Retour à l’envoyeur

15 octobre 2015 à 21:32

Les temps sont durs et ça fait plaisir que des séries en parlent ; et pour trouver des séries qui abordant des réalités modernes, il n’est pas exagéré de dire que le Québec est une destination toute trouvée.
Au Québec, bien souvent, place au réalisme, à la proximité ; les scénaristes s’inquiètent de « parler vrai », et pas juste de donner dans l’escapisme. Du coup quand un pitch tourne autour de personnages à court d’argent, personne ne se met à trafiquer de la méthamphétamine (Breaking Bad) ni de l’herbe (Weeds), à faire le gigolo (Hung) ni à donner des massages (The Client List), ou même à se lancer dans des combats de boxe illégaux (Lights Out). Non, on fait ce que les vrais gens font : on rentre la queue entre les jambes vivre chez papa-maman. C’est pas moi qui le dis, c’est les statistiques. Il y a même un surnom pour ça : la « génération boomerang ».
Et donc ce soir on parle du pilote de Boomerang.

Boomerang-650

Non que ce soit une évidence pour Patrick et Karine : après la fermeture de leur restaurant, qui a coulé à peine ouvert, ils passent plusieurs nuits dans leur voiture avant de tenter un peu de couch-surfing. C’est évidemment invivable et de toute évidence, il leur faut penser un peu plus loin que la prochaine nuit s’ils veulent remonter la pente, même si pour le moment ils n’ont dit à personne quelle situation est la leur.
C’est alors que Karine (qui était dans une pharmacie pour acheter un test de grossesse, comme si la situation n’était pas assez critique) tombe sur sa petite sœur, Stéphanie, et découvre que leurs parents partent pour une semaine de vacances au soleil, laissant la maison familiale vide. Une semaine sans s’inquiéter de savoir où ils vont dormir ? Patrick et Karine se dépêchent d’investir les lieux en leur absence.
Manque de chance, le vol des parents est annulé… et la vérité est bien forcée d’éclater au grand jour.

Boomerang aurait pu être une simple comédie dans laquelle deux couples doivent cohabiter l’un sous le toit de l’autre (un peu du genre de Cuckoo), mais soucieuse d’aller au-delà des situations difficiles engendrées par cette promiscuité, le premier épisode prend à cœur de décrire les affres dans lesquelles Patrick et surtout Karine se voient plongés. La série prend ainsi le temps de poser un ton plus amer qu’humoristique à proprement parler. C’est précieux parce que ça laisse aux personnages le temps de s’installer, ce qui aurait pu facilement passer à la trappe pendant cette exposition de leurs malheurs.
De façon plus subtile encore, Boomerang dessine les contours de dynamiques interpersonnelles touchantes : le tandem Patrick-Karine, qui forment une excellente équipe quand bien même celle-ci vient de couler une affaire de 80 000 dollars (canadiens, s’entend) ; le binôme Monique-Pierre, des parents assez stricts et qui passent le plus clair de leur ensemble à se critiquer ; et le difficile duo Karine-Stéphanie, deux sœurs que tout sépare et qui ont peut-être, dans ce tumulte, une occasion de se rapprocher pour la première fois. Si les parents n’ont pas forcément beaucoup d’occasion de sortir du stéréotype (ils n’ont vraiment qu’une seule scène pour briller, cela dit), la relation entre les deux sœurs s’avère prometteuse, et surtout l’équipe que forment Patrick et Karine a d’excellents moments. On les sent soudés et complices, et cela permet à la fois de garder un peu de légèreté pendant les scènes montrant leurs soucis, et de poser des enjeux plus complexes lorsqu’une grande engueulade va faire sortir quelques vérités difficiles : ce qui fait qu’ils fonctionnent bien, c’est qu’ils s’aiment, qu’ils se reposent l’un sur l’autre et qu’ils sont, en fait, autant amis qu’ils sont mariés ; mais cela ne les empêche pas d’avoir leurs défauts, et la scène pendant laquelle Patrick apprend que Karine est peut-être enceinte est parfaite de ce point de vue.

Osons le dire : le grand déballage pendant lequel les cinq protagonistes de Boomerang mettent à nu à la fois les problèmes financiers, mais aussi les autres difficultés, est la raison d’être de ce premier épisode, entièrement tendu vers ce clash. D’ailleurs une fois cette séquence passée, la tension retombe même un peu trop, tant il est supérieur aux autres passages de l’épisode.
A elle seule, cette scène-chorale est une excellente promesse quant aux épisodes futurs de Boomerang ; elle dévoile à la fois des « secrets » que chacun cachait ou en tous cas, prenait soin de ne pas avoir besoin de dire à d’autres, et en même temps met ses personnages en situation de vulnérabilité, tout en s’autorisant quelques pointes humoristiques. Tout le potentiel de Boomerang semble concentré dans cette immense engueulade, et ça donne vraiment envie de voir comment ces dynamiques vont évoluer, parce que c’est incroyablement fluide, humain, et énergique. Tout ce qu’une série sur un sujet social devrait être, qui ne perd jamais de vue ni ses personnages, si les richesses de son ton « dramédique », ni la difficulté du sujet. Tout ce qu’une série devrait être, point.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Toeman dit :

    Je viens de regarder le pilote que j’ai a-do-ré. La série s’annonce d’une fraîcheur folle et d’un authenticité rare.
    Je suis tout de suite tombé sous le charme du couple central, les deux forment vraiment une belle équipe, ils sont touchants, amusants et d’un optimisme réconfortant. Ce pilote, malgré des sujets graves et cette scène de déballage de linge sale, respire la bonne humeur. J’avais incroyablement besoin de ça.
    Qu’est-ce que ça fait du bien de découvrir ce genre de séries.

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