Happy end

22 décembre 2015 à 16:18

L’Humanité n’est encore qu’une enfant. Immature, elle se lance dans des conflits sans fin et carnassiers, elle pollue sa propre planète, elle laisse les siens mourir de faim et de maladies ; autant de phénomènes qu’elle devrait mettre toute son énergie à stopper. Mais non, rien à faire. L’Humanité n’est pas raisonnable. Alors, quand les Overlords arrivent un beau jour, et décrètent pouvoir aider ladite Humanité à prendre de meilleures décisions et à vivre mieux, naturellement… on les regarde avec un œil suspect.

Nous aider à aller mieux ? Il faut vraiment être des monstres pour avoir de telles idées ! DES MONSTRES QUI VEULENT NOUS DÉTRUIRE !

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Dans Childhood’s End, les humains ont regardé trop de séries de science-fiction ; ils sont convaincus que les extraterrestres sont forcément armés de mauvaises intentions… même quand leurs actions prouvent le contraire. Le moins qu’on puisse dire, c’est pourtant que les Overlords, et en particulier Kerellen qui est responsable des opérations sur Terre, sont très précautionneux. Entre le choix d’un émissaire pour les représenter sur Terre, qui se porte sur un homme fondamentalement pacifiste et raisonnable (Ricky Stormgren, un simple fermier du Midwest), la décision de ne pas se montrer au grand jour en sachant que leur apparence pourrait faire peur, ou encore leurs multiples efforts pour apaiser les conflits de la planète à peine arrivés, les Overlords prennent absolument toutes les bonnes décisions. Le fait est que Childhood’s End ne montre pas toujours comment ces décisions sont appliquées (on apprend que soudain Israéliens et Palestiniens s’embrassent dans les rues de Jérusalem, mais on ne comprend pas ce qui les a motivés à enterrer leurs griefs), mais on ne peut pas nier leurs effets positifs, à court et à moyen terme.
Honnêtement, le blâme en revient à la série elle-même. En faisant le choix de donner, encore et encore, la parole à ceux qui nourrissent des doutes, la série semble insister sur l’angoisse qui étreint les humains suspicieux, quand bien même elle persiste à ne leur donner aucune raison de l’être. La mini-série va ainsi s’intéresser à Hugo Wainwright, un journaliste qui devient la figure de proue d’un mouvement contestataire voire terroriste ; à Peretta Jones, une femme éminemment croyante qui craint pour sa religion mise ainsi en péril ; à Milo Rodericks, qui s’inquiète de l’épanchement soudain de la soif de connaissances de l’Humanité. Même auprès de Ricky Stormgren, une voix un peu dissonante entretient la méfiance, celle de sa fiancée Ellie. Ces personnages vont, sans cesse, poser des questions auxquelles Childhood’s End semble pourtant avoir répondu d’emblée : les Overlords ne nous veulent pas de mal.

Très honnêtement, je crois que n’ai pas compris Childhood’s End. L’insistance de la mini-série à dépeindre les multiples formes de la paranoïa, tout en rassurant en permanence Ricky Stormgren (en première ligne pour voir, au propre comme au figuré, qui sont les Overlords), m’a un peu perdue en route. Faut-il vraiment s’inquiéter des intentions d’êtres qui poussent l’Humanité à vivre ses plus belles années ? Qui font vivre chaque humain un peu voire beaucoup mieux, qui stoppent les guerres, qui mettent fin à la famine, qui apportent de l’eau dans les déserts (bon là je crains que la biodiversité n’ait un peu souffert, mais admettons) ? Qui prennent mille précautions pour ne pas nous choquer ?
Chaque fois que les choses semblent aller bien, la série introduit une nouvelle raison de s’inquiéter. Notre foi est en péril, nos enfants ne sont plus très normaux, notre science ne progresse plus. Et, bon, effectivement, les Overlords ont le visage du Diable (si vous croyez que le Diable existe, naturellement…). Mais tout le monde mange à sa faim, plus personne ne vit dans la détresse, les maladies ont pour l’essentiel été guéries, et l’Humanité vit son âge d’or, alors dans le fond, ces sacrifices ne sont-ils pas utiles ? Qu’avons-nous besoin de faire progresser la science dés lors que nous pouvons tous être heureux avec ce que nous avons ? Nous n’avons même plus besoin de travailler pour se nourrir, il est techniquement possible de vivre toute sa vie en n’ayant que des séries à regarder à longueur de journée, alors, elle est pas belle la vie ? Osez me dire qu’elle est pas belle la vie ! Bon techniquement il semblerait que la paresse envahisse les humains et qu’ils ne regardent même plus de films en-dehors de New Athens, mais cette étrangeté n’est pas très bien expliquée, et je persiste à penser que si ça arrivait demain, je consacrerais ma vie à regarder des séries.

Lorsque finalement, dans le dernier volet de la mini-série, il apparait que cet âge d’or sera aussi le dernier, je n’ai éprouvé aucun effroi. Si l’Humanité est vouée à disparaître… cela est-il une si mauvaise chose ? Dans la logique de Childhood’s End, les enfants des Hommes vont connaître une ascension vers un plan meilleur, intégrer une conscience collective qui va continuer d’apporter la paix dans l’univers et qui va poursuivre ses efforts pour arrêter l’autodestruction de planètes, à leur tour. Quant aux adultes ? Oui, bien-sûr, ils vont disparaître : et alors ? Même quand on leur envoie des Overlords, ils persistent à s’accrocher aux injustices, à l’irrationnel, à la violence, à la folie. Franchement, entre les laisser s’autodétruire ou programmer leur extinction, quelle différence ? La fable de Childhood’s End ne me dit pas quel est le problème.

Vous l’aurez compris, les doutes de Childhood’s End ne m’ont pas plus émue que ça. Deux possibilités : soit j’ai fondamentalement mal compris la « morale » de l’œuvre (j’avoue en outre n’avoir pas lu le roman d’origine), soit je suis en paix avec la perspective de la fin de l’Humanité. Voire les deux…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Mila dit :

    Venant tout juste de finir le roman, et m’étant souvenue qu’il y avait eu une adaptation télé (que je compte regarder bientôt), je suis venue voir un peu ce que tu en disais, et c’est marrant comme, d’après ton article, la série semble vraiment prendre le roman sous un tout autre point de vue (et je précise: je viens pas en mode « non mais faut lire le livre » pour « défendre » la série, vu que je suis ferme partisane du « une adaptation doit se tenir toute seule » et, surtout, que je l’ai pas encore vue… j’avais juste envie de dire des choses, comme ça :D). Je n’ai jamais vraiment eu le sentiment que Childhood’s End, le livre, me demandait de m’inquiéter. Il est plein d’une certaine tristesse tandis qu’on regarde s’éteindre une race qui (à la toute fin) se sait sans futur, mais il ne présente pas ça comme quelque chose d’inquiétant, j’ai même eu le sentiment qu’on était censé trouvé ça presque beau, « in the grand scheme of things » (je suis désolée, j’ai le cerveau pourri de fatigue, donc tu m’excuseras l’anglais au milieu … n’est-ce pas ? T.T)

    Après, pour ce qui est de l’avancée de la science, je pense que le roman, lui, voulait simplement parler de la nature humaine dont il estime que la curiosité et l’envie d’aller de l’avant sont en partie la définition, si bien que quand on l’en prive, l’humanité stagne et se « nécrose » plus ou moins. Mais encore une fois, je suis surprise par le  » il semblerait que la paresse envahisse les humains et qu’ils ne regardent même plus de films en-dehors de New Athens », parce que justement dans le roman, les hommes passent de plus en plus de temps devant leurs écrans, devant la télé surtout. Lol, il y a même ce moment magique où un personnage s’horrifie que le temps de télé d’un être humain est grimpé à 3h par jour à présent, et où j’ai rigolé en me disant « il aurait kiffé Netflix, ce monsieur ». Ce qui est déploré, en vérité, c’est l’absence de véritable création depuis que la race humaine ne connait plus de difficultés (la création, d’après le roman, naissant dans l’adversité, et un besoin de faire évoluer/changer les choses qui n’existe plus), et c’est pour cela que New Athens est créée.

    Bref 😀
    Tout ça pour dire qu’à te lire, j’ai le sentiment que la série et le roman sont deux oeuvres assez différentes, avec des personnages différents (Peretta Jones n’existe pas dans le roman, par exemple), et du coup, même si tu n’es pas très enthousiaste, et me fais un peu peur pour être honnête, je suis intriguée 😀 Merci pour l’article, comme toujours ♥

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