Mommy issues

6 décembre 2022 à 23:16

Étant donné la tournure des derniers mois, vous serez peu surprise d’apprendre que j’ai pris un peu de « retard » sur les diverses rentrées télévisuelles de la planète. La bonne nouvelle, c’est que je ne crois franchement pas au retard en téléphagie, vu que les séries ne s’auto-détruisent pas ; ça veut juste dire que j’ai l’embarras du choix en matière de nouveautés à tester.
C’est d’ailleurs une expérience intéressante que de se lancer dans une série dont on a entendu parler en pointillés depuis plusieurs mois : on s’est un peu fait une idée (un peu malgré soi) de ce à quoi elle pourrait ressembler, alors qu’au final, rien ne vaut un visionnage pour se faire une opinion réelle de si elle nous plaît. Or, il s’avère que So Help Me Todd a pas mal fait parler d’elle depuis son lancement à la rentrée ; elle n’est pas spécialement populaire dans les cercles que je lis… mais elle est populaire partout ailleurs ! C’est même la troisième nouveauté de la rentrée automnale en termes d’audiences, derrière Fire Country (qui m’a donné des envies de m’auto-trépaner, même si ça n’aurait sûrement pas entravé ma compréhension de l’intrigue du pilote) et East New York (qui est à base de poulet). Des services d’urgence, de la flicaille, et du juridique ; ça va, le public américain ne prend pas franchement de risques. Du coup, inutile de préciser que CBS (qui propose les trois séries) ne va pas en prendre beaucoup plus, et a déjà renouvelé tout ce petit monde.

So Help Me Todd a, au moins, le mérite d’être une dramédie ne se prenant pas exagérément au sérieux, et de mêler à ses intrigues de legal drama un aspect familial permettant de sortir légèrement des sentiers battus. Son principe ? Une avocate et son fils adulte, anciennement détective privé désormais interdit d’exercer, se retrouvent à collaborer lorsque le mari de la mère disparaît brutalement. L’occasion, évidemment, d’explorer tout ce qui sépare ces deux membres d’une même famille où, par ailleurs, tout le monde semble bien s’entendre. Todd et Margaret vont devoir se confronter au regard de l’autre sur un plan privé, et, bientôt, sur un plan professionnel, ce qui ne va pas manquer de créer des frictions nouvelles vu que leur éthique est aussi radicalement différente que leurs personnalités.

En toute honnêteté, j’ai eu beaucoup de mal à regarder ce premier épisode sans penser à de nombreuses reprises à The Good Wife. Comme cette dernière, So Help Me Todd tente un mélange des genres qui n’est peut-être pas entièrement inédit, mais qui permet de rebattre les cartes du genre de façon à se garder quelques surprises dramatiques dans la manche. Le ton est évidemment très différent, mais en termes de formule, pas tellement : l’équilibre professionnel/privé est au cœur des deux séries.
C’est même tellement évident que mon plus grand regret après le visionnage de ce pilote est que ses protagonistes ne comprennent pas plus tôt dans quelle genre de série elles se trouvent. Il est couru d’avance que Todd et Margaret vont devoir travailler ensemble tôt ou tard, alors autant que ce soit tôt, non ? Non, rien à faire, les deux personnages se chamaillent en attendant avec impatience de n’avoir plus à être dans la même pièce (ou voiture), alors qu’il est évident que c’est tout le contraire qui les attend. Toutefois, cet aspect de l’épisode introductif a beau être irritant, et légèrement infantilisant, je n’oublie pas que ce n’est qu’un premier épisode, et qu’il faut qu’exposition se passe… D’ailleurs, le premier épisode de The Good Wife ne m’avait pas fait une grande impression au moment de mon tout premier visionnage non plus, et ce n’est qu’en cours de première saison que la série a trouvé un meilleur équilibre, ainsi que su révéler ses qualités. Du coup, j’ai du mal à en vouloir à So Help Me Todd si vite.

Ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’ai pensé en permanence à The Good Wife : les bureaux du cabinet d’avocats où va se dérouler la majeure partie de l’intrigue introduite ici présente une troublante ressemblance visuelle avec les bureaux de Stern, Lockhart & Gardner (en particulier au début). Je suis à deux doigts de penser que c’est exactement les mêmes décors, mais j’ai la flemme d’aller vérifier. Probablement pas, de toute façon.
En outre, il n’y a pas des centaines de legal dramas à s’être intéressés au rôle des enquêtrices privées embauchées par les cabinets juridiques pour leurs investigations ; ici de toute évidence, Todd va kalinder pour le compte de Margaret. L’épisode introductif insiste sur les techniques employées par Todd (et, à l’occasion, par Margaret), ainsi que son goût pour le mensonge et les petits bricolages avec la loi, ce qui fait le « charme » de cette profession dans les séries, et personnellement j’ai toujours regretté qu’on ne voit pas plus ce que faisait Kalinda dans The Good Wife. Vu les tensions entre la mère et le fils, pas sûre qu’on évite un split-screen non plus, d’ailleurs.

Et puis, il y a l’aspect plus sombre qui frémit sous ces ingrédients prompts à attirer le grand public. La relation entre Todd et Margaret est tendue, et ça ne date pas d’hier ; cet épisode introductif n’a pas le temps de psychanalyser la relation dans son intégralité (c’est, après tout, ce pour quoi les épisodes suivants sont faits), mais il ne fait aucun doute que les problèmes sont profonds. Et multifactoriels. L’épisode démarre en essayant de faire passer Todd pour un irresponsable que toute sa famille se sent obligée de traiter comme un grand enfant ; mais à mesure que le temps passe, on comprend que les torts sont probablement partagés. Ce qui évidemment joue contre Todd, c’est sa dépendance financière (et juridique) à sa famille, une situation infantilisante qui a permis à sa mère ou sa sœur d’oublier combien il est compétent ; l’épisode vient remettre les points sur les « i », sans toutefois faire du fils un héros incompris.
Deux scènes m’ont particulièrement touchée, dans un épisode qui pourtant essayait de rester léger : une scène à table, pendant un repas de famille auquel Todd réalise qu’il n’a pas été invité alors qu’il se tient chaque semaine depuis des lustres, ce qui est la recette parfaite pour un clash avec tout le monde. Le déballage qui se tient pendant cette scène se conclut de façon suffocante (quoique ce sont peut-être mes traumas qui parlent), et même si, sur un strict aspect tonal, So Help Me Todd se corrige vite pour retrouver autant de légèreté que possible, le fait que cette scène existe est fascinant, et, en ce qui me concerne, prometteur. Mais l’épisode fait même un pas supplémentaire quand, plus tard, la grande sœur de Todd (considérée jusque là comme le parfait exemple de tout ce qu’il devrait aspirer à être) confesse à demi-mots être insatisfaite par son existence, et blâmer un peu leur mère pour tout cela elle aussi. Si j’étais taquine, j’ajouterais que l’absence d’un troisième adelphe, est également un indice de la façon dont la série pourrait explorer quelque chose de puissant. Cette espèce de « twist à la Madrigal », montrant combien Todd n’est pas le mouton noir mais simplement une conséquence différente des exactes mêmes causes, vient s’ajouter à tout le discours tenu par le mari de Margaret quand, finalement, Todd lui met la main dessus en fin d’épisode. Bref, au final, So Help Me Todd a de la matière pour à l’avenir raconter des tensions familiales riches en nuances et paradoxes, à un niveau moins soapesque que, disons, Blue Bloods.

Dans l’ensemble, So Help Me Todd n’est pas la pire nouveauté étasunienne de la saison (je n’ai pas encore vu toutes lesdites nouveautés, mais en ce qui me concerne je suis d’ores et déjà prête à remettre le prix à Fire Country sans sourciller). Ce n’est pas non plus la meilleure, entendons-nous bien, mais ce premier épisode n’est pas le navet que je pensais trouver, à entendre autrui en parler. A tout prendre, So Help Me Todd est du niveau de dramédies juridiques du câble, genre Suits. Est-ce que ce sont de grandes séries, évidemment que non (…en dépit de ce que Youtube Shorts persiste à me faire croire en me fourguant des extraits de Suits à longueur de scrolling). Ce ne sont pas non plus des abominations… même si So Help Me Todd devait, avec le temps, connaître le même genre de tournure que, disons, Fairly Legal. Mon plus grand regret à ce stade, c’est que l’intrigue autour du mari de Margaret ne dure pas : j’en aurais volontiers fait un fil rouge, venant se superposer aux intrigues plus courtes sur les affaires traitées par Margaret, et sur lesquelles Todd enquête pour elle. Cela dit, encore une fois, on est sur CBS, où l’on a décidé que les spectatrices n’avaient pas la capacité mentale pour autre chose que du procédural.
Reste que si toutes les séries procédurales étaient aussi divertissantes que So Help Me Todd, je les éviterais moins souvent.
Je vais encore lui donner quelques épisodes pour décider quel genre d’équilibre elle veut trouver… c’est toujours mieux que les pompiers de Californie. Vous me direz, tout est mieux que les pompiers de Californie.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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