Living in America

12 octobre 2019 à 18:54

On ne va pas se mentir, j’ai regardé les premières minutes de Sunnyside en ponctuant mon visionnage de soupirs lassés. Des politiciens incapables qui tentent désespérément d’exister, ce n’est pas ça qui manque. Dans les séries non plus d’ailleurs. Progressivement, le pilote de Sunnyside a forcé son héros (charismatique mais ayant épuisé toutes ses ressources et ne faisant plus illusion) à côtoyer une brochette de personnages hauts en couleurs, et je suis passée à une autre phase de mon exaspération : sérieusement, une comédie de NBC va faire le coup du groupe de travail forcé de travailler ensemble ? Sérieusement ? Qui aurait cru il y a encore quelques années que le network chercherait un jour à cloner Community

Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes (ce qui je vous l’accorde, peut paraître long, surtout pour une comédie de 21 minutes) que soudain, j’ai compris ce qui faisait le charme unique de Sunnyside. Et aussi, que j’ai réellement ri. En fait, à partir de là, je ne me suis plus vraiment arrêtée !

Comme son ancêtre universitaire, Sunnyside mise, effectivement, sur une ribambelle de personnages n’ayant à première vue rien en commun, qui vont quand même devoir se réunir régulièrement. L’ex-conseiller municipal Garrett Modi, déchu d’une position qu’il a tenue des années sans bouger le petit doigt (à part pour faire la fête), va les rencontrer alors qu’il cherche par tous les moyens à gagner un peu d’argent sans rien faire de trop difficile. Il rencontre ainsi Griselda, une quadragénaire dominicaine qui jongle entre une bonne douzaine de petits boulots ; Brady/Borjan, un jeune homme qui pensait être Américain mais est en fait né en Moldavie, et qui risque gros s’il ne régularise pas son statut rapidement ; Drazen, un vieux Moldave dont la compréhension de l’anglais semble limitée ; Hakim, un intellectuel venu d’Ethiopie qui a toujours le sourire ; et enfin Jun Ho et Mei Lin, deux rejetons d’une famille asiatique (ils refusent d’être plus précis) richissime mais baignant clairement dans les ennuis juridiques brumeux.
Quel prétexte peut donc les lier les uns aux autres ? Eh bien, ils bûchent sur l’examen de citoyenneté américaine, qui n’est ni le début ni la fin de leurs difficultés pour devenir des Américains, comme eux-mêmes vont l’expliquer dans le détail à notre « héros ». Ils comptent sur lui pour les aider, alors qu’ils n’ont plus de cadre dans lequel étudier. Et avec l’argent des adelphes asiatiques, ils s’apprêtent à payer Modi une somme rondelette pour leur permettre d’enfin acquérir la nationalité américaine…

Sunnyside, c’est donc Community si Community avait une eu conscience politique plus aiguisée. Clairement le but du jeu est de présenter ces personnages, leurs difficultés particulières, leur loufoqueries à la fois « exotiques » et finalement so relatable, pour parler d’immigration. Je ne vous ferai pas l’insulte de vous préciser pourquoi le sujet est d’actualité.

Toutefois, on est devant bien plus qu’un changement de contexte. En cours de pilote, Sunnyside trouve parfaitement son équilibre grâce à une mise en place de quelques uns des gags amenés à devenir récurrents, et il s’avèrent qu’ils fonctionnent vraiment bien ! Sunnyside articule ainsi plusieurs types d’humour, combinés afin non pas de surprendre, mais d’insérer des ruptures de rythme ou de ton ; je confesse être très sensible à ce type de mécanismes.
J’avoue avoir une tendre préférence pour Mei Lin, qui n’a aucune idée de la valeur des choses (« ces billets ont été utilisés, vous avez une corbeille de recyclage ? »), mais son frère Jun Ho, un abruti imbu de lui-même, est pas mal non plus. Les blagues autour des 712 petits jobs que cumule Griselda ne sont pas grand’chose, mais ils tombent toujours parfaitement pour ponctuer une scène, et sur le long terme ça peut vraiment être génial. Et même si Hakim n’est pas, en soi, drôle ; en revanche son regard optimiste voire naïf fonctionne à plusieurs reprises comme du sarcasme involontaire. Le seul point faible à mon sens réside dans la présence de Brady, qui à part clamer qu’il est Américain n’a pas grand’chose à apporter pour le moment. De toute façon, même sans lui, je me suis tapée sur les cuisses pendant la seconde moitié de cet épisode.
Quant à notre politicien de pacotille, qui pendant une décennie et demie n’a rien foutu alors qu’il avait tout pouvoir politique entre ses mains pour améliorer le sort de son prochain, le voilà qui se découvre soudain une vocation. Non seulement parce qu’il réalise qu’il pourrait faire quelque chose, mais parce qu’il comprend que pendant tout ce temps, à de multiples égards, il avait tous les avantages dont ses nouveaux amis manquent : le privilège d’être Américain. C’est à cela, et cela seul, qu’il doit non pas ses réussites, mais d’avoir pu s’autoriser l’échec. En découvrant que le petit groupe travaille sans filet (Drazen est arrêté par ICE en cours de pilote), Modi se donne, lui-même, un coup de pied au derche.

Après une mise en place un peu molle, Sunnyside a donc déjà mis le doigt sur plusieurs de ses points forts. C’est vraiment bien joué, d’autant que la série parvient à éviter avec pas mal d’agilité le piège des stéréotypes racistes… Et montre, notamment dans le cas des interactions entre Modi et sa sœur Mallory, qu’elle a bien conscience de leur existence dans ses ressorts.
Pour avoir réussi à se montrer réellement hilarante pendant sa seconde moitié, mettre en place de solides personnages en place, proposer une large dose de tendresse, et prêter un sens élevé de la signification de ses gags comme de ses intrigues, Sunnyside a officiellement passé le test du pilote haut la main. En fait, je la sacre officiellement coup de cœur américain de cette rentrée ! En espérant que ce soit la première d’une longue liste de cérémonies officielles pour elle.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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