S’il n’est pas trop tard

23 avril 2022 à 20:34

« This is how it starts. Everyone thinking they can work with the guy, that they’ll bring him around. It’s like Hitler. Everyone thinking he doesn’t mean what he says. »

Entre deux crises d’angoisse, ces deux dernières semaines, j’ai quand même regardé un peu de télévision. Un peu seulement, parce qu’hyperventiler prend plus de temps que je ne le voudrais ; on ne parle pas assez du gâchis de temps que représente l’anxiété. Je vous rassure, ce ne sera pas mon sujet du jour… mais de façon assez voisine, aujourd’hui, je vous parle du premier épisode de The Plot Against America, une uchronie datant du printemps 2020 que, pour des raisons assez transparentes, j’ai voulu regarder ce printemps-ci. A l’origine, l’idée était de regarder toute la mini-série avant de la reviewer ; cependant, je n’en ai eu ni le temps ni le courage. Il faut savoir reconnaître ses limites. Je ne reviewerai donc ici que le premier épisode.

On est en 1940 et la vie est belle pour les Levin. Cette famille américaine mène une existence paisible à Newark dans le New Jersey, au sein d’un quartier essentiellement habité par des familles juives, comme les Levin. Herman et Bess y élèvent donc leurs deux fils, Sandy et Philip, tout en participant à la vie de leur communauté où tout le monde les connaît. Leur famille étendue inclut également Alvin, le neveu de Herman, et Evelyn, la sœur aînée de Bess qui s’occupe de leur mère atteinte d’une légère démence. Lorsque commence la série, outre ce cadre idyllique pour qui a des aspirations de la classe moyenne, Herman Levin se voit proposer une promotion qui leur permettrait de déménager pour sa propre maison (la famille occupe un étage seulement de la résidence où elle habite actuellement) dans un quartier légèrement plus cossu. C’est dire si tout va bien.

Sauf qu’évidemment, on est en 1940. En Europe, la guerre a éclaté, et l’Amérique est divisée entre deux options : intervenir ou non. Le Président Roosevelt pense que les forces armées étasuniennes devraient s’engager dans la guerre, mais c’est loin d’être l’avis de tout le monde, et en particulier Charles Lindbergh, le célèbre aviateur, ne fait aucun secret de sa position anti-guerre. Apparaissant régulièrement dans la presse et aux informations, Lindbergh est même assez volubile, expliquant abondamment que non seulement il pense qu’il ne faut pas envoyer de troupes en Europe, mais que cette guerre est la faute de la communauté juive, et que c’est la main de celle-ci qui essaie d’influencer la décision d’entrer dans le conflit armé. Dans la maison des Levin, évidemment, ce discours est inquiétant ; à quelques mois de l’élection présidentielle, la popularité croissante de Lindbergh a de quoi inquiéter.

« He’s giving permission. He’s a goddamn hero. So, if he says it, every anti-Semite has permission. »

Le premier épisode de The Plot Against America replace les choses dans leur contexte historique avant de les faire diverger franchement : dans notre réalité, Charles Lindbergh était effectivement un antisémite notoire, mais il ne s’est jamais présenté aux présidentielles de 1940. Dans la série, son discours prend de l’ampleur, et même si au sein du quartier où résident les Levin, personne ne semble le prendre au sérieux, en revanche tout le monde prend très au sérieux l’impact de son discours sur le grand public.

L’épisode est ainsi émaillé de scènes pendant lesquelles Herman Levin, entouré soit de sa famille, soit de voisines, soit d’amis, discute des événements politiques du moment. Comme son entourage proche est également juif (et que la série n’introduit de personnage juif anti-guerre que vers la toute fin de cet épisode d’exposition), les commentaires échangés sont outrés et/ou inquiets, bien qu’à divers degrés. Tout le monde autour de lui a conscience du danger que représentent les discours de Lindbergh.
Mais est-ce suffisant pour éviter le pire ? Y a-t-il seulement un moyen d’éviter le pire ? Ce que les Levin craignent, ce n’est pas juste une présidence. Ce sont les sympathisants de Lindbergh qui se réunissent dans une taverne bavaroise, ou qui rouent de coups des Juifs à la tombée de la nuit, discrètement. Le danger, ce n’est pas seulement Lindbergh lui-même, mais ce qu’il incarne, et le fait qu’il l’incarne pour un nombre grandissant de compatriotes des Levin. Ce qui inquiète, c’est que pour le moment, hors la communauté juive de Newark dans le New Jersey, l’Amérique ne semble pas s’inquiéter assez.

« My brother was in Berlin back in ’32. He wrote to us about what Goebbels and Hitler were up to. The government there, they played by the rules. The Nazis, they made a joke of every damn rule. »


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. Tiadeets dit :

    Oui, non, c’est intéressant comme sujet, mais pas forcément le sujet qu’on a envie de suivre en ce moment.

    • ladyteruki dit :

      Il y a deux façons de le voir : soit c’est pas du tout le moment (…mais je crois que dans ce cas on est mal parties pour qu’il y ait un moment, un jour), soit c’est tout le temps le moment XD Tout dépend si on cherche une catharsis ou non, je pense ; et ya des thèmes pour lesquels c’est plus compliqué de la trouver réellement.

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