Private ambitions

15 septembre 2019 à 13:41

Laissez-moi être très claire quant à la review que vous vous apprêtez à lire : je m’apprête à clamer haut et fort que Yanxi Gonglue est une absolue réussite et qu’on devrait en rendre le visionnage obligatoire. Bon, pas par la force ou quoi que ce soit (…encore que), mais en tout cas c’est autour de ce genre de chef d’œuvres télévisuels qu’on peut mettre tout le monde d’accord. Pourvu d’y avoir accès, bien entendu.

Est-ce que je suis en train de placer la barre très haut ? Peut-être. Et en même temps je ne suis pas la seule : Yanxi Gonglue était la série chinoise la plus populaire de 2018 (et la plus demandée, aussi).

Même si cela ne devrait rien dire, cette qualité se ressent dés l’apparition du générique du premier épisode : Yanxi Gonglue (ou Story of Yanxi Palace, de son titre international) est une bon Dieu de perfection. Le soin esthétique est évident dés ces premières images, quand bien même elles ne reflètent évidemment pas à la lettre le style de la série. D’ailleurs, je vous mets au défi de ne pas trouver les captures qui suivent épatantes !

 

   
Yanxi Gonglue se déroule au 18e siècle, sous le règne de l’Empereur Qianlong. Celui-ci est monté sur le trône depuis 6 ans déjà, et au sein de la Cité Interdite, il a une petite vie bien installée, entre son épouse l’Impératrice Xiao Sheng Xian… et sa multitude de concubines, réunies au sein de ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler un harem. Celui-ci est savamment organisé et codifié, avec à la tête de sa hiérarchie, Gao Ning Xin, qui porte le titre de Noble Consort. Je vous prie de croire qu’elle tient à le garder : au sein de ce noble gynécée, on ne sait jamais qui pourrait prochainement avoir les faveurs de l’Empereur ou accoucher d’un enfant royal.

 

Le problème est donc que si la structure du harem est bien établie, chacune (…ou presque) ne rêve que de faire évoluer son statut. Alors certes, il y a des courtisanes parfaitement contentes de leur sort, en particulier celles qui sont essentiellement là par amour ; mais il y a surtout celles qui ont bien compris qu’être envoyée au harem par un royaume inféodé à l’Empereur, puis choisie par lui pour partager son lit, n’est rien d’autre qu’une participation au monde diplomatique. Ça n’est pas grand’chose, en apparence, mais c’est quasiment la seule forme de pouvoir accessible à une femme de l’époque ; et quand on tient un levier comme celui-là, on ne le lâche pas.
Yanxi Gonglue met en scène, comme bien des séries historiques incluant des intrigues de palais, des disputes et des jalousies. Cependant la série y ajoute une conscience aiguë qu’il ne s’agit pas seulement, qu’il ne s’agit pas du tout, et en fait, qu’il ne s’est jamais agi, de passions féminines superficielles. L’enjeu pour ces femmes est d’accéder à la seule forme d’autorité qui dans leur monde permette à une femme d’avoir de l’influence, puis d’évoluer dans la seule forme de hiérarchie autorisée.
A vrai dire, et j’ai trouvé cet aspect épatant, la série est également très claire sur le fait que ces luttes de pouvoir n’échappent absolument pas aux hommes, qui les prennent très au sérieux. L’empereur Qianlong plus que tout autre ! Cela va être apparent dés le premier épisode : il apprécie les femmes intelligentes autant qu’il les redoute…

C’est dans ce panier de crabes que débarque Wei Ying Luo, une jeune femme de basse extraction. Elle passe l’examen d’entrée qui lui permettra d’être embauchée comme ouvrière à la Cité Interdite.
Même pour y jouer les petites mains, la sélection est sévère ; toutefois Ying Luo s’avère contourner tous les obstacles grâce notamment à son travail… mais aussi sa finesse d’esprit. Dés ce premier épisode de Yanxi Gonglue, elle fait la démonstration de nombreuses qualités : outre sa capacité de travail, elle est aussi dotée d’une immense compassion pour les plus vulnérables qu’elle… et d’un dédain certain pour les plus puissants. Sans compter qu’elle est très perceptive et comprend en un clin d’œil quelles sont les faiblesses des autres, en particulier des privilégiés. Quelque chose dans son regard défie l’autorité, même quand elle use de ses mots les plus polis pour amadouer ceux qui la dominent, parce qu’elle sent précisément jusqu’où elle peut elle peut jouer sur leur suffisance ou leur sentiment de supériorité.
Plusieurs de ces qualités, utilisées à son avantage tout en faisant mine d’être inoffensive, lui permettent de se faire remarquer positivement par le personnel chargé d’employer des ouvriers pour la Cité Interdite. Ying Luo devient brodeuse, et l’histoire pourrait s’arrêter là. Mais Ying Luo, comme les Cylons, a un plan…

C’est que Ying Luo n’est pas franchement là pour jouer les couturières, et moins encore subir de façon imperturbable les aléas du sort. Pas question de jouer les victimes cent fois martyrisées : Yanxi Gonglue tient ici une héroïne qui a pris en main son destin, avec une rage à peine rentrée, quand bien même le premier épisode de la série ne nous dit pas encore vraiment comment, ni pourquoi. La blanche colombe sur laquelle les « méchants » du palais vont s’acharner, ce n’est pas elle, et fondamentalement c’est atypique pour ce type de série. Car si au départ on a l’impression d’assister à l’éternelle histoire de l’outsider pauvre qui va se faire une place parmi les grands de son monde (et je vous ai mis quelques exemples dans les recommandations en fin d’article de séries qui font précisément cela), les choses vont prendre rapidement un autre tour…
Alors, pourquoi Ying Luo se donne-t-elle tant de mal à obtenir un job méprisable qui la rapprocherait de nobles qu’elle méprise ? Ce n’est pas exactement une surprise mais plutôt quelque chose que la série n’a pas besoin de se précipiter à exposer (quand on a 70 épisodes prévus pour une raison bouclée, c’est normal ! la plupart des séries asiatiques ont une autre approche du travail d’exposition, de par leur rythme de production et/ou de diffusion), aussi je m’apprête à vous le dévoiler dans le reste de ce paragraphe. Avant elle, la grande sœur de Ying Luo a également rejoint le personnel du palais en tant que couturière… avant que son corps ne soit renvoyé, sans vie, à sa famille, au prétexte qu’elle était morte d’une maladie. Une maladie qui cause des marques de strangulation autour du cou ?! Et ça, Ying Luo n’est pas prête à le pardonner, quand bien même elle est la seule de sa famille à oser poser des questions.

Yanxi Gonglue a encore bien des choses en réserve, y compris, évidemment, de la romance royale comme son type de série sait si bien en produire. Le générique y fait allusion dés le premier épisode, donc c’est pas spoiler !
La série a su partir de thèmes plutôt classiques à la télévision chinoise, et plus largement dans beaucoup de séries royales de par le monde, et qu’elle a souhaité non pas enfoncer des portes ouverte mais y apporter un angle unique. La conscience aiguë que les intrigues féminines de la cour sont bien plus que des crêpages de chignons joue vraiment en sa faveur ; même les personnages mal intentionnés semblent finalement gagner en épaisseur par ce simplement changement d’approche, puisque l’ambition est de facto motivée. La fin semble justifier les moyens, mais Yanxi Gonglue s’interroge aussi mine de rien sur la moralité de ces femmes (le portrait de l’impératrice est fascinant à cet égard). La série s’apprête aussi à faire en sorte de lier cette problématique de fond à l’intrigue plus singulière de son héroïne… et c’est vraiment fascinant.
Tout ça, rappelons-le, dans une série filmée à l’or fin, ce qui ne gâche vraiment rien.

Alors ?! A quel moment va venir le « mais » de cette review ? Ecoutez, ça fait plusieurs mois que je regarde des épisodes (la saison est encore en cours de sous-titrage francophone ; ne regardez pas le trailer si vous voulez éviter les spoilers, cela dit), et pour le moment je ne trouve pas de défaut qui vaille la peine d’être mentionné. Je me régale. En somme mon seul reproche sera que l’une des séries chinoises les plus importantes de ces dernières années ne soit pas légalement accessible aux spectateurs européens… mais bon, on va pas se lancer dans ce genre de considérations aujourd’hui, ça ruinerait l’ambiance.
L’important, c’est que vous compreniez bien que Yanxi Gonglue est une saga historique sublime, complexe et à la motivation plus féministe que la plupart des séries similaires l’ayant précédée. Elle se doit d’atterrir sur votre liste de séries à voir. Je sais que cette liste est longue, ô combien, mais croyez-moi, elle mérite d’être encore allongée.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

9 commentaires

  1. Mila ♥ dit :

    C’est la journée des bad jokes, mais j’avoue que quand j’ai lu cette phrase: « et quand on tient un levier comme celui-là, on ne le lâche pas. », dans le contexte d’un « harem »… j’ai rigolé. Pardon.

    « Le générique y fait allusion dés le premier épisode, donc c’est pas spoiler ! » Haha, les génériques de séries chinoises sont hyper pratiques pour ça: ils sont les « pires » spoilers de leurs propres séries. Moi, je m’en moque, mais j’ai beaucoup d’amies qui les sautent et écoutent juste le son, justement pour ça. Mais du coup, c’est pratique dans une review, parce qu’on peut dire « c’est pas moi, c’est le générique, d’abord ! »

    Bon et je confirme que ma liste de choses à regarder est longue, mais que cette série y est. Y était même déjà. Les séries historiques chinoises me tentent toujours un peu d’office, pour des raisons esthétiques, et c’était le cas pour celle-là, dont je ne savais pas du tout de quoi elle parlait. Maintenant je sais qu’elle parle d’une forme rare de maladie qui laisse des traces dans le cou, et je suis donc plus informée 😀 (ok, j’ai aussi lu les passages sur les luttes de pouvoir, mais je suis médicalement intriguée)

    Ah, et je veux pas dire de bêtises, et je me trompe peut-être, mais le drama (comme beaucoup d’autres) est entièrement disponible sur Viki, avec tous les épisodes sous-titrés en plusieurs langues (dont le français): https://www.viki.com/videos/1140335v-story-of-yanxi-palace-episode-1 C’est légal, et normalement accessible sans abonnement, avec quelques pubs à la clé 🙂

    Merci pour l’article et les jolies screencaps ♥

    • ladyteruki dit :

      Non mais c’est bien, si tu perçois mes sous-entendus cochons même quand j’essaie de les passer en scred, c’est que tu es vraiment le koala de ma vie ?
      Oui je sais pour le générique, je dois dire que ça me fait autant enrager que ça peut m’arranger XD Là en l’occurrence je trouve même le générique de Yanxi Gonglue plutôt soft par rapport à d’autres séries chinoises vues par le passé ! Beaucoup de séries utilisent des extraits de toute la saison, mais là c’est pas vraiment le cas, c’est plus des tableaux un peu abstraits, donc je considère que c’est pas plus spoiler qu’autre chose.
      Tous les sous-titres anglais que j’ai vus (et j’en ai testés pas mal, donc sûrement aussi ceux de Viki même si j’ai pas la liste en tête de tout ce que j’ai testé) étaient franchement mauvais. D’ordinaire je ne cherche même pas de sous-titres francophones, donc si j’en suis arrivée là c’est un signe 😛 Dans le premier épisode ça allait encore, mais par la suite il y avait des bouts de dialogue manquants en plein milieu d’une conversation, des trucs qu’avaient aucun sens même en prenant en considération les problèmes inhérents à une traduction, et même des problèmes de timing… C’était juste pénible. La team francophone sur YT a l’air de partir des dialogues chinois et non des sous-titres anglais, et même si ya des tournures parfois maladroites, c’est vachement plus solide. En plus ils incluent les noms qui s’affichent à l’écran, des explications de contexte (surtout que là ya des noms différents pour les différents rangs de concubines à prendre en compte), et plein d’autres détails, donc je les trouve plus performants. J’empêche personne d’aller regarder sur Viki mais pour moi c’était pas la qualité que j’attends de sous-titres. Surtout en s’engageant pour 70 épisodes.
      (c’est pas une vraie maladie médicale en vrai 😛 soeurette a pas l’air d’être morte sans intervention extérieure)

  2. Mila ♥ dit :

    « c’est pas une vraie maladie médicale en vrai ? soeurette a pas l’air d’être morte sans intervention extérieure »
    Tu me spoiles autant qu’un générique chinois, dis donc :O ! Puisque c’est comme ça, je raye la série de ma liste.
    (bon plus sérieusement, j’avais compris, donc ça va, je te pardonne ton manque d’étiquette)(cette fois)(les fois futures aussi)(♥)

    J’admets ne pas avoir testé les sous-titres viki, pour le coup, donc je n’ai pas d’avis sur la qualité des sous-titres^^ Si c’est mauvais, alors oui, autant attendre quelque chose de meilleur, surtout que quand il s’agit d’une série « intrigues de palais et stratégies », avec des tas de personnages, c’est quand même mieux de pouvoir bien comprendre toutes les subtilités… et l’aide pour retenir qui est qui, c’est aussi toujours apprécié, surtout quand on a du mal à retenir les noms comme moi o.o

    (et oui, je regarde pas vraiment sur Viki non plus, je suis pas fana de streaming… c’était plus juste pour mentionner l’option^^)

    • ladyteruki dit :

      Dans tous les cas tu as eu raison de mentionner Viki, ne t’en fais pas 🙂
      Ca fait un bout de temps que je veux parler plus en détails de la question des sous-titres, j’aurais peut-être dû me servir de cette opportunité pour le faire, tiens.

      • Mila ♥ dit :

        Je lirai ça avec attention alors 😀
        Parce qu’en ce moment je galère avec les sous-titres d’Ugly Alert, et ça va bien que je veux le regarder ce drama, et je n’ai pas trouvé mieux, mais… urgh, c’est dur parfois.

  3. Tiadeets dit :

    Il faut arrêter de me donner envie de regarder des séries (dit celle qui lit un blog qui ne parle que de ça) parce que ça m’a l’air vraiment très bien et tout ce que j’aime en plus !

  4. Céline dit :

    Je viens de voir que Netflix (encore eux !) vient de sortir un spin-off de cette série, qui s’appelle Yanxi Palace: Princess Adventures (source : http://www.critictoo.com/news/yanxi-palace-princess-adventures-saison-1-netflix/)

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