Ce qui est sympa avec Persons Unknown, c’est qu’on sent immédiatement les gars qui ont des références. Voire un peu trop, éventuellement…
Ce qui est vraiment dommage dans ce pilote, par contre, c’est surtout la façon dont il commence. On nous présente une gentille maman qui a l’air d’avoir de gros soucis, et qui va en avoir plus encore lorsqu’elle va se faire kidnapper à deux pas de sa petite fille. Bon, à la limite, ça évite le flashback par la suite, mais dans l’ensemble c’est un peu convenu. On se serait très bien contentés d’un réveil froid et sordide dans une chambre d’hôtel vide… commencer de cette façon aurait été une bonne manière d’assumer l’ambiance oppressante à la Silent Hill qui se dégage de la suite des évènements.
Mais pas que Silent Hill. Persons Unknown connait décidément ses classiques, et même ses un peu moins classiques. Il y a du Prisonnier, du LOST et un rien de Harper’s Island sur la fin (mais ne vous enfuyez pas tout de suite, car aussi surprenant que ça puisse paraitre, c’est une bonne chose). Tout ça peut sembler un rien opportuniste (ou suicidaire, selon le point de vue), mais étrangement, ça fonctionne bien.
Pourtant Persons Unknown se montre dans un premier temps assez simpliste, et peu surprenant. La première partie du pilote nous montre comment se constitue l’équipe des personnages principaux, tous des « otages » retenus dans un petit bourg mystérieux et désert, comme il se doit, placés sous surveillance permanente, et baignant nécessairement dans une ambiance pesante de suspicion mutuelle permanente. Ce sont les règles du jeu et Persons Unknown va les suivre à la lettre pendant un bon moment : opposition des personnages sur la conduite à tenir, climat d’angoisse généré par l’ignorance dans laquelle ils sont plongés, solitude insoutenable d’un groupe totalement perdu et qui va vite se rendre compte qu’il est coincé dans un huis clos on-ne-peut-plus classique.
Si cette partie du pilote manque résolument d’originalité, elle compense largement sur l’atmosphère et la mise en place de l’univers. C’est là que les références se font le plus sentir, et cette façon de sacrifier à tous les clichés du genre est une manière comme une autre de construire les bases à partir desquelles on pourra éventuellement être surpris par la suite. Bien qu’étant visuellement assez peu recherché, les prises de vue permettent cependant de donner des indices assez subtils sur l’éventuel développement de la situation.
Il y a notamment une séquence très intéressante au cours de laquelle les personnages parviennent à sortir de l’hôtel dans lequel ils se sont réveillés, et découvrent la rue autour d’eux ; les enseignes des magasins environnants donnent une petite idée des perspectives d’avenir de la série. Quand la caméra choisit de mettre en avant la devanture d’un magasin de chasse et le bureau du shérif, on se dit que ce serait très étonnant si tout ce beau monde se contentait de partager une seule arme à feu…
Avec quelques suggestions fugaces mais volontairement montrées, on peut se risquer à penser que les scénaristes de Persons Unknown savent où ils vont, ce qui, vu le genre choisi, est une excellente nouvelle.
Car dés qu’on commence à s’attaquer à la mythologie potentielle de la série, on se retrouve en terrain très glissant ; d’autant qu’avec la fin de LOST, on est en droit de craindre un effet d’opportunisme. Le huis clos n’est pas anodin.
A ce stade, et jusqu’à la fin du pilote, on va nous amener à nous poser beaucoup de questions (c’est normal, là aussi c’est le but du jeu), mais les réponses sont à double tranchant. Il y a moyen d’y répondre avec beaucoup d’intelligence, et au vu du pilote j’en crois Persons Unknown capable, mais il est encore possible de choisir la facilité plutôt que l’excellence, et c’est un peu quitte ou double.
Toute la seconde partie du pilote est justement dédiée au développement des questionnements sur la série :
– Qui a kidnappé les « otages » ? La première et la plus évidente des questions pour les « otages » (c’est leur terme, pas le mien). Spontanément, ceux-ci commencent à envisager le monde avec eux-mêmes d’un côté, et « les autres » en face. Des autres invisibles dont on essaye de comprendre les motifs, ce qui complique passablement la tâche.
– Pourquoi les a-t-on kidnappés ? La question de l’argent est abordée en premier, mais d’autres pistes sont esquissées, forcément plus intéressantes, et pouvant ouvrir sur quelque chose d’autrement plus intellectuellement stimulant que le voyage dans le temps (suivez mon regard). Le passage au cours duquel le journaliste se rapproche de la mère de
Janet pour enquêter sur la disparition de cette dernière ouvre quelques
intéressantes perspectives en forme de poupée gigogne : la mère de Janet a des
choses à cacher, mais est-elle complice ou victime ?
– Qu’attend-on des « otages » ? Pourquoi ne pas simplement les tuer ? C’est certainement ma question préférée, mais c’est aussi celle qui est la plus risquée à ce stade. La question de l’argent balayée, on se retrouve avec d’intéressantes perspectives, renforcées par la présence constante de caméras et, bien-sûr, par le cliffhanger.
Parmi les thématiques que les plus optimistes d’entre nous peuvent espérer voir abordées dans la série, mentionnons naturellement le problème de la (video)surveillance et du voyeurisme, les problèmes moraux que poseront sans doute les fortune cookies (lesquels sont d’intéressants gimmicks en puissance), le hasard, et peut-être même quelques expériences psychologiques de l’extrême. A contrario, si tout ça ne se concrétise pas, on est dans la configuration Harper’s Island et sa façon très littérale d’aborder son sujet de départ, voire dans l’art de se faire balader selon LOST, ce qui serait très décevant mais encore totalement possible à ce stade. Comme je l’ai dit, c’est vraiment quitte ou double.
Les théories sont stimulées pendant toute la seconde partie du pilote, là encore ça fait partie du jeu, et l’épisode s’en moque même ouvertement (avec le passage sur les Chinois). On essaye en permanence d’essayer de deviner ce qui se passe, et c’est vraiment agréable d’en être à ce stade où tout est possible, et où on ne se rappelle pas que Persons Unknown est une série diffusée sur un network et pas forcément aussi ambitieuse qu’on pourrait l’espérer. Non, pour l’instant, tous les espoirs sont permis. J’ai aimé jonglé avec les idées et les perspectives. Si l’enlèvement relève de l’expérience humaine et psychologique, c’est intéressant. Si l’enlèvement est le fait d’une organisation quelconque, par exemple permettant de se débarrasser de personnes encombrantes sans les tuer, c’est encore plus prometteur. On verra bien…
Globalement, Persons Unknown fournit un bon pilote, et propose résolument un background solide sur lequel elle peut fonder une mythologie convaincante. Mais dans ce genre de situations, les choix faits ultérieurement peuvent tout faire basculer. Du coup, je veux bien me dévouer pour voir comment ça tourne… disons que j’attends jusqu’à l’arrivée de Kandyse, et j’avise…?
Personnellement, j’ai été très content aussi de ce premier épisode (zut, je pensais pas que tu allais citer Silent Hill dis donc ! Je sais pas pourquoi, je me disais que tu ne t’étais pas risqué au genre jeu/film… Même si c’est l’une des références auxquelles j’ai pensé, avec Cube du côté des films… Pour le Prisonnier, pas vu mais j’ai supposé. Pour Lost, le côté groupe sans aucun doute…).
Il fait pour le moment plus sérieux que Harper’s Island l’année précédente. Y’a une bonne ambiance et effectivement de quoi faire. Maintenant, sachant que la série est lancée uniquement sur 13 épisodes, j’espère vraiment que les scénaristes savent où ils vont (je dirais oui, a priori) histoire de faire une bonne petite série de genre, exercice pas évident avec ce pitch qui tient plus du film et qui tient rarement sur la longueur.
J’ai été un peu surpris par tout le monde qu’il y avait dans cette ville néanmoins, mais pourquoi pas.
Pour la vidéo-surveillance, y’a une réflexion qui m’a fait penser que ça pouvait être intéressant que ce soit abordé comme des personnages de séries qui savent qu’ils sont regardés par des téléspectateurs (ce qui est une reformulation un peu tordue du parallèle avec la télé-réalité en fin de compte, mais j’aimais le côté parallèle avec nous en tant que téléspectateur de série… ).
Bref, hâte de voir la suite ! ^_^