I won’t let you out of my sight

31 août 2015 à 12:00

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Pour ceux qui avaient deviné, voici en effet, pour la troisième et dernière review de notre thématique spéciale dédiée aux séries des années 90 se déroulant à la plage : la review d’Alerte à Malibu. La seule et la… hm, comme on l’a vu, quasi-unique. Il y a en fait de fortes chances pour que cette série soit à l’origine de la création des autres, vu que d’une part, Alerte à Malibu est née en 1989 avant de durer pendant toute la décennie des nineties, mais en plus… je sais que ça fait parfois un peu de peine à l’admettre, mais… ce fût un énorme succès.
Ce que rappellent rarement vos livres d’Histoire téléphagique, c’est en effet qu’Alerte à Malibu a été une franchise passablement lucrative, vendue dans plus de 140 pays. A une époque pré-internet où il était rare que toute la planète regarde la même série, les producteurs estimaient dés 1993 qu’en moyenne 1 milliard de spectateurs dans le monde suivaient la série chaque semaine (juste… pas forcément les mêmes épisodes), éclipsant la popularité de Dallas. Et ces estimations sont jugées basses aujourd’hui ! Par-dessus le marché, Alerte à Malibu était aussi l’un des derniers succès de la syndication, où la série avait trouvé refuge après que NBC l’ait annulée au bout d’une saison (des têtes ont dû tomber). Après elle, les séries nées en syndication n’ont jamais plus connu son succès international… ou même sa longévité sur le sol américain (10 saisons ! dont 5 pendant lesquelles la série était rediffusée en syndication entre deux inédits !). En termes de spectateurs, elle est la troisième série de syndication la plus regardée de l’Histoire… 2 séries de la franchise Star Trek occupant naturellement les première et deuxième places.

Bref, Alerte à Malibu, pour tout le mal qu’on peut penser de son contenu, était un phénomène historique à bien des égards. Pas le genre qu’on veut nécessairement exposer dans un musée, mais un morceau de notre patrimoine télévisuel qu’on ne doit malgré tout pas oublier.
Cela dit, soyons francs, vous êtes là aujourd’hui pour la plage, les vagues et les bikinis, peut-être un peu la nostalgie aussi, et c’est quand même surtout de ça dont on va parler.

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Pour être sincère, lors de la diffusion sur TFHein, j’avais vu plein d’épisodes (pas le pilote, mais plein d’autres). Et pendant plusieurs saisons vraisemblablement, puisque je me rappelle que ma sœur était fan de Shauni et qu’elle avait regretté amèrement son départ. Et pourtant en découvrant le pilote de cette série que je pensais connaître, je n’ai pas reconnu beaucoup de têtes : Shauni est là, certes, mais c’est à peu près la seule. Oh, non, bien-sûr : Hasselhoff est de la partie. Mais étonnamment, il ne se met pas en avant autant que dans mon souvenir non plus (en fait, c’est parce qu’une fois arrivé en syndication, il est devenu producteur exécutif).
Pour ma défense, même internet a la mémoire courte : le cast de cette première saison est un peu passé à la trappe ; l’effet Pam Anderson, sans aucun doute.

Alors récapitulons : il y a évidemment Mitch Buchannon, un sauveteur qui dans le pilote vient d’être promu lieutenant, et passe de la plage à un bureau. Il doit en outre faire  le deuil de sa vie familiale, alors qu’il sort à peine d’un divorce et que la garde de son fils Hobie est encore un sujet épineux.
Au sein de son équipe, on trouve Craig, un avocat qui travaille également comme sauveteur (l’occasion d’apprendre que les sauveteurs sont comme les pompiers volontaires, et que ce n’est pas une profession à plein temps pour tout le monde ; vous voyez ? Alerte à Malibu est pédagogique !). Il y a aussi Al, un vieux de la vieille qui approche de l’âge de la retraite forcée, mais que la hiérarchie voudrait mettre au placard bien avant. Jill est la seule femme du lot, ce qui l’exonère d’avoir besoin d’un background ou une histoire personnelle. Mike n’a pas non plus d’histoire en particulier, mais comme il est incarné par un vrai sauveteur et pas un acteur, ça s’explique différemment.
Le pilote est, assez classiquement, l’occasion d’introduire de nouveaux personnages qui permettent ainsi d’être un peu didactiques. Ces deux nouvelles recrues sont Eddie, un type sombre qui va passer l’épisode à faire la gueule (voire carrément se montrer déprimant), et la sus-nommée Shauni, une jeune Californienne qui adore la plage mais n’est pas assez mature pour travailler en tant que sauveteuse. L’épisode soulèvera par le biais de son intrigue, sans y donner de réponse, de douloureuses questions sur le système de recrutement et de formation des sauveteurs.
Par-dessus le marché, une plage privée voisine vient d’engager un nouveau sauveteur, un Australien du nom de Trevor, qui est un petit connard. Pardon je suis méchante. On avait dit pas le physique : un connard.

Enfin, « pas le physique ». Si on veut. Parce que l’épisode est naturellement truffé de maillots de bains. Et attention, on est fin des années 80, je vous parle de vêtements qui n’en ont que le nom : très échancrés, à la limite du string, et aussi minuscules que possible. Si ce n’était pour les couleurs pétantes, on ne saurait même pas qu’ils sont là.
Ce sont clairement eux les stars du shows, et même pendant les scènes où il se passe des trucs, la camera va tout d’un coup se prendre 2 minutes pour faire un détour et aller regarder ce qui se passe sur la plage. Où comme par hasard tout le monde est jeune et conventionnellement beau (je n’ai trouvé qu’une vieille femme et quelques bébés sur la fin). Même quand Hobie est à la plage avec des amis, il faut qu’une adolescente de 13 ans enlève le haut de son bikini pour se faire tartiner le dos de crème SPF 712.
En parlant de ça. Vous vous souvenez de la fois où des Américains se sont étranglés d’épouvante quand Janet Jackson a découvert un bout de téton ? Et encore, pas vraiment, puisqu’elle portait un cache-téton. C’était en 2004 et les draps de la FCC s’en souviennent. Eh bah il faut croire que ces mêmes Américains avaient fort commodément oublié que dans le premier épisode d’Alerte à Malibu, en primetime, on en voyait, des tétons. Deux paires, en fait, dont la première pendant les 10 premières minutes.

Ce qui m’amène à une constatation plus générale : Alerte à Malibu pue. La première séquence pendant laquelle une femme tombe le haut est en fait, au début du pilote, lorsque les personnages arrivent le matin dans les locaux des sauveteurs, et que plusieurs d’entre eux (uniquement des hommes, naturellement) utilisent la longue-vue du boulot pour mater le photoshoot d’un mannequin sur la plage. Tout ça en sifflant, éructant, encourageant, et ainsi de suite. La situation est traitée comme entièrement normale : Alerte à Malibu considère que son public en ferait autant. Les scénaristes se disent sûrement que devant leur poste de télévision, les spectateurs vont se prendre pour le loup de Tex Avery en voyant les épisodes ; comme je le disais ça pue. Plusieurs fois pendant le pilote, par la suite, les remarques vont se succéder autour de la même idée : les filles sont jolies, donc je les regarde et, surtout, je le fais bien savoir. Eh bah, euh, on est contents pour toi ?
Ajoutons à cela le rôle restreint des femmes dans l’épisode, et franchement pas la gloire. Liste exhaustive : une ex méchante, une folle-dingue morbide, une sauveteuse incapable (mais toujours montrée dans des fringues minimalistes), une autre qui ferme sa gueule la plupart du temps et finit par devenir la mère de substitution de la précédente, et une épouse victime d’une tentative de meurtre. J’oublie quelqu’un ? Pas vraiment si on s’en tient aux personnages qui ont un nom. Il y en a quelques autres, bien-sûr, notamment une femme que Trevor reluque pendant de nombreuses minutes (cessant totalement de surveiller sa place), puis qui se noie ; Trevor la sauve (en mettant en danger un tiers), et se dépêche de l’amener dans un bungalow privé pour la faire boire et coucher avec dans le même mouvement. Je.
Il ne s’agit donc pas simplement de « tits & ass » dans Alerte à Malibu : c’est toute l’attitude de la série qui est dérangeante dans ce pilote.

Et encore, c’est pire par la suite. Dans une interview datant 1993, Hasselhoff explique le processus créatif de la série : après que le budget ait été diminué de moitié à cause du passage de NBC à la syndication, il manquait des minutes. Du coup, « on n’avait plus de script, alors on tournait un montage et on revenait avec des plans langoureux de l’anatomie de certains membres du cast. La presse s’en est aperçue, mais les gens qui regardent la série n’ont rien dit. Les mecs disent, hey, belles plantes. Mais c’est juste les mecs« . Belle attitude.
Dans cette même interview, Hasselhoff se compare à Michael Landon. Ça devait fumer sévère sur ce tournage.

Il faut ajouter que, là où Pacific Blue quelques années plus tard donnera dans l’esthétisme, dans la carte postale, dans le « euh ouais elle est en bikini mais je filmais les graffitis en contreplongée derrière elle », Alerte à Malibu n’a que faire de l’esthétisme. La réalisation est, pour l’essentiel du pilote (ai-je mentionné que lui aussi était d’une durée double ?), scolaire et sans imagination. Les quelques pauses bikinis sont à peine mieux. L’épisode inclut aussi quelques pauses « hé regardez, un sauveteur courageux sur la plage », légèrement plus travaillées ; d’ailleurs beaucoup de ces plans finissent par se retrouver dans le générique. Mais c’est bien tout. C’est très pauvre. Pas autant qu’Agence Acapulco, mais comme on l’a vu hier c’est pas franchement un critère.

Reste que pour tout le mal qu’on pense résolument de son contenu, la preuve par l’exemple, Alerte à Malibu remplit sa mission. 99,9% de l’épisode se passe sur une plage, sans complication aucune. Certes les intrigues sont tirées par les cheveux, bon. Par exemple, Craig sauve une très jeune femme qui tombe amoureuse de lui, le poursuit de ses ardeurs, prétend avoir couché avec lui devant sa femme, accuse son père de la violer, et tente de tuer la femme de Craig… en moins de 48h ! En même temps je vous accorde que c’est Mädchen Amick.
Mais qui s’en soucie ? Alerte à Malibu se vautre dans le soapesque (avec une pointe d’afterschool special) avec délice, parce qu’au point où on en est, allons donc. Et puis au moins, on ne peut pas, mais alors pas du tout, accuser Alerte à Malibu d’être une série à prétexte, vu le soin qu’elle met à décrire des retournements de situation que même un téléfilm de Lifetime jugerait trop alambiqués.

Pour se vider la tête pendant les derniers jours d’été, passe encore. Mais demain, septembre commence, et avec lui le retour aux choses sérieuses. Nan mais.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. Toeman dit :

    Sacrée série, j’ai beaucoup ri en lisant cette review, alors que dans le fond, ce que tu soulignes n’est pas vraiment drôle, c’est même assez embarrassant, ce succès. Je regardais quand je tombais dessus, mais à part la jeune blonde qui avait peur de l’eau et qui, en la voyant toute verte, ne faisait qu’amplifier ma propre phobie, j’ai que très peu de souvenirs. Je me suis toujours demandé (et limite, je criais devant ma télé) « Pourquoi DIABLE veux-tu être sauveteuse, pars, fuis, fais autre chose, t’es stupide ou quoi ?! » Ça n’avait aucun sens pour moi.

    Merci pour cette petite plongée (ah ah) dans les 90’s, j’ai adoré !

  2. whisperintherain dit :

    Alors curieusement, j’ai l’impression que je me souviens mieux de la première saison que de la suite. Pourtant, je pense avoir regardé les années avec Pamela Anderson, Yasmine Bleeth, Alexandra Paul et David Charvet les rares dimanches où j’étais devant la télé à l’horaire de diffusion et non sur le chemin du retour de chez mes grands-parents. Par contre, je suis sûr et certain que je n’ai jamais vu la saison dont est issue la cast pic qui illustre l’article, les épisodes avec David Chokachi et Gena Lee Nolin. Assurément pas une grosse perte.

    Bref, du début de la série, il me reste des souvenirs de Craig (Parker Stevenson, qui a ensuite fait un bref passage dans Melrose Place), de Trevor (le sosie de Simon Baker) et de cette pauvre Jill qui mourut tragiquement tuée par un requin à la fin de la première saison. Cétait Brandon Call qui jouait Hobie au début et sa mère, l’ex-femme de Mitch, était incarnée par Wendie Malick. Shauni et Eddie étaient supposément le couple phare de la série mais je les trouvais agaçants au possible.

    Quand je te lis, ça me met quand même assez mal à l’aise de penser qu’en France, la série était diffusée dans une émission jeunesse animée par Dorothée. Vu les « valeurs » qu’elle véhiculait, c’était pas franchement le cadre le plus adapté.

    • ladyteruki dit :

      Oh absolument, c’est un festival de visages connus ! A ta liste et à Mädchen Amick il faut aussi ajouter une brève apparition de Brian Austin Green et de Kellie Martin (dans une même scène). 😛
      Shauni est dans le pilote sans arrêt en train d’aller vers Eddie, et Eddie est là genre, « whatevs, you stupid blond Californian ». C’est vraiment pas une dynamique qui suinte le romantisme.

      Je pense que la croyance que la série abordait des sujets « sociaux » (ici on a par exemple le viol/inceste, l’auto-mutilation, etc., plus tard il y a des trucs comme la boulimie, la violence conjugale, et plus encore) permet d’avoir l’impression d’être pédagogique pour la jeunesse ; c’est l’effet afterschool special que je mentionne. C’était jugé inoffensif voire bénéfique. Et puis, on était aussi dans une autre culture par rapport au corps des femmes (les Coco Girls étaient des habituées du primetime dans les années 80), les féministes n’avaient que peu ou pas de moyen de protester contre ce genre d’objectification télévisuelle, et résultat c’était une norme. Du coup ça semblait pas grave du tout, et même tout public. Autre temps, autres mœurs, résolument.

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