Muerte en el Atlántico

26 mai 2019 à 18:49

Années 40. La guerre commence progressivement à devenir un souvenir, tout douloureux soit-il. La vie reprend son cours. Eva et Carolina Villanueva embarquent à bord d’un navire transatlantique devant les conduire vers une nouvelle vie au Brésil. A bord, Carolina est même sur le point de célébrer son mariage avec le riche propriétaire du paquebot ; Eva, elle, espère rencontrer de l’autre côté de l’océan un éditeur qui publiera son nouveau roman. En Espagne, elles ont laissé la tombe de leur père (décédé quelques mois plus tôt), la compagnie de chaussures de celui-ci (revendue à prix d’or), mais aussi une certaine forme de proximité : partager une cabine est la dernière chose qu’elles feront ensemble.

Mais Alta Mar, la dernière série espagnole en date de Netflix, n’est pas un simple drama historique. Profondément inspirée par l’œuvre d’Agatha Christie (et vraisemblablement réalisée après plusieurs visionnages assidus de Titanic), la série nous annonce aussi d’entrée de jeu qu’elle ménage plusieurs mystères. La première scène du premier épisode nous informe ainsi que, pendant les 10 premiers jours de ce périple transatlantique, pas moins de 3 personnes ont trouvé la mort. Qui ? Comment ? Pourquoi ? Allons, allons, vous n’imaginez tout de même pas avoir ces réponses si vite… à plus forte raison parce qu’Alta Mar a déjà une deuxième saison en préparation, dont le tournage a commencé en février dernier, soit à la suite du tournage de la saison 1.

Alta Mar n’évoque pas que Mort sur le Nil, quand bien même il sera bien difficile de se l’ôter de l’idée. On doit la série à Bambú Producciones, l’une des compagnies espagnoles les plus prolifiques de ces 10 dernières années, dont les auteurs phare se sont fait une spécialité des séries historiques et/ou à suspense : Gran Hotel (dont on va reparler bientôt, croyez-moi), Velvet, Las Chicas del Cable… Campos et Neira, tout comme leur acolyte le réalisateur Carlos Sedes qui passe derrière la camera de toutes leurs séries, savent très bien ce qu’ils font, et la recette a fait ses preuves.
Il n’y a pas un fil qui dépasse dans cet univers glamour, intrigant, soapesque mais pas trop. Les mêmes thèmes y reviennent, inlassablement : le déroulement des romances, les velléités proto-féministes de certains personnages, les différences de classe… Le but est de ne présenter aucune aspérité, de ne rien concocter sinon ce mélange exact d’ingrédients ayant déjà fonctionné par le passé, de ne surtout pas raconter quoi que ce soit de spécifique. Cela se ressent dans la façon dont tant d’éléments sont si vagues (en quelle année Alta Mar se déroule-t-elle, précisément ? on sait pas, juste l’après-guerre, posez pas des questions comme ça), et dont au contraire d’autres sont curieusement spécifiques, parce qu’ils sont les pivots sur lesquels tout l’équipage de Bambú sait qu’il peut se reposer.
Toutes ces influences sont palpables à un moment ou à un autre, et la série n’essaie même pas de s’en cacher. A quoi bon ? Ca donne un premier épisode plaisant à regarder. Je ne cherche d’ailleurs pas à vous en décourager, croyez-le ou non.

Simplement Alta Mar joue la sécurité à absolument tout instant : les dialogues d’exposition sont nombreux, mais pourtant prévisibles ; la camera s’attarde sur les regards lourds de sous-entendus des uns et des autres, alors qu’on a compris depuis dix minutes qui veut quoi ; les personnages jouent le jeu des codes sociaux qui leur sont imposés, quand on sait très bien qu’ils n’en pensent pas moins. L’ambiguïté est feinte et donc un peu inutile… mais admettez que voir tout ce beau linge interagir sur un paquebot de luxe, ça fait plaisir aux yeux et c’est toujours mieux que d’aller finir la vaisselle comme vous vous l’étiez promis avant d’ouvrir Netflix.
Et du coup tout cela est vain à bien des niveaux. Mais on s’en fout parce qu’une série vaine peut tout de même être divertissante, quand bien même on sait pertinemment qu’on est en train de se faire avoir comme un bleu par des ressorts vieux comme le monde.

Il y a une raison pour laquelle Alta Mar fonctionnera autant qu’ont pu fonctionner les séries, les films et les livres dont elle s’inspire : tout le monde ne veut pas être surpris. Tout le monde ne veut pas entendre une histoire qui dévisse la tête. Tout le monde ne veut pas vivre une révolution narrative. Ou en tous cas pas tout le temps. C’est un droit totalement légitime, et c’est à ce spectateur-là (que ce soit vous maintenant, ou vous tout le temps) que les séries de Bambú s’adressent. Alta Mar n’y fait pas exception. Alta Mar remplit son office, ni plus, ni moins : divertir des spectateurs en quête d’un décor de rêve, de toilettes désuètes mais si charmantes, de romances dont on aurait juré qu’elles étaient impossibles, et de mystères surtout pas trop compliqués. Rien qu’avec ça vous pouvez passer un bon moment. Au moins on sait tous à quoi s’en tenir. Ni la série, ni ses auteurs, ni son réalisateur : personne n’a rien à prouver. Et vous, vous n’avez pas à prouver que vous regardez une série pour une quelconque autre raison que votre plaisir, fut-il simple.

Alta Mar ne sera jamais de la série de prestige mais… entre vous et moi ? Si on ne regardait que de la série de prestige à longueur d’année, Bambú Producciones aurait mis la clé sous la porte il y a bien longtemps, au lieu de devenir l’un des partenaires espagnols les plus fiables de Netflix. Dans le fond, on est tous là pour les mêmes raisons. Alors vogue la galère.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Mila ♥ dit :

     » Tout le monde ne veut pas entendre une histoire qui dévisse la tête. Tout le monde ne veut pas vivre une révolution narrative. Ou en tous cas pas tout le temps.  » Encore une fois, je me retrouve là-dedans.Et j’apprécie beaucoup le  » Et vous, vous n’avez pas à prouver que vous regardez une série pour une quelconque autre raison que votre plaisir, fut-il simple. »

    J’ai beau adorer tomber sur des séries (ou films ou livres ou n’importe quelles oeuvres) qui se démarquent et font quelque chose de nouveau (et l font bien, si possible), je n’ai pas envie de révolution tout le temps, et à vrai dire, même si elle est toujours appréciée (dans la globalité ou les détails), je ne recherche jamais l’originalité à tout prix (je pense que tu t’en doutes, quelque part), juste une bonne exécution. Mais la discussion pourrait nous entrainer loin. Toujours est-il que j’ai apprécié ces passages de ton article, et l’article en général^^

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