Lecture impérative

16 février 2015 à 20:30

Ce soir, BET lancera The Book of Negroes, une mini-série co-produite avec CBC qui vient d’achever sa diffusion il y a quelques jours. C’est à l’heure actuelle le projet de fiction le plus ambitieux de la chaîne, qui depuis plusieurs mois maintenant n’en manque pourtant pas, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire avec Being Mary Jane.
Il s’agit en effet d’une reconstitution historique retraçant sur près de trois décennies l’histoire d’Aminata Diallo, une jeune femme née en Guinée et vendue à des marchands d’esclaves pour être emmenée aux États-Unis. Mais là où les spectateurs Canadiens ont pu découvrir la série une chaîne publique, c’est une chaîne du câble, considérée comme « de niche » de surcroît, qui va proposer aux Américains de suivre cette histoire, promettant au grand public qu’il n’aura pas à remarquer la série s’il n’y tient pas.

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Et pourtant il faut en parler. Il faut parler de The Book of Negroes pour ce qu’elle accomplit, comme aucune série depuis Roots, pour raconter l’indicible. On ressent devant The Book of Negroes une nécessité de ne pas laisser perdre les noms, les histoires, les blessures.

Il faut parler de The Book of Negroes… et pourtant, pendant toute la mini-série, je me suis demandé : comment ? Comment vais-je parler de ce que j’ai vu ? Comment vais-je convaincre des téléphages d’aller y jeter un oeil quand tant y est si terrible ? Évidemment, je voudrais pouvoir dire qu’il faut justement la regarder parce que tant y est terrible ; mais ce n’est pas vendeur. Or j’ai appris avec les années et les reviews que les gens n’aiment pas qu’on leur dise qu’ils vont s’en prendre plein la tronche, avec très peu de gratification en échange. On veut bien pleurer des litres d’eaux pour des personnages de la middle class, mais réduits en esclavage… bon, c’est un peu beaucoup, quand même. La diversité, qui est devenue le maître-mot de ces derniers mois, on préfère la reléguer à Empire ou à Scandal. Qu’ils racontent leurs histoires pourvu qu’elles nous permettent de nous échapper, mais qu’ils ne racontent pas leur Histoire, ça n’est pas joli à entendre.
Il faut parler de The Book of Negroes… mais comment ? Comment dire ce que j’ai appris devant cette série, quand j’aurais dû ne jamais l’ignorer pour commencer ? Comment dire ce que je savais déjà, sans donner l’impression erronée que je me suis ennuyée, que tout n’est que répétition, ou pire, cours d’Histoire, quand la série accomplit tellement plus ? Comment dire que certaines performances sont formidables, sans tomber dans une analyse détachée du cœur de la série ?
Il faut parler de The Book of Negroes… mais je me suis aussi demandé, même si j’arrivais à expliquer pourquoi il ne faut pas détourner les yeux devant The Book of Negroes, comment moi j’allais parler de cette série. Ce n’est pas mon histoire. Je devrais la regarder et me taire, ne pas chercher à ramener tout à mon ressenti sur la série, ni mon analyse. Il ne s’agit pas de moi, tellement pas. Et la plupart des téléphages français sont dans ce cas-là ; a fortiori parce que, pour autant que je puisse en juger, les téléphages blogueurs que je connais sont pour la plupart des Français et des blancs. Alors comment pourrions-nous parler de cette série, nous, qui ferions mieux de la regarder en silence et d’absorber ce qu’elle dit, que de chercher à prendre la parole dessus ? Comment je peux en parler, mais comment inciter d’autres à la regarder si je n’en parle pas ?

Alors, tout ce que je peux vous dire… « c’est bien, regardez cette série, ayez confiance en moi » ? Je suis désolée, c’est tout ce que j’ai pour le moment.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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