You gotta have faith (oh, do I now ?)

16 décembre 2015 à 22:18

Revoir un vieux pilote de série peut avoir plusieurs avantages. Ce geste peut nous rappeler combien on avait aimé une série vite écourtée (et/ou quasiment effacée de la mémoire collective). Il peut aussi nous permettre d’obtenir un peu de variété à un moment où on ressent une lassitude quant aux séries du moment. Et puis parfois, il peut nous rappeler combien la société a changé en l’espace de quelques années.
Retrouver le premier épisode d’Eli Stone appartient à cette dernière catégorie. La série légale, dont le pitch autour des questionnements spirituels a favorisé quelques séquences fantaisistes, démarre en effet sur une affaire bien spécifique, dont les conclusions sont un peu dérangeantes aujourd’hui.

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Eli Stone est un avocat qui a intégré une grande firme, qui s’apprête à épouser la fille de son patron, et à qui tout réussi. Tout, sauf qu’un jour, il commence à voir George Michael chanter dans le hall de son immeuble d’affaires ou sur la table basse de son salon. Au même moment, une affaire qu’il semblait sur le point de gagner facilement prend une étrange tournure, quand la plaignante décide de l’engager pour la représenter… alors qu’il était avocat de la défense jusque là. Tandis que les hallucinations d’Eli se succèdent, allant jusqu’à mettre sa vie en danger, notre avocat tente de trouver de l’aide auprès d’un acupuncteur recommandé par sa secrétaire, et par une série de flashbacks, est ramené à des souffrances anciennes. Mais ces mêmes flashbacks lui font aussi réaliser que la plaignante n’est nulle autre que la jeune femme avec laquelle il a vécu sa première expérience sexuelle ; il est également touché, progressivement, par les circonstances personnelles dans lesquelles la plaignante se trouve, il décide d’accepter de la représenter.

Dans le flou artistique de ce pilote, qui part dans plein de directions à la fois, Eli Stone est un peu gênante à regarder aujourd’hui car ce procès concerne en fait… des vaccins qui causeraient l’autisme. Parce que l’épisode met face à face une mère seule contre tous, et notamment contre une grande compagnie pharmaceutique représentée par un riche cabinet, l’intrigue met en place, avant même qu’Eli ne se voit proposer de la représenter, une dynamique de « David contre Goliath ». Le langage très émotionnel de la mère est supposé pendant une bonne partie de l’épisode balayer du revers de la main l’absence totale de preuves sur la nocivité prétendue du vaccin, et c’est ce qui convainc Eli Stone d’accepter l’affaire (ainsi que la suite d’hallucinations/coïncidences), au lieu des faits. Ce n’est que vers la toute fin de l’épisode qu’un rapport interne ex machina va soudain permettre à l’avocat d’avoir de la matière pour contre-attaquer, mais même au-delà, c’est le concept de « foi » qui sera le pivot de sa plaidoirie.
Bien-sûr, la fin du pilote s’achève sur un joli petit panneau noir indiquant que « ceci n’est que fiction », mais force est de constater qu’après la démonstration d’une heure qui le précède, cet avertissement est plus une façon de dire « perché ! » qu’un rappel à la science ou même la logique. Un panneau qui d’ailleurs a été la solution trouvée par ABC pour contrer le tollé rencontré par la thématique de ce pilote sans avoir à déprogrammer cet épisode hautement introductif.

Après les débats « vaccin VS autisme » de ces derniers temps (essentiellement aux USA), ravivés par quelques épidémies faisant leur comeback et l’insistance têtue de la science à ne pas prouver que les vaccins sont responsables d’une condition dont on sait encore si peu de toute façon, revoir Eli Stone laisse un goût étrange dans la bouche. Son inexactitude ne serait pas si problématique si le reste du ton de la série ne manquait pas autant de rigueur ; après tout, je suis sûre que si on ressortait des épisodes de L.A. Law ou même The Practice, mettons, on trouverait des situations similaires : la société évolue, nos connaissances aussi, et l’obsolescence de certaines intrigues est inévitable.
Mais le problème est qu’Eli Stone est une série dont le propos-même est explicitement que deux explications existent pour tout phénomène : scientifique (Eli découvre qu’il a un risque élevé de rupture d’anévrisme, d’origine héréditaire, et que c’est sûrement la cause de ses hallucinations) ou divine (et dans ce cas, the sky’s literally the limit). La série fait preuve d’une insistance à mettre en scène une foi qui défie la logique et les connaissances scientifiques, au lieu de cohabiter avec elle. Pas franchement le travail d’une fiction laissant la place au doute, en fin de compte, mais plus à la remise en question de « ce qu’on croit savoir ».

Peut-être que ce n’est pas tant la société qui a changé, dans le fond, que mon regard sur Eli Stone. J’aimais bien cette série lorsqu’elle a démarré (en fait, j’étais curieuse quant à son pitch avant même qu’elle ne débute) et j’aimais bien sa façon de mettre côte-à-côte ces deux façons de penser.
Mais avec le recul je découvre qu’elle était plus péremptoire que je ne l’avais cru, et qu’elle posait en fait un jugement très définitif sur son sujet, avec une vision des choses très binaire, et orientée. Pas franchement ce que j’ai envie de trouver dans une série qui dit s’intéresser au spirituel.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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