Dossiers en souffrance

18 novembre 2016 à 12:00

En dépit des apparences, je ne suis pas totalement butée ; il est vrai que je ne suis pas fan de séries procédurales (bien souvent par principe, je le reconnais), mais cela ne signifie pas que je suis totalement incapable de reconnaître quand une série décente voire de qualité me tombe sous les yeux. Cold Case fait partie des meilleures à avoir occupé nos écrans en ce début de siècle, période pendant laquelle, pourtant, le choix ne manquait pas en la matière, surtout dans le genre policier.

C’est que, Cold Case, c’était un peu plus que du procédural policier, justement. Un an avant Lost, c’était l’une des séries, a fortiori de network (car n’oublions pas Six Feet Under), qui avait le mieux compris les richesses du flashback… et qui était devenue, un peu, à sa façon, une fabuleuse série de voyage dans le temps, dans laquelle Lilly Rush repartait métaphoriquement dans le passé pour réparer les injustices commises. Et peut-être, au passage, apaiser quelques âmes.

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Dans le pilote de Cold Case, cet élément est très présent, et pourtant… pourtant Lilly Rush ne prend pas sa première affaire classée par conviction. Enquêtrice sur des cas d’homicide actuels, elle est sollicitée un jour, un peu par hasard, par une inconnue qui lui fait part d’une confession : elle a assisté au meurtre d’une adolescente… en 1976. En recoupant ce témoignage avec le dossier poussiéreux qu’elle trouve dans les archives de la police de Philadelphie, l’enquêtrice va se trouver happée par les faits mais aussi, voire surtout, les histoires individuelles des gens qu’elle croise en étudiant à nouveau cette affaire.

Dans mon souvenir, je dois avouer que les épisodes de Cold Case que j’avais vus m’avaient donné l’impression d’une immense entreprise d’empathie, personnifiée par son personnage féminin central. A ma grande surprise, en revoyant cet épisode, j’ai découvert que Lilly Rush n’est pas totalement irréprochable sur ce point ; elle a des phrases parfois un peu cassantes, une façon de ne justement pas faire preuve d’empathie dans la façon dont elle aborde certains interlocuteurs, alors même qu’elle ne les soupçonne pas forcément. En réalité c’est bien normal, pour deux raisons : d’une part ce n’est tout simplement pas son boulot, et d’autre part… d’autre part eh bien ses interlocuteurs vont parfois lui forcer la main.
Ainsi, Lilly est surprise que la mère de la victime ait pour premier réflexe de l’enjoindre à ne pas poursuivre l’affaire qu’elle vient de reprendre. Brièvement suspicieuse, puis simplement confuse, l’enquêtrice découvre vite au fil de leurs échanges que ce n’est pas que la mère s’y oppose, c’est surtout que la perspective de rouvrir les blessures du passé la terrifie. Rush est animée par une passion indéniable, un mélange d’espoir et de soif de Justice, et les conversations avec la mère de la victime la rappellent à d’autres réalités. Sans, bien-sûr, la couper dans son élan… Ce n’est pas la seule opportunité dans ce premier épisode pour Lilly Rush d’apprendre à écouter les vivants alors qu’elle s’est mise au service d’une morte. Au long de son enquête, elle va ainsi croiser l’adolescent qui jadis était épris de la victime, et qui aujourd’hui est un adulte qui semble continuer de souffrir du drame d’il y a 27 ans. Osons le dire, il y a un mépris certain dans la façon dont elle le traite de prime abord, mais la conclusion de l’épisode montre clairement que Rush a compris que ce n’était pas en jugeant les gens, mais en les écoutant, qu’on en obtenait le meilleur.
Alors oui, Cold Case est un exercice d’empathie, mais son personnage principal, peut-être parce que plus habitué aux homicides récents (et donc à des enjeux différents), n’en maîtrise pas encore les subtilités.

Le premier épisode de Cold Case met un point d’honneur à souligner les particularités de la réouverture d’un dossier vieux de près de 3 décennies. Une partie des nuances de ce type d’enquête servent un but tout-à-fait professionnel pour Lilly Rush : elle suggère ainsi que, les circonstances ayant changé, certains personnages pourraient s’avérer plus bavards que jadis devant la police ; comme il n’y a pas de risque de perte de preuves (d’autant que l’enquêteur de l’époque avait scrupuleusement tout consigné dans le dossier), cela peut être perçu comme un avantage certain. Cold Case s’est trouvé un merveilleux outil pour le souligner, qui est devenu l’une de ses marques de fabrique : la superposition des visages actuels et des visages des protagonistes au moment des faits. Les traits souvent creusés, chacun porte ainsi sur lui la preuve des larmes qu’on imagine versées pendant 27 ans, et des choix faits depuis le drame pour continuer à vivre.
Dans Cold Case, la preuve est en fait très secondaire : les éléments du dossier servent juste de point de départ pour une conversation, mais on n’est pas dans Les Experts et ce n’est pas une prise d’empreinte qui va subitement tout révéler. Tout dans Cold Case se joue dans les rapports humains, justement, dans ces fameuses conversations que Lilly Rush va avoir avec les proches de la victime, qu’ils aient été présents le soir du meurtre ou non. Il ne s’agit pas vraiment de faire du profilage non plus : on ne cherche pas absolument à comprendre qui était la défunte dans les moindres détails de sa personnalité. C’est plutôt que la connaissance de l’intime permet d’obtenir un accès, en quelque sorte, aux souvenirs des personnes qui peuvent permettre de tourner enfin la page, des souvenirs qui se présentent comme autant de flashbacks retraçant, de façon partielle et (implicitement) subjective, les faits passés. Il est bien souvent dans leur propre intérêt, pour panser des plaies ou simplement se décharger d’une part de culpabilité, que les témoins rencontrés s’expriment, mais cela ne signifie pas que cet accès est acquis d’avance pour l’enquêtrice. Ce n’est qu’en respectant leur parcours, leurs fragilités, leurs contradictions parfois, que Lilly Rush obtiendra la clé du dossier.

Cold Case est l’une des rares séries policières procédurales où c’est l’humain qui prévaut, qui est à la fois le but et le moyen.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. maxwell39 dit :

    Aaaahhh, qu’est-ce que c’était bien Cold Case. C’est là qu’on voit les bonnes sséries, elles sont appréciées par les fans du genre autant que ceux qui ont du mal avec. Parce que contrairement à toi lady, j’aime beaucoup le genre policier procédural (la franchise Law & Order, FBI, esprits criminels, CSI etc…), et c’est vrai que des cops show mettant l’humain en avant, on en trouve peu. Medium réussissait bien également dans ce domaine en faisant une belle place à la famille d’Allison Dubois, chose rare.

    • ladyteruki dit :

      Ah, Medium. Même moi qui ai du mal avec les procedurals j’ai regardé les 2 premières saisons sans faillir (ensuite c’est devenu un épisode de temps en temps). Allison et Joe étaient vraiment un super couple de série.

  2. maxwell39 dit :

    C’était une série presque autant familiale que procédurale… et comme j’aime les deux 🙂 Après, je reconnais que je me suis vite lassé également, j’ai du stopper après 3-4 saisons.
    De manière générale, je me lasse des cops shows autour du 100è épisode (Cold Case également, arrêté après 5 saisons). Y’a toujours des exceptions, Esprits Criminels que je suis epuis le début, les 15 dernières saisons de Law & Order, les 10 de Criminal Intent et j’en suis à la saison 16 de Unité Spéciale que j’adore.
    Je crois que vous en aviez parlé dans le sérieslive show, tu la suis toujours ?

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