’y ont pas recours, des coupures publicitaires ; ça se désapprend comme toute chose, mais je n’en suis pas là). Pourtant l’argument est intéressant au sens où, quand une série n’est pas diffusée via les canaux traditionnels, rien ne justifie sa subdivision en épisodes d’une durée équivalente, de près ou de loin : puisqu’elle est conçue d’un seul tenant, et qu’on sait de plus en plus qu’elle sera visionnée par beaucoup de ses fans en une seule fois, deux grand maximum, alors le concept de saison prend une dimension différente.
Une série traditionnelle veut que vous reveniez la semaine prochaine ; The Good Wife a été très attentive à cela pendant sa cinquième saison (la plus feuilletonnante de son histoire à mon avis), en introduisant lors de ses passages les moins procéduraux des gimmicks propres à faire revenir les spectateurs (par exemple quand en début de saison elle a introduit la timeline de ses évènements jusque dans ses titres d’épisodes). Orange is the new black n’a pas à s’en soucier, au moins pas au même degré : sans que son public lui soit acquis, il ne lui est pas nécessaire de l’accrocher de la même façon pour qu’il revienne (encore que je ne suis pas convaincue qu’il existe des gens pour laisser tomber Orange is the new black en milieu de saison 2, ni même reporter son visionnage). La série peut ainsi prendre tout son temps pour explorer une facette ou une autre, s’offrir des pauses dans la narration, ou encore se décider à faire un épisode totalement déstabilisant et ensuite revenir dans son contexte habituel si ça lui chante (les deux premiers épisodes de cette nouvelle saison offrent un très bon exemple de pareille démarche, ainsi qu’un autre vers la fin de la saison). Vous ne voulez pas binge watcher Orange is the new black ? Vous n’avez pas à le faire ; mais vous augmentez le niveau de difficulté de votre visionnage parce qu’il n’est pas adapté à la façon dont la série fait usage, avec une grande flexibilité, de la demi-douzaine d’épisodes qui lui est impartie.

1 – Le binge watching c’est une bonne chose, même voire surtout dans le cas d’une série qui n’est pas conçue pour.
Non vous ne m’avez pas mal lue, et à vrai dire j’ai déjà eu l’occasion, lors d’un marathon Roseanne par exemple, de vous décrire l’importance du binge watching pour porter votre attention sur les détails. Remontez les tags si vous ne me croyez pas.
Devant une série construite de façon traditionnelle, et plus encore si elle date d’avant l’ère Netflix ou, pire, d’avant l’ère du DVR (dans le cas de Roseanne, on est même borderline avec l’ère du magnétoscope, pour reprendre mon exemple), le binge watching apparaît comme une façon différente d’approcher la série. Vous voulez étudier le propos d’une fiction ? Vous n’avez absolument pas besoin de la binge watcher pour ce faire et, entre vous et moi, vous avez sûrement raison de faire l’impasse. La valeur ajoutée sur le fond est totalement négligeable. Sur la forme ? C’est tout autre chose.
Entre deux épisodes d’une même série, l’équipe de cette série a très peu de choses à penser en-dehors de ladite série. Entre deux épisodes, il peut s’être passé beaucoup de choses dans votre vie, et quelque part si on nous met tellement en garde contre le binge watching, c’est qu’on nous le souhaite. Entre deux épisodes d’une même saison, d’une part… mais aussi entre deux épisodes de deux saisons différentes d’autre part. Et si vous êtes comme moi, entre deux épisodes d’une même série, il y en a presque toujours d’une seconde série… bref, votre esprit est ailleurs et quelle que soit votre concentration, vous zappez des détails. La télévision, de par son aspect de cérémonial répétitif, le sait ; mais cela ne veut pas dire qu’elle en fait abstraction.
En outre, le visionnage hebdomadaire ne permet pas de capter la plupart des subtilités de continuité qu’une série peut parfois contenir. C’est vrai pour les dramas, et c’est encore plus vrai pour les comédies… ou en tous cas les bonnes. Prenez au hasard The Big Bang Theory, et essayez de noter tout ce qui relève du running gag au sens large (drôle… ou pas, en fait) : il vous est systématiquement désigné plusieurs temps à l’avance. A de très rares exceptions près, un rappel précède toute forme de continuité : « oh, hey, vous vous souvenez quand on a dit ça ? ouais, on va le ramener sur le tapis dans une seconde, mais pour que vous l’appréciez, il faut encore que vous vous en souveniez », voilà une série qui est conçue pour une diffusion hebdomadaire, et dont le binge watch ne vous apportera rien de plus qu’une méchante envie de commander chinois. Prenez maintenant Roseanne, ou Une Maman Formidable d’ailleurs, et le même relevé se transforme en corne d’abondance d’informations. Ces séries ne vous disent pas quand elles réutilisent des points abordés dans des épisodes antérieurs, même en passant, même il y a une saison, même il y a deux saisons. C’est à vous de saisir la balle au bond. Comment, ça fait un ou deux ans que vous n’avez pas vu l’épisode en question ? Pas de bol, ça va complètement vous échapper. Si c’est juste pour laisser échapper une blague, bon, c’est pas gravissime. Si c’est pour s’appuyer sur une facette majeure d’un personnage et de son histoire, c’est plus impressionnant. Le binge watching permet de (re)découvrir ces trésors cachés et de les apprécier à leur juste mesure. Je reviens dessus dans ma critique d’Une Maman Formidable en cours de finalisation, ne manquez pas ça.
Si vous aimez qu’une série se connaisse sur le bout des doigts, exploite parfaitement les backstories de ses personnages, et emploie sa mythologie sans jamais se répéter, le binge watching peut vous apporter quelques moments d’excellence et de bravoure insoupçonnés. Vous n’imaginez pas les prouesses que certaines séries en apparence totalement anodines peuvent accomplir en la matière ; il y a des scénaristes qui possèdent leur bible, et le visionnage hebdomadaire ne permet pas toujours de s’en apercevoir, voire pas du tout.

Je ne regarde pas toutes mes séries en binge watching ; mais de plus en plus. Je vous le disais il y a peu : l’expérience de The Good Wife est tellement intense que je n’envisage par exemple plus de voir la série de façon hebdomadaire, et quelques autres séries en prennent probablement le chemin. Personne n’est obligé de regarder toutes les séries de son « calendrier » de cette façon, ni la moitié, ni aucune. Mais l’expérience a du bon et, pourvu de prendre les décisions en connaissance de cause, il n’y a aucun tort à faire de choix.
Personnellement, devant les expériences que j’ai vécues devant certaines séries, qui se sont montrées incroyablement cohérentes avec elles-mêmes lors de visionnages condensés de type binge watching, j’envisage même de revoir certaines fictions que je connais déjà pour voir ce que j’ai pu louper en les regardant de façon plus « régulière » et « normale ». Je me fais en ce moment une petite liste de séries qui bénéficieraient probablement de ce genre de méthode plus que d’un rythme hebdomadaire.

Le spectre de l’addiction, brandi de nombreuses fois au-dessus des têtes des téléphages depuis des décennies (ainsi que de la passivité ; cette seconde caractéristique ne pouvant pas être plus éloignées de la façon dont je conçois personnellement les choses, au passage), ne devrait pas effrayer ceux qui font leur choix télévisuels par envie et passion, et pas simplement parce qu’il leur semble qu’il le faut.
Regarder la télévision, comme toute pratique artistique, nécessite un rien de recul et d’esprit critique, et une certaine éducation. Il ne faut pas chercher à terrifier les bonnes gens avec les contes à dormir debout de victimes influençables qui perdent tout sens commun devant leur écran ; il faut au contraire rappeler que tout choix de regarder une série, qu’il soit sur un mode hebdomadaire ou en binge watching, doit se faire en bonne intelligence. N’importe quel visionnage nécessite d’être un spectateur averti, mais ne comptez pas sur la plupart des médias pour vous le rappeler : la télévision reste le mauvais élève et non un art auquel s’initier.
On ne binge watche pas tout, pas n’importe quand, pas n’importe comment. De la même façon que si vous vous leviez à 6h du matin pour regarder votre épisode de Game of Thrones avant de vous faire spoiler sur Twitter, il serait temps de rejoindre un groupe de soutien (Twitter ne compte pas… vous allez vous faire spoiler).

La logique du tout ou rien n’est pas non plus la bonne ; elle fait passer à côté d’aspects positifs du binge watching, et de la télévision en général. La meilleure preuve, c’est que personne ne binge watche Here comes Honey Boo Boo. Il est peut-être temps de se demander pourquoi ce sont les séries les plus exigeantes intellectuellement et/ou émotionnellement qui nous y incitent plus que les autres, pourquoi ce sont les intrigues politiques ou les dramédies en montagnes russes qui s’y prêtent le mieux ; peut-être parce qu’au-delà de l’addiction, il y a vraiment quelque chose à y gagner pour le spectateur. Mais ça impliquerait peut-être de se demander pourquoi lesdits spectateurs aiment les séries, au lieu de se demander pourquoi les gens y sont accro…

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. Marion² dit :

    Tout à fait d’accord avec ce très bon article. Vive la liberté du binge watching ! Un sujet qui continue de faire débat effectivement, nous en parlions justement récemment sur Séries Chéries 🙂 http://seriescheries.com/2014/05/28/etude-de-cas-les-nouveaux-modes-de-visionnage-des-series/

  2. Horkken dit :

    J’adore lire ce genre de post. Merci.
    Aussi depuis quand la RNAC est devenue la FNUC ? ^_^

    Le truc avec le « binge watching » c’est que c’est un nouveau mot bien « matraqué » depuis quelque temps et ça ne fait que commencer avec l’arrivée de Netflix en France parce-que tout le monde va en parler et par tout le monde je veux parler des gens qui ne sont pas forcément très au fait des séries.

    Je fait sûrement des plans sur la comète (mais vu les liens précédents…) ou alors peut-être qu’en France on dramatise toujours tout a l’extrême mais je vois d’ici les « enquêtes / reportage » de pseudo magasines sérieux du soir qui dénonceront le « danger ».
    J’ai vécu ça quand j’etais au collège avec l’explosion de WOW et des MMO en général. J’y jouais pas perso mais des amis y jouais beaucoup et étaient des êtres beaucoup plus sociales que moi.

    Ton point 3 est intéressant, je me rappelle enregistrer sur des VHS, des VHS ! des épisodes que j’allais rater et puis j’enregistrais aussi les épisodes de la semaine d’après parce-que j’avais pas eu le temps de les voir etc. Et oups j’ai accidentellement tous les épisodes d’un coup 😉
    A une époque ou j’avais pas internet (j’etais en primaire je crois pfiou).
    Mais il faut avouer que c’était pas très pratique et la mise en place est peut être un peu compliqué.
    Le binge watching avec internet a, je trouve, permis une augmentation considérable et la quantité binge-watchable (néologisme de la mort).

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