Faites des gosses

2 juin 2015 à 7:22

Dans le monde des séries jusque là, la dynamique était un peu toujours la même : les victimes étaient bien souvent des mineurs, et on s’y retrouvait plus ou moins. C’était prévisible, bien-sûr, on ne va pas se mentir, mais au moins on savait qu’on pleurait des êtres fragiles que le sort, ou un drame plus ou moins banal (tristement banal, mais quand même), avait touchés. Et décimés. Il suffit de faire la liste : entre Forbrydelsen et sa jumelle The Killing, Broadchurch et Gracepoint, Top of the Lake, les deux versions de Secrets and Lies, et sans même aller taper dans les séries plus anciennes genre Twin Peaks, les mineurs ont une espérance de vie plutôt courte dans les séries, surtout si ces dernières comportent, de près ou de loin, des éléments policiers.
Il était donc grand temps de renverser un peu le rapport de force, et rappeler que les enfants sont aussi (voire avant tout) des dangers pour notre sécurité à tous. Enfin, vos enfants, hein. Moi j’ai été plus prudente que ça.

TheWhispers-650

Dans The Whispers tout commence avec Cassandra, une adorable petite fille aux grands yeux, cinq ans, à tout péter, qui au bout de quelques minutes, finit par tenter de tuer sa mère. Ici pas de crime passionnel, mais un ami imaginaire, « Drill », qui insuffle à la gamine l’idée. Le spectateur n’entend ni ne voit Drill, mais entend la môme lui donner la réplique avec toute la naïveté dont une enfant de cet âge est capable. Ce n’est pour elle qu’un jeu. Un jeu qui finit avec le crâne de sa mère fendu sur les dalles du jardin, mais soit.
A partir de ce moment-là vous savez que dans tous les living rooms d’Amérique, les parents sont en train de couler un regard en direction de la chambre de leur moutard (ou pluriel, s’ils ont vraiment mal joué leur coup), s’attendant à moitié à le découvrir dans leur dos avec les grands yeux innocents du boucher qui ne sait même pas qu’il va dépecer une bête dans une seconde. C’est cool parce que moi je trouve qu’on n’incite jamais assez une société à craindre le pire de ses enfants, donc bon.

Et à partir de là, il faut bien se dire qu’en tant que spectateur, on est d’ores et déjà conditionné pour considérer chaque enfant qui apparaîtra dans la série comme un danger potentiel. C’est un peu comme regarder un épisode d’Intruders, mais au lieu d’une gamine qui parle un peu bizarrement, il y en a partout !
Alors quand l’héroïne, Claire Bennigan, se trouve au match de base ball de son fils (du base ball en plus, avec des ARMES !) dans la séquence suivante, vous pensez bien qu’on n’en mène pas large. Tic tac tic tac, ce n’est qu’une question de temps. Tout ce qui a encore des dents de lait est automatiquement considéré comme une bombe à retardement. Lui, avec ses boucles rousses, son large sourire et son talent sportif, est forcément un dangereux psychopathe qui s’ignore ; nous observons Claire échanger des signes adorables avec lui (il est sourd) et parler du père du petit, récemment décédé, avec un regard teinté de condescendance. Elle n’a aucune idée de ce qui l’attend, la pauvre.

Pourtant chaque scène du pilote de The Whispers contenant un ou plusieurs enfants va à chaque fois tenter de nous coller les miquettes. Qui que soit Drill, c’est un malin : il a trouvé le moyen de transformer des être relativement mignons, enfin disons, par convention notre société a décidé qu’ils l’étaient, en machines à tuer qui n’ont, en plus, pas idée de ce qu’ils font (ou alors quand c’est trop tard, comme nous l’explicitera une histoire rapportée en cours de pilote). C’est un peu comme découvrir tout d’un coup que les lapins sont des êtres diaboliques avec leurs grandes dents alors qu’il y a pas dix minutes, vous regardiez des videos avec des boules de poils aux longues oreilles sur Youtube. Et l’idée a son charme, surtout parce qu’elle est universelle : à peu près tout le monde a des enfants, et donc tout le monde comprend la terreur qu’inspire cette transformation. Abuser de cette innocence dans un but criminel a de quoi retourner le cœur du tout venant. Le public-cible de The Whispers, c’est vous, un voisin, une collègue de bureau, un caissier, la factrice, tout le monde, partout, tout le temps, pour peu d’avoir eu l’idée de se reproduire. Le public-cible de The Whispers c’est tout le monde. Hop, perchée.

The Whispers ne s’appesantit pas autant que moi sur cette tragédie compréhensible par tous les parents de la planète. Et au lieu de nous faire nous demander qui donc est Drill, le pilote nous offre déjà une piste de réponse. Bien qu’encore floue, elle permet de mettre de côté les explications rationnelles aussi vite que possible, pour nous emmener sur le site d’un crash d’avion militaire dans l’Ouest du Sahara. Un avion américain qui s’est perdu au-dessus de l’Arctique, en plus… oh, et qui était piloté, vous ne devinerez jamais par qui.
A côte de ça un étrange inconnu semble être capable de capter les noms des enfants auxquels s’adresse Drill, et a donc le potentiel, à l’avenir, de peut-être pouvoir influer sur ces crimes odieux. Comment, on ne sait pas, d’ailleurs lui-même ne sait pas grand’chose au stade de cet épisode, mais enfin, les jalons sont posés.
Et puis surtout, et c’est certainement l’aspect le plus intéressant du premier épisode de The Whispers, il semblerait que ces crimes ne se déroulent pas tout-à-fait par hasard, et une cible bien précise se dessine pendant le pilote. L’objectif de Drill est clairement d’aller plus loin que ces petits meurtres en milieu pavillonnaire, qui entre nous soit dit font frissonner le tout-venant mais pas le téléphage exigeant, et je dois dire que cet angle… Eh bien, cet angle n’est pas plus fascinant que le reste pour le moment, mais c’est celui qui a le plus de potentiel à l’heure actuelle. Et même si ça semble légèrement tiré par les cheveux, vu que tout le monde dans cette série semble plus ou moins lié, franchement, je pense que ça peut donner une escalade pas trop dégueulasse.

Reste à vérifier si The Whispers aura un plan un peu plus solide que les high concepts qui l’ont précédée à la télévision américaine, parce que soyons clairs, si c’est pour taper dans du The Event, c’est pas trop la peine non plus. Mais The Whispers a, on l’aura dit, une idée de départ qui est porteuse de vrai drame ; il ne tient qu’à elle, passé ce premier épisode, de l’exploiter pleinement. Son défi est aussi, et attention parce que là ça rigole moins, de trouver dans chaque gamin-devenu-assassin un jeune acteur toujours compétent, et ça c’est toujours un peu le coup de poker ; jurisprudence Believe.
Ça me fait penser, tout le monde est à jour, niveau contraception ?

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. mabo dit :

    Du coup tu vas continuer à la regarder ? Ca m’a l’air un tantinet too much et vu que les gens qui la font ont fait des trucs comme The River ça donne pas trop envie :p

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