Lonely hearts club

10 juillet 2017 à 21:14

Parfaitement consciente que je ne vous délivre pas autant de reviews de saisons que je le devrais, je me suis enchaînée à mon bureau ce soir pour prendre le temps de vous écrire une bafouille sur Imposters, un thriller-slash-dramédie-slash-romcom qui, contre toute attente, m’aura vraiment charmée. Peut-être l’une des nouveautés les plus doucement futées de la saison, Imposters combine ses différents genres pour adopter une perspective unique sur les relations, notamment amoureuses (mais pas seulement), et leurs conséquences. Tout ça sans jamais oublier d’être drôle en diable, pleine d’énergie, et extrêmement bien conçue.
Vous le voyez, ce sont plutôt les chaînes de l’amour qui m’ont liée à mon bureau…

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A l’origine, Imposters commençait par la terrible révélation faite par Ezra Bloom, au 28e jour de son mariage, que la belle Ava l’avait quitté sans prévenir… mais sans oublier de le délester de la totalité de ses biens. Après avoir oscillé entre désespoir et paranoïa, Ezra avait fait la rencontre de Richard Evans, également sur la piste de la même jeune femme, qu’il avait épousée sous le nom d’Alice. Bien que totalement dépossédés de toute liquidité, les deux hommes s’étaient mis en quête de la fugitive.
Pendant ce temps, cette même jeune femme, portant en réalité le nom de Maddie, se préparait à se lancer dans une nouvelle arnaque avec deux complices. Tous les trois, employés par un mystérieux commanditaire appelé le Docteur, sont en effet loin d’en être à leur coup d’essai, et se dirigent cette fois vers Seattle pour s’attaquer au patron d’un établissement bancaire.

Mais dés son deuxième épisode, Imposters va beaucoup plus loin ; en fait, l’une des constantes de sa première saison (la deuxième est d’ores et déjà commandée) est sa volonté de rester perpétuellement en mouvement, et de se refuser à toute forme de routine. Coupons tout de suite court au suspense : Imposters est une série qui a une véritable vision d’ensemble de son intrigue, qui sait parfaitement où elle veut aller, et qui du coup souffre d’une profonde allergie à la répétition. C’est le genre de maladie que j’aimerais voir se propager ! Le credo des scénaristes semble être que, d’un épisode à l’autre, un personnage doit toujours avoir évolué et que sa storyline ne peut rester au même point.
Cela ne signifie pourtant pas, et je crois que c’est ce qui me charme le plus dans cette série, qu’Imposters cumule les rebondissements ; c’est plutôt que le character development est aussi fondamental dans sa démarche que l’aspect feuilletonnant de son thriller, au lieu d’en être un produit dérivé. Les frissons (assez relatifs vu qu’Imposters ne cherche que rarement à vraiment créer du suspense pur, et s’adonne peu au cliffhanger) ne monopolisent jamais le scénario, en tous cas pas au détriment de l’aspect dramatique. Venant d’une série qui s’amuse aussi beaucoup avec/de ses personnages et leurs interactions, cette richesse dramatique est même plutôt surprenante, tant de prime abord on pourrait penser qu’Imposters est « simplement » un divertissement léger, sympathique et rythmé. Mais au long des épisodes, tout cela parvient à s’emboîter avec fluidité ; en fait, c’est précisément quand Imposters joue principalement sur son aspect de thriller, dans le dernier épisode, que se décèlent ses quelques faiblesses.

Reste que la fluidité de la saison m’a impressionnée ; grâce à elle, Imposters a le temps de raconter PLEIN DE CHOSES. Plein. Ecoutez, je suis arrivée à la fin du 4e épisode, je me suis dit que certaines autres séries auraient tenu toute une saison sur cette intrigue, et on n’avait même pas dépassé la moitié… et voilà-t’y pas que le 5e épisode est venu complexifier encore plus les choses. J’ai pensé à mentionner que j’avais été impressionnée ? Impressionnée, vous dis-je.
Et hop, à partir de là je n’exclus pas de délivrer quelques spoilers ; continuez à vos risques et périls.

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Grâce à sa capacité à voir the big picture et à envisager les choses sur le long terme, Imposters transforme ce qui aurait pu être une simple course poursuite (Ezra se lançant sur la piste d’Ava/Maddie, les autres personnages étant principalement des instruments dans sa quête) en un véritable ensemble drama. Puisque l’important, c’est que les personnages progressent aussi bien intérieurement que dans l’intrigue, quasiment chacun va avoir droit à des scènes, parfois la quasi-totalité d’un épisode dédié, permettant aussi bien d’épaissir leurs motivations que d’orienter leurs décisions futures, et ça permet à certains épisodes de renforcer des protagonistes qui apparaissaient comme totalement accessoires, tel que Max (l’un des comparses de longue date de Maddie), de façon assez saisissante.
Il en devient extrêmement difficile de déterminer quels personnages on préfère tant chacun devient plus beau à mesure que la série avance ! Cependant, j’ai personnellement un faible pour Jules, elle aussi une victime de Maddie comme Ezra et Richard, qui a connu l’arnaqueuse sous le nom de CeCe et n’a jamais récupéré de l’échec de ce mariage factice, et dont l’amertume permanente peut aussi bien prendre un tour tragi-comique qu’exprimer une douleur puissante qui prend vraiment à la gorge. C’est, entre parenthèses, une super idée que d’avoir pensé à rendre les arnaques de Maddie totalement gender neutral.

Imposters va en fait, au-delà du seul personnage de Jules, explorer avec beaucoup de finesse les souffrances causées par le départ de Maddie pour ses divers ex-époux et épouse. C’est même dans ces moments-là, quand la série explore l’abandon, la trahison et la solitude, qu’elle parvient à capturer quelque chose de fin sur les relations humaines. Des relations bien souvent prises sous l’angle amoureux, bien-sûr, mais aussi dans le cadre des relations filiales, comme en témoigne l’épisode mettant l’accent sur la mère de Maddie, restée dans la ville natale de l’arnaqueuse et ignorant tout de ses manigances actuelles, mais tout de même en proie au dépit et à l’aigreur d’avoir été laissée par une fille qu’elle ne voit plus qu’une fois par an.
Quelle que soit la nature de la relation qui a été brisée, Imposters décrit combien le sentiment de rejet est profond ; la série explore comment chacun tente de se reconstruire après avoir été ainsi démoli. Là où Ezra a sombré dans la dépression (même si sa tentative de suicide du pilote est présentée « pour rire », elle n’en est pas moins vraie), Richard est devenu proactif, Jules s’est quasiment arrêtée de vivre, et ainsi de suite. A mesure qu’ils progressent, les 3 ex sont obligés d’aller de l’avant au propre comme au figuré, de composer avec la souffrance encore présente (démontrée via quelques très ponctuels flashbacks qui, sans alourdir trop la série, lui permettent aussi d’insister sur l’évolution de chacun), de s’obliger à affronter les choses. Vivre cette course-poursuite ensemble a de nombreux effets, et notamment de catalyseur pour traiter les émotions individuelles ; la création d’un « Maddie Code », pour déterminer ensemble d’une conduite éthique lorsqu’ils recroiseront la jeune femme, en est l’une des nombreuses expressions. Ezra, Richard et Jules passent par diverses phases, et finissent chacun à leur façon par se libérer d’au moins une part de leur douleur, quand bien même ce qu’ils ont jadis ressenti pour leur ex-femme ne disparaîtra jamais totalement, de leur propre aveu.
A cet angle s’en ajoute un autre : la propre déception amoureuse de Maddie qui, elle-même, contre toute attente, est tombée sous le charme d’un homme, Patrick… lequel s’avère décevant et menteur aussi, mais différemment. L’intrigue permet alors un renversement des rôles, et voir Maddie, déjà dépeinte comme un personnage complexe, se heurter à son tour à ce type de désillusion amoureuse, n’apporte pas satisfaction mais au contraire suscite l’empathie. Personne, dans Imposters, n’est immunisé contre ce type de tourments.

En un sens, Imposters a quelque chose d’anxiogène : nul n’y est immunisé face à la déception. Les enjeux financiers ruinent pas mal de choses, bien-sûr, mais pas uniquement ; au-delà de la simple question de l’arnaque, les personnages posent (parfois en des termes explicites, mais généralement de façon plutôt subtile) la question de savoir comment on peut accorder sa confiance à l’autre, à quel point on peut le connaître, à quel point on peut se reconstruire après avoir découvert son véritable visage… Le fait que la plupart des mensonges de la séries (l’arnaque de Maddie, la manigance de Patrick, mais aussi, dans une moindre mesure, les combines des 3 ex) repose avant tout sur l’idée que l’autre peut se faire aimer de vous en vous disant ce que vous voulez entendre, selon le principe qu’on ne peut escroquer que quelqu’un qui veut bien l’être, dénonce à quel point nos attentes des relations les vouent presque toujours à l’échec. Cela pose, par ricochet, la question de notre propre identité : qui sommes-nous quand nous tentons de plaire à l’autre ? Maddie en fait l’expérience : alors qu’elle pensait être elle-même avec Patrick, et avoir trouvé une relation saine qui pourrait lui donner envie de laisser sa vie de crime derrière elle, elle découvre qu’elle a été trompée aussi, et va devoir lui mentir pour se tirer de la situation… en maintenant les apparences parfaites de leur relation.
Et ça, Imposters en discute vraiment bien, n’hésitant pas à entrer dans un discours abstrait à l’occasion, mais sans jamais perdre de vue l’aspect dramatique de ces problématiques. Soyons clairs : accorder sa confiance, s’abandonner à l’autre, jouer une forme de rôle pour lui plaire, se heurter à la possibilité de l’abandon aussi, sont des thèmes qu’on trouve régulièrement dans les romances. C’est après tout le cœur de la romance : se confronter à l’autre, à ce que l’on ignore de lui, à ce qu’on essaie de construire tout en se préservant ou au contraire sans hésiter à se faire du mal pourvu d’avoir pris le risque (You’re the worst est peut-être, de par ses personnages centraux antipathiques, celle qui le fait le plus ouvertement, mais c’est un classique du genre). Mais les choix d’Imposters, ce contexte de l’arnaque, qui s’élargit bien au-delà des pratiques de Maddie, permet un angle d’approche absolument unique, et foisonnant. En éliminant la question de l’approche amoureuse pour gérer immédiatement cet « après » difficile, la série peut en outre s’autoriser plein de choses complexes, qu’une romcom cherchant à bâtir le couple avant de risquer de le détruire a moins de marge de manœuvre pour explorer d’entrée de jeu. En somme les thématiques sont semblables, mais leur traitement est changé du tout au tout par le mélange de genres d’Imposters.

Après son pilote, Imposters aurait pu tourner de bien des façons. C’aurait pu être un divertissement simple et superficiel, mais loin de se contenter d’un postulat de départ riche en rebondissements soapesques, la série a su faire des choix assez osés, susciter des émotions profondes et discuter de choses complexes. Même si sa fin de saison est un peu plus chaotique (on ne sait plus qui ment et qui est sincère), et si certains de ses personnages sont à dessein maintenus dans une forme de mystère (10 épisodes plus tard, on ignore toujours qui est le Docteur qui emploie Maddie !), la série a une véritable richesse thématique et dramatique à laquelle, franchement, j’espérais sans trop croire. Et pourtant nous y voilà : une vraie réussite, qui se regarde avec un sourire en coin parce que les 3 ex forment une équipe géniale, mais ne s’observe pas sans un pincement au cœur permanent devant les déceptions, amoureuses ou autres, qui s’accumulent.
C’est une exploration du sentiment, amoureux en particulier, que je veux bien suivre, contrairement à tant de séries romantiques plus traditionnelles.

Il y a, certes, quelques petites choses que j’aimerais voir s’améliorer en saison 2 (et pitié, que quelqu’un tue Ughma Turman, ou au moins son personnage), mais globalement Imposters fait un si bon travail sur la longueur, que j’irai vers ses nouveaux épisodes les yeux fermés. Au risque, peut-être, de trop lui accorder ma confiance ? Mais pour le moment, elle n’a pas été trahie, bien au contraire.
Peut-être que si les personnages d’Imposters tombaient sous le charme des séries plutôt que des gens, ils seraient moins souvent déçus.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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