Too soon

8 mai 2021 à 10:56

Ah, la science-fiction ! Domaine de l’imaginaire, voire de l’espoir ! Comme il est bon de songer à voix haute à des futurs où tout est possible ! Comme il est réconfortant de se représenter un monde meilleur, où la technologie a amélioré notre qualité de vie !
Et donc aujourd’hui, on parle de la série égyptienne d’anticipation COVID-25.

Trigger warning : épidémie, auto-mutilation.

Il doit y avoir une chouette ambiance dans les foyers où l’on a choisi, pendant le Ramadan, de regarder cette série qui nous prédit une seconde pandémie (pitié, pas une deuxième) dans moins de 5 ans… Rien que le générique, trois minutes ponctuées en permanence de cris déchirants de douleur, donne bien le cafard. Accrochez-vous, ça ne s’arrange pas pendant la suite du premier épisode.

COVID-25 n’a qu’un seul vrai personnage important, le docteur Yassin Taha Almasry. C’est un homme qui a perdu Ali, son fils de 5 ans, pendant l’épidémie de COVID-19, et ne s’en est jamais vraiment remis. Alors qu’il menait une brillante carrière de chirurgien spécialisé en neurologie, il n’a plus remis les pieds à l’hôpital, et comme beaucoup de parents après un tel deuil, il s’est séparé de son épouse Nahal, qui a la garde de leurs deux autres enfants Bilal et Leila.
Depuis, Yassin passe le plus clair de son temps dans sa maison sur la plage, et se dédie entièrement à sa carrière d’influenceur sur les réseaux sociaux. Il nous est d’ailleurs présenté alors qu’il est en train de faire un livestream depuis la plage, à se demander ce que sont les étranges phénomènes observés partout dans le monde récemment.

Ah oui parce que, effectivement, il y a des petites étrangetés. Aux quatre coins de la planète, des personnes de tout âge, tout genre, toute condition sociale se mettent à… à bugger. Il n’y a pas vraiment d’autre mot pour ça. Elles ne répondent plus aux stimuli extérieurs, elles ont le regard fixe, elles se mettent à osciller légèrement. Parfois répétant des mots inaudibles. Souvent en se mettant en danger. Toujours dans la plus grande incompréhension.
En fait, en plein milieu dudit livestream, derrière lui, un homme donne tous les signes de ce comportement étrange, s’avance dans la mer, et manque de se noyer. Seule l’intervention courageuse de Yassin lui sauve la vie, ce que l’homme ne semble même pas remarquer. Certains accusent Yassin d’avoir mis l’incident en scène, mais on a tendance à penser comme lui que l’accusation est absurde : la série nous a bel et bien montré que ce cas était loin d’être isolé.

Ces phénomènes récents, bien entendu, suscitent beaucoup de questions, et Yassin n’est pas le seul à se demander ce qui peut bien arriver. Ses anciens collègues (tous des hommes, donc), à l’hôpital, reçoivent de plus en plus de ces cas étranges. Leur opinion est assez divisée sur le sujet. Les symptômes neurologiques ne font pas sens, et qu’il y ait de plus en plus de patients pour les manifester n’est pas rassurant. Certains médecins veulent consulter Yassin à ce sujet, puisque son expertise pourrait aider ; mais l’un d’entre eux (dont on apprendra plus tard qu’il entretient une relation avec Nahal) refuse : il pense que c’est l’ego de Yassin qui a causé la mort d’Ali, alors que le taux de mortalité sur les enfants était quasi-nul, et qu’un tel homme n’a pas sa place dans le milieu médical.

Tout cela est très mystérieux… sauf que non. A ma grande surprise, ce premier épisode donne déjà de très sérieuses pistes d’explication à ce qui se passe ! Plutôt surprenant pour un thriller.
Ainsi un flashback détaille également une ancienne présentation faite par Yassin cinq ans plus tôt, lorsqu’il travaillait en collaboration avec un laboratoire pharmaceutique et qu’il planchait sur COVID-19. Il avait alors théorisé que ce qui rendait la pandémie encore relativement « anodine » (toutes proportions gardées, évidemment) était que le virus s’attaquait principalement au système respiratoire, mais que s’il avait été capable d’attaquer le cerveau, les retombées seraient encore plus dramatiques. Je suis sûre que ce n’est absolument pas du foreshadowing.
Une scène nous présente également deux employées de World Global Pharma, un laboratoire qui a joué un rôle capital dans la lutte contre COVID-19, pour lequel on commencerait presque à ressentir de la nostalgie. Presque. Les chercheuses commencent aussi à s’inquiéter de la situation ; en particulier, elles n’arrivent pas à oublier que le laboratoire pour lequel elles travaillent… écoutez, c’est une coïncidence confondante… il n’y a pas si longtemps, WGP avait un projet appelé Virus 12-C, qui donnait des symptômes similaires à ceux observés à travers le monde. Bon, le projet a été abandonné depuis, mais euh, c’est troublant quand même. L’une des employées commence même à se demander si, ma foi, l’intérêt de la R&D en matière vaccinale est limitée pour WGP s’il n’y a pas de nouvelle épidémie régulièrement…
Pire, cela nous sera confirmé, presque totalement, lors d’un échange entre notre héros, forcément inquiet, et le PDG de World Global Pharma. Eh oui, c’est avec lui que Yassin avait travaillé pendant la pandémie précédente ! Du coup il se sent coupable de la tournure dramatique que prennent les choses.

A ce stade, je suis aussi surprise que vous de voir que beaucoup de clés nous sont déjà données, au moins en apparence. Il y a encore des choses floues (comme l’omniprésence des oiseaux, en particulier les corbeaux, dans COVID-25). Mais pour l’essentiel on est quand même beaucoup moins laissées dans l’ignorance que dans la plupart des séries similaires.
Tout cela dans un épisode qui prend aussi le temps de s’adonner à une saine dose l’exposition, de poser des enjeux soapesques assez inattendus (les rapports houleux entre Yassin et son ex-femme Nahal ; Nahal et l’ancien collègue de Yassin dont je ne pense pas qu’on ait prononcé le nom ; les difficultés de Bilal et Leila sans leur père…). On trouve même un peu de suspense, sur la fin, quand il s’avère que Yassin a confié la garde de Leila à ses voisines pour quelques heures, et qu’il a manqué de relever combien son voisin commençait à présenter des symptômes familiers…
Tout ça dans un épisode d’une demi-heure ! Et avec un générique de 3 minutes ! Et dans une saison écourtée de 10 épisodes seulement, en plus, puisque COVID-25 n’a été lancée qu’à la mi-Ramadan (comme plusieurs séries cette année… pour cause de COVID-19), le dernier épisode ayant été proposé hier par la chaîne MBC et sa plateforme Shahid.
Imaginez ce qui doit se passer dans les épisodes suivants, ça doit être du délire. Il n’y a de toute évidence aucun temps mort dans cet épisode introductif, qui en outre est plutôt esthétique.

Malgré tout, je ne vais pas vous mentir, COVID-25 a un goût de too soon.

Peut-être que si ce premier épisode avait un peu plus exploré les traumatismes causés par la pandémie précédente (je sais, je sais : cet épisode en fait déjà beaucoup à bien d’autres égards…), le sentiment serait différent. Le problème c’est que COVID-25 traite la pandémie que nous, en tant que spectatrices, vivons actuellement, comme bénigne et réglée : on y parle de vaccination déjà accomplie, de reprendre une vie normale. Il y a quelques brèves scènes de foule dans ce premier épisode et, comme vous en avez peut-être fait l’expérience vous-même, voir ces groupes compacts de gens suscite encore des sentiments mêlés. Il y a aussi le fait que, bon, c’est un peu conspirationniste tout ça.
J’ai envie de croire que COVID-25 n’est pas qu’un thriller nous disant « boh, allez, ça pourrait être encore pire ». Certains détails permettent encore, à ce stade, de le croire. Mais trop peu. A un moment où la pandémie actuelle est loin d’appartenir au passé, je crois que je ne suis pas prête pour ce que COVID-25 essaie de dire.
Du coup, je me garde les épisodes dans un coin, et je les regarderai dans quelques années. Cela dit on ne sait jamais, avec le recul, ce sera peut-être aussi glaçant que lorsque, sur un coup de tête, je l’ai lancé le pilote de 12 Monkeys le mois dernier…


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Oui effectivement comme tu dis, too soon…

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