Who’s your friend who likes to play ?

4 août 2019 à 20:14

Voilà des semaines que je me promets de finir cette review, parce que pour une fois, elle porte sur le premier épisode d’une série française. Enfin, bon, j’ai déjà reviewé des séries françaises, mais là c’est quand même un poil plus exceptionnel : la review s’apprêtait à être (bon, globalement hein) positive.
Et puis j’ai traîné. Et traîné. Et traîné encore. Résultat l’annonce de l’annulation de Double Je est tombée et je me suis dit, « bon bah du coup, est-ce que ça vaut la peine d’en parler ? ». Je me disais que oui mais j’ai quand même encore traîné quelques semaines de plus. Et maintenant cette review n’intéresse plus que moi !

Quand ma sœur me dit qu’il faut que je sois plus « clickbait » dans ma façon d’écrire sur les séries, je pense que je vois ce qu’elle veut dire…

Écartons tout malentendu : Double Je n’est pas un coup de cœur pour moi, et plusieurs de ses ressorts ne sont pas exactement révolutionnaires en général. Personne ne tombe de surprise en s’écriant « WOW, PAS POSSIBLE, UNE SÉRIE POLICIÈRE FRANÇAISE ! » au moment d’allumer la télé (…et plus grand’monde n’allume la télé de toute façon). Alors certes, Double Je est un peu, juste un peu plus que ça, mais quand même beaucoup ça, ne nous fourvoyons pas.
Cela étant, et je me tue à vous le dire, ce qui fait une série réussie, c’est n’est pas nécessairement l’originalité de son pitch de départ.

Déa Versini est une enquêtrice de la police de Bordeaux assez solitaire, qui n’a qu’un seul vrai ami, un certain Jimmy. Sauf que Jimmy est totalement imaginaire et qu’elle est donc la seule à le voir, et ce depuis l’enfance. Sauf qu’à l’orée de la quarantaine, ce qui était autrefois un ami imaginaire bien utile pour traverser les épreuves peut à l’occasion être plus un problème qu’une solution. C’est en particulier évident lorsque débarque dans sa vie un jeune flic qui vient de lui être imposé comme coéquipier, Mathieu Belcourt…
Le premier épisode s’accompagne, outre cette introduction, d’une première enquête de type locked room mystery, que Déa était prête à mener seule (ou en tous cas, seule avec Jimmy) jusqu’à ce que son nouveau partenaire lui soit attribué et qu’elle doive donc changer ses habitudes.

Double Je réussit à la perfection à remplir ses objectifs, c’est-à-dire proposer une série policière extrêmement classique (le locked room mystery est un sous-genre policier qui a pas loin de 2 siècles), avec des ressorts d’une grande banalité (l’héroïne a un nouveau partenaire qui est son opposé), des gimmicks simplistes (Déa est d’origine italienne, donc elle fait des références à l’Italie, la musique est en italien, etc.), et un ton léger aussi mainstream que possible (on est en primetime sur France Télévisions, quand même)… Vraiment, c’est du travail propre, ya pas à dire, le cahier des charges est rempli.

Alors pourquoi cette introduction à Double Je s’en tire-t-elle tout de même avec les honneurs ? Parce que dans les interstices restants au milieu de ce travail très conventionnel, il y a quelque chose de particulièrement rare, et de précieux. Et je ne veux pas dire de rare et précieux à la télévision française, mais un peu ça aussi.
Les échanges entre Déa et Jimmy fonctionnent à absolument tous les niveaux. D’abord, ils sont souvent utilisés comme des respirations humoristiques pendant une scène parfois un peu barbante sur le papier, Jimmy étant le roi du sarcasme, et le fait que personne ne puisse le voir l’autorisant à dire tout ce qu’il lui passe par la tête. Et puis, bien-sûr et surtout, les dialogues sont truffés d’une complicité qui est jouée non seulement pour la plaisanterie, mais aussi pour la tendresse.
Dans Double Je, cet ami imaginaire, c’est avant tout un ami d’enfance. La série insiste sur le vécu commun de Déa et Jimmy, parce que Déa elle-même vit cette amitié comme plus réelle que la plupart de ses autres relations. Plus qu’un comic relief, Jimmy est donc aussi là parce qu’il connaît Déa sur le bout des doigts et peut donc lui dire des choses qu’elle n’a pas envie d’entendre, ou au contraire lui permettre d’utiliser leur longue relation comme un profond réconfort (chose sur laquelle la réalisation appuie peut-être encore plus que les dialogues).
Et au final, contre toute attente, Double Je arrive à distiller quelques émotions qui, elles, ne sont pas imaginaires. D’autant que la série comme son héroïne sont très conscientes que Jimmy n’est pas réel, qu’il est la manifestation d’autre chose, que la présence de Jimmy n’est parfois qu’une béquille toute relative et, à voir la fin du premier épisode, que parfois Déa est parfaitement contente de se débarrasser de lui malgré tout le bien qu’il peut lui faire parfois.

Je ne sais pas si j’ai envie de considérer que Double Je est une série qui aborde forcément très bien l’aspect « santé mentale » (il me faudrait peut-être en juger sur toute la saison, surtout que celle-ci semble au moins en partie feuilletonnante… mais vous avez vu combien de temps il m’a fallu pour finir cette review de pilote ?!). A vrai dire je n’ai même pas envie d’aller sur ce terrain, je trouve juste qu’être capable de remplir le cahier des charges énoncé ci-dessus, tout en s’autorisant des émotions complexes est déjà énorme. C’aurait été si simple de s’en tenir superficiellement à ce qui rend la série légère et facile à regarder ; mais non ! Double Je fait vraiment des efforts pour ménager la chèvre et le chou, et très franchement je suis admirative d’une telle performance. Et, bon, oui, j’avoue : d’une telle performance pour une série française aussi. La dramédie, pardon, mais on maîtrise encore très mal dans les parages, alors bravo.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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