Ego stroke

18 janvier 2016 à 0:30

Quand on se retrouve devant une série du genre de Billions, on a l’impression d’avoir affaire à une « grande » série. Une de ces séries exigeantes, raffinées, intelligentes. Après tout on y parle de Wall Street, et vous, spectateur, êtes suffisamment intelligent pour comprendre les subtilités de cet univers où se mélangent argent, ego, pouvoir. Tout s’y déroule dans des décors fastueux, entre gens riches et bien éduqués, et ma foi, n’est-ce pas là la preuve qu’on a droit à de la télévision d’excellence ? Et puis ces personnages sombres, rongés d’une ambition prête à les détruire mais que rien ne peut éteindre, et qui vont s’affronter sous nos yeux, c’est bien la marque de fabrique des grandes fictions télévisées de notre temps. Il y a aussi un peu de sexe, bien-sûr, légèrement décadent mais pas trop, parce que nous ne sommes pas vulgaires, mais nous aimons quand le sexe n’est pas non plus effarouché.
Billions promet d’être une série exigeante, raffinée, intelligente… un peu comme vous, spectateur.

Billions-650

Derrière cette façade d’appeau à spectateur de bon goût, Billions peine pourtant à offrir un lancement très excitant.
Pour toutes les raisons énoncées plus haut, ainsi que pour son cast irréprochable et sa réalisation léchée (mais après tout, on n’attend rien de moins), le premier épisode de Billions nous offre ce qu’on nous promet à demi-mots que cette fichue ère de la « Peak TV » va livrer au kilo : des séries pour une certaine sorte de spectateurs.
Mais si, vous savez : ces gens qui attendent un certain degré d’élaboration dans leurs séries, qui observent des personnages eux-mêmes bien sous tous rapports sur le papier… mais cachant des perversions secrètes, une ambition ou un quelconque vice qui nous permettent de nous sentir non seulement à pied d’égalité avec eux. Mais aussi un peu supérieurs à eux. Nous aimons ces personnages parce qu’ils ne prennent aucun risque. Ils personnifient à la fois le glamour (on aime !) et les poubelles du glamour (…on est pas obligé d’avouer qu’on aime) sans jamais nous mettre en danger. Ils sont riches. Bien-sûr. Ils sont extrêmement satisfaits d’eux-mêmes. Bien-sûr. Ils sont blancs. Bien-sûr. Ils sont des hommes. Bien-sûr (mais ne vous en faites pas, on va caser quelques scènes sur leur femme !). Raconter leur histoire n’apporte pas grand’chose si ce n’est la satisfaction de se dire qu’on a compris les méandres d’une affaire politico-juridico-financière (dont on ne nous livrera qu’un minimum de détails, surtout ne pas entrer dans le technique) qui sert de décor à l’affrontement de deux egos en or massif.
On n’aura rien appris sur rien au terme de l’épisode. On n’aura franchement pas été ému. On n’aura même pas vraiment eu besoin de trop réfléchir à l’univers dans lequel ces personnages évoluent. Mais est-ce le plus important ? Est-ce que la télévision sert vraiment à ça ?

Non : l’important c’est qu’à la fin de Billions, on prenne un air satisfait en se disant que ça c’est de la télévision de qualité, exigeante, raffinée, intelligente. De la télévision qu’on pourra dire qu’on a appréciée. De la télévision qui permettra de juger quel interlocuteur n’est pas exigeant, raffiné, intelligent, s’il ne l’a pas aimée. Elle n’aura rien changé sinon l’opinion que vous aurez eu de vos goûts télévisuels pendant 50 minutes. Et ça, c’est quand même le plus important.
Billions ; ce soir sur Showtime. Ne manquez pas une occasion de vous faire mousser par votre télé.

Article également publié sur le blog officiel de Séries Mania.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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