It takes four to tango

8 mai 2019 à 10:54

Avec le démarrage du Ramadan, un mois important pour la télévision de nombreuses régions du monde (je rappelle d’ailleurs à votre bon souvenir cet encadré), je me suis dit qu’il serait sympa de marquer le coup avec une review.

…Hélas, soyons honnêtes : ces régions sont précisément, dans leur grande majorité, des régions ignorées par les diffuseurs, et dont il est encore difficile de trouver des séries (quant à choisir quelles séries regarder, alors là, ça relève du luxe) depuis la France.
Fort heureusement cela peut changer. Peut-être même dans un avenir moins lointain qu’il n’y paraît. Et ce, essentiellement par cupidité : Netflix est en train d’essayer d’investir plusieurs de ces régions jusque récemment évitées, et a acquis les droits internationaux de plusieurs séries produites dans certains de ces pays, en particulier du MENA (ouais, pour l’Afrique du Nord, ou encore l’Asie musulmane, on peut encore se brosser un petit moment). L’idée est de proposer à la diaspora ainsi plusieurs séries ayant à l’origine été diffusées pendant le Ramadan des années précédentes, pendant le Ramadan 2019 ; opportuniste oui, mais aussi futé !

C’est donc grâce à cette volonté récente que je peux vous parler aujourd’hui de Tango, un drama diffusé au Liban l’an dernier, et qui est apparu juste à temps pour le mois sacré sur la plateforme de streaming. Bon, moi j’ai triché, je ne suis pas abonnée à Netflix ; mais vous saisissez ce que je vous suggère de faire.
A noter que je trouve aussi le titre de la série orthographié Tanghoo, au passage, sur plusieurs sources locales… mais l’affiche utilise le mot « tango » tel quel, donc je vais pas chercher à m’inventer une compréhension de l’arabe toute neuve, et on va faire avec Tango. Juste : si vous faites vos propres recherches, sachez.

Dans Tango, tout commence lorsque Sami et Farah font la connaissance d’Amer et Lina, par le biais de Karim (cousin de Sami et partenaire en affaires d’Amer). Le premier épisode met en parallèle comment cette rencontre se produit, et le déroulé d’un terrible accident de voiture dans lequel, incarcéré dans le métal, on découvre le corps inconscient d’Amer. Problème : il est clair pour le spectateur qu’une femme se trouvait dans la voiture pendant l’immense tonneau effectué par l’engin (d’ailleurs plutôt impressionnant à voir).
Les services de secours, eux, n’ont trouvé qu’un homme. Pas de trace de cette femme, mais il s’agit, selon toute vraisemblance, de Farah. Ca va faire désordre…

Ce premier épisode est un peu curieux ; on a le sentiment d’y voir un déroulé évident, dont une part échappe aux protagonistes mais qui est totalement transparente pour nous… et en même temps il semble y avoir une tentative de préserver une forme de suspense quasi-paradoxal.

Dés le moment où leurs regards se sont croisés, il a semblé clair que Farah et Amer étaient attirés l’un par l’autre ; chaque occasion de se croiser ensuite n’a que renforcé cela. Tout cela en dépit du fait que chacun est marié, et a priori heureux dans son couple (…a priori bien-sûr), menant une vie de famille parfaitement normale jusqu’à cette rencontre… Il n’y a donc pas de grande surprise à comprendre que, pendant l’accident, Farah et Amer étaient dans la même voiture : tout semble indiquer qu’ils ne pouvaient que vouloir passer du temps ensemble, au minimum…
Pourtant, Tango procède curieusement pour nous raconter tout cela. La chronologie étrange du premier épisode (mélangeant les moments de rencontre, les scènes de l’accident, et les conséquences de celui-ci progressivement révélées) essaie de nous prendre à la gorge, de nous interroger, de nous faire vivre avec Lina puis Sami l’inquiétude montante, bien que pour des raisons différentes. Le caractère illicite de l’attraction entre Farah et Amer est évidente, bien que montrée par paliers successifs (la réalisation comme la musique de l’épisode se font un devoir de nous le rappeler à chaque instant), mais elle n’est pas totalement une surprise, bien qu’il subsiste quelques zones d’ombre. Bref, Tango utilise l’inexorable comme ressort du suspense : il fallait oser ; dommage que ça ne marche pas aussi bien qu’espéré.

Il est un peu difficile, dans ce premier épisode, de comprendre quel est l’angle émotionnel de la série. Au juste, il nous faut nous inquiéter, la chose est entendue ; mais déterminer pour qui il faut le faire est moins certain.
Sommes-nous supposés compatir avec les époux qui, du moins est-il facile de le présumer, sont sur le point de découvrir une tromperie insoupçonnée ? Ou au contraire, devons-nous craindre que l’idylle entre Farah et Amer ne soit dévoilée ? Ou encore, au sens large, faut-il s’en faire pour leur amitié ? Tango ne veut pas vraiment prendre partie, on dirait, et c’est un peu perturbant parce qu’au lieu de ressentir quelque chose pour tout le monde, on finit par ne plus ressentir rien pour personne. C’est d’autant plus clair que l’épisode fait peu de cas de la condition médicale d’Amer, ce qui n’enjoint pas franchement à s’inquiéter de sa survie. Non, l’enjeu est clairement ailleurs, mais encore indéterminé. L’apparition de personnages et intrigues secondaires, assez tardive, finira peut-être par expliquer cet étrange équilibre, mais pour le moment, les choses sont floues.
Tango s’essaye ainsi au drame de mœurs, sans jamais choisir totalement quelle partie de l’histoire accentuer. Et c’est très dommage.

Il y a pourtant une explication possible à cela : Tango n’est pas une idée originale. Son concept de départ, il faut aller le chercher en Argentine, où on le trouve sous le titre d’ADDA, Amar Después De Amar, une telenovela diffusée en 2017. Les deux séries partent en effet du même pitch, bien que la version argentine compte deux fois plus d’épisodes ; eh oui, Ramadan oblige, Tango compte très exactement 30 épisodes. N’ayant pas eu la possibilité de voir la version argentine, j’ignore hélas quels choix sont propres à la version libanaise, et quels codes ont été répliqués à l’identique. Il est en tout cas certain qu’avec si peu d’épisodes, Tango a été forcée de faire des choix au moins en matière de timing, ce qui explique potentiellement l’impression étrange qui se dégage de son épisode introductif, sans même s’aventurer sur le terrain des différences culturelles.
Elles sont d’ailleurs subtiles, très franchement. Tango fait partie de ces séries diffusées pendant le Ramadan qui n’ont, en somme, pas grand’hose à voir avec ce mois sacré : les personnages y boivent, y fument, et s’y consument de désir (à défaut, au moins pour le moment, de le concrétiser à l’écran). Il ne s’agit pas, loin s’en faut, d’une exception dans le panorama de ce mois télévisuel fourni, mais il faut admettre que ce n’est pas franchement le type de production qui y trouve le plus sa place, ni qu’on recherche nécessairement lorsqu’on se penche sur les séries venues de la région.

Cela étant, ce type de production moderne est vraiment, et pour cause, assez peu spécifiquement libanaise ; elle est donc regardable sans posséder beaucoup de codes culturels locaux.
Avis aux curieux, donc : Tango est très accessible, à défaut d’être forcément la meilleure série à regarder ce mois-ci. Et si jamais ce n’est pas votre tasse de thé, vous pouvez aussi tenter d’autres séries acquises de façon similaire par la plateforme, comme Justice (titre international de la série émiratie Qalb Al Adalah) ou le crime drama familial syriano-libanais Al Hayba (dont la saison 3 est actuellement en cours de diffusion). Liste à laquelle il faudra évidemment ajouter la série fantastic jordanienne Jinn le mois prochain. Pour une fois qu’on peut, on va se gêner tiens.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. Tiadeets dit :

    Article bien intéressant, ma foi (par contre juste un petit point, mais MENA = Middle East and North Africa donc ça comprend l’Afrique du Nord, mais je pense que tu voulais dire juste le Moyen Orient. ;)). J’ai hâte de voir Jinn lorsqu’elle sortira, la bande-annonce m’a bien donné envie !

    • ladyteruki dit :

      Ah oui, grossière erreur effectivement. En fait je voulais éviter le terme « Moyen Orient », ayant lu que l’emploi du terme « orient » posait problème à certaines communautés ; mais c’est vrai que MENA n’est pas la bonne alternative pour parler de la région que je cherchais à désigner. Bon, faudra que je cherche une solution activement.
      Je ne regarde pas les bande-annonces mais j’ai hâte aussi, étrangement !

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