Soul searching

20 avril 2017 à 12:00

Il y a environ une douzaine d’années, j’étais dans une très mauvaise passe : pas de job, pas d’entourage, plus de copain et du coup, sur le point de n’avoir plus de toit. Je n’avais personne vers qui me tourner. Un jour j’ai fini par faire ce qui semblait logique à quelqu’un ayant grandi devant les séries américaines : je me suis dit que j’allais entrer dans une église pour y trouver du réconfort. Je me voyais déjà au milieu des vitraux, des statues et des bancs de bois, trouvant en moi des ressources insoupçonnées qui auraient été révélées par ce lieu mystique. Peut-être même qu’un homme d’Eglise passant par là pourrait m’adresser quelques paroles sibyllines qui me donneraient l’impulsion nécessaire pour reprendre courage. Cette décision prise, je me suis donc rendue à l’église la plus proche, résolue à vivre une expérience qui me transcende d’une manière ou d’une autre.
C’était un sacré bon plan, à une nuance près : la petite église la plus proche n’était ouverte que deux jours par semaine, à des heures bien précises, et il fallait prendre rendez-vous avec la paroisse pour parler à quelqu’un. En arrivant, j’ai trouvé porte close. Le sentiment de désœuvrement que j’ai éprouvé devant cette porte fermée reste inégalé à ce jour.

Ce n’était pas la première fois que ma relation à la religion organisée m’a semblé n’être que rejet. Mais c’est l’expérience qui m’est venue à l’esprit pendant que je regardais, hier soir, les deux premiers épisodes de Herrens Veje / Ride Upon the Storm à Séries Mania.
Avant d’être l’expérience d’une série sur la religion, cette projection a en effet été pour moi une expérience de mon rapport à la religion. J’aime autant vous le dire, la review qui va suivre n’en est donc pas vraiment une : c’est plutôt la superposition de ce que le début de la série a suscité en moi, et de mon rapport à la religion.

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Herrens Veje (c’est son titre original danois) / Ride Upon the Storm (c’est son titre international et celui qui sera employé par le co-producteur arte au moment de la diffusion) se déroule dans une famille qui, depuis 250 ans, produit des religieux servant l’Eglise du Danemark. De père en fils, on y sert donc Dieu.
C’est toujours le cas de nos jours, et Johannes Krogh est justement à la tête de sa propre paroisse ; de ses deux fils se destinant à ce métier, l’aîné Christian a quitté le séminaire et mène désormais des études dans un tout autre domaine ; l’autre, Augustus, est en passe de devenir l’un des pasteurs les plus en vue du pays grâce à sa pratique moderne.

Dans Herrens Veje / Ride Upon the Storm, il ne fait aucun doute que la religion est quelque chose dont on hérite, ce que la série effleure pour le moment sans vraiment l’explorer. Mais cet héritage est loin d’être le mien, et voir cette famille vivre au rythme de la paroisse, de ses temps forts comme de ses rites les plus banals, m’a justement renvoyée à mon absence de repères. Serai-je capable de comprendre de quoi Herrens Veje / Ride Upon the Storm veut parler, elle qui se refuse à parler de foi et de spiritualité autrement que par le biais de personnage fervents ? D’après Adam Price, l’un des personnages secondaires de la série est athée, mais d’une part cela ne se sent pas pendant les deux premiers épisodes, et surtout je ne suis pas entièrement certaine d’être athée moi-même (it’s complicated).
Alors quoi ? Comment m’assurer que je suis capable de pénétrer un univers dont j’ignore tout des codes ? Et surtout, dont je ne comprends même pas la motivation centrale : la foi.

Cette clé m’a semblé me manquer pendant toute la projection, parce que chacune de mes émotions semblait plaquer mes idées à propos de la religion organisée sur une série qui refusait d’aller là où cela me semblait évident. Mes évidences ne sont pas celles de ceux qui ont un système de croyance autre. Mon échelle de valeur est modifiée. Ce qui me semblera bien ou mal, même, pourra être différent.
Comment regarder une série pour laquelle les outils de compréhension me manquent ? Comment aborder une série qui se déroule dans un monde où, idéologiquement, je n’ai pas mes entrées ? La porte était ainsi fermée devant moi, une fois de plus ; sauf que cette porte close n’était pas celle d’une petite église de Loire Atlantique, mais celle de mon église à moi, la fiction sérielle. La seule église dans laquelle je vais prier. La seule où d’ordinaire je vis des expériences qui me transcendent à intervalles réguliers.

Herrens Veje / Ride Upon the Storm m’est douloureux parce qu’en même temps que je me sais incapable de comprendre un grand nombre de choses profondes dans la foi et la religion, j’aspire à me baigner dans la spiritualité des autres. Mon rapport au divin est compliqué alors d’ordinaire, j’aime m’imprégner de celui d’autrui ; parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, mais au moins j’essaye d’utiliser les outils de la fiction, et a fortiori de la fiction feuilletonnante (comme l’attachement, par exemple) pour essayer de ressentir par procuration cette foi si phénoménale que d’autres ont. Tant de personnages de séries croient en quelque chose de supérieur ! Cette croyance a toujours fait forte impression sur moi. C’est un peu la raison pour laquelle je reviens régulièrement à la religion organisée quand bien même je n’arrive jamais à y trouver ma place, ni mes idées. La confiance inébranlable des croyants en leur(s) Dieu(x) est une source d’envie pour moi.

Mais Herrens Veje / Ride Upon the Storm m’a totalement échappé. Je ne savais pas quoi penser de Johannes Krogh, par exemple, dépeint tantôt comme l’un de ces croyants à la force intérieure imperturbable, tantôt comme un conservateur de la pire espèce rejetant tout ce en quoi je crois. A quel moment étais-je supposée me désolidariser de ce personnage ? Je n’arrivais pas à le dire. Je suis presque sûre que se désolidariser de lui est, justement, voulu par le premier épisode. Mais il est possible que je l’aie lâché plus tôt que ce que le scénario prévoyait…

Renvoyée à tous mes échecs sur ma capacité à trouver du réconfort plutôt que du rejet dans la religion organisée, je me suis trouvée devant Herrens Veje / Ride Upon the Storm comme paralysée. Quel personnage Adam Price a-t-il écrit pour que je l’aime, ou pour que je le comprenne, ou pour que je prenne son parti ? Est-ce normal que je ne sois pas capable de déterminer là où va la série, ou est-ce que cela vient de mes propres lacunes dans le domaine spirituel ? Comment puis-je m’interroger sur les limites d’une foi dont je n’ai connaissance que sur un plan strictement théorique ?
Est-ce mon vide intérieur qui m’empêche de comprendre le foisonnement chaotique de ces personnages ?

Dans le fond, peut-être est-ce la force d’une série comme Herrens Veje / Ride Upon the Storm : plus que nous raconter simplement une histoire, plus que de rester bêtement au niveau des personnages, il s’agit de nous interroger intimement sur notre rapport à la foi, à la religion, à Dieu.
Ou bien c’est peut-être ma faute, parce que plongée dans mes propres interrogations, je n’ai pas su entendre ce que la série disait. C’est très possible aussi.

De tout Séries Mania, Herrens Veje / Ride Upon the Storm est la série que j’ai eu le plus de mal à regarder puis à reviewer. Non pas à cause de ses qualités intrinsèques, mais parce que je ne me sentais pas la capacité de les juger puisqu’il me manquait des références. D’ailleurs je ne m’en sens pas vraiment le droit non plus, dans le fond.
La fatigue du festival n’arrange probablement rien à l’affaire, mais à l’issue de Herrens Veje / Ride Upon the Storm, je me suis dit que peut-être j’avais des choses à régler avec moi-même avant de me mettre devant une série interrogeant des choses aussi intimes que la religion. Ça tombe bien, il se passera encore quelques mois avant son arrivée sur DR et arte.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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