Plaidoirie muette

5 mai 2019 à 13:51

Il y a les reviews de pilote écrites avant même d’avoir ouvert un onglet. Ces reviews qui semblent apparaitre à l’écran en même temps que l’épisode vu, comme si les mots s’affichaient à la place des sous-titres. On sait ce qu’on en pense, on sait ce qu’on veut en dire.
Et puis il y a l’autre type de review. Le genre de review qui fait la difficile, qui refuse de sortir, qui se calfeutre dans un mutisme agaçant.

Le pire c’est qu’il n’y a pas toujours de bonne raison à cela. La série ne semble en soit pas mauvaise. Elle n’a juste laissé aucune impression marquante… mais qui est en faute au juste ?
Aber Bergen, un legal drama norvégien, semblait pourtant m’être destiné.

Surtout que j’ai une grande affection pour les legal dramas. C’est un genre qui exige rien moins qu’une intelligence extrême et raffinée pour réussir ; dés qu’une série met en scène des avocats, qu’ils plaident ou non, l’habileté intellectuelle est un pré-requis. Tout simplement parce que la profession dont il est question implique de maîtriser des subtilités de raisonnement et de langage qu’un scénariste doit être capable non seulement de retranscrire, mais surtout d’imaginer (évidemment certains ont un avantage évident s’ils ont été avocats par le passé, et David E. Kelley est l’exemple le plus frappant en la matière). Trouver la bonne stratégie pour un dossier, plaider avec le bon argument qui fera mouche, négocier âprement avec la partie adverse… autant de choses essentielles qu’un personnage d’avocat doit accomplir à longueur de saison, et qu’un scénariste ne peut se permettre d’écrire avec les pieds sans quoi c’est la légitimité du protagoniste qui est ruinée.
Ce type de défi rend le legal drama excitant à regarder (et pas juste à découvrir, d’ailleurs). Voir jusqu’où les scénaristes pousseront la finesse d’esprit est un régal. Plusieurs de mes plus longues histoires téléphagiques ont été vécues avec des legal dramas.

Alors encore une fois, Aber Bergen m’était vraiment destinée. La série s’intéresse en effet à un cabinet tenu par deux avocats hors pair, qui s’avèrent également être un couple divorcé : Erik Aber et Elea Bergen (…d’où le titre de la série ; mais celle-ci se déroule aussi dans la ville de Bergen du coup le jeu de mot est en sus). Bien que leur relation ne soit plus celle d’avant, et qu’il leur arrive encore d’être un peu sec l’un vis-à-vis de l’autre, Erik et Elea travaillent plutôt bien ensemble, en dépit de leur style radicalement opposé. Un style qui d’ailleurs s’étend à leur vie privée…

Donc au juste pourquoi j’ai beau secouer cette review quand rien n’en sort ? Les éléments de départ sont présents ; les protagonistes plutôt bien écrits d’autant qu’ils envisagent leur métier très différemment ; l’affaire majeure de ce premier épisode est relativement solide (pas très excitante, mais ma foi, c’est quand même un épisode d’exposition). Vraiment je ne comprends pas pourquoi cet épisode ne m’a pas fait plus forte impression.
Au lieu de ça, je vais vous dire à quoi j’ai pensé pendant que j’essayais de rassembler mes impressions sur Aber Bergen : j’ai eu envie de me refaire le legal drama islandais Réttur. Au juste je ne sais pas trop ce qui a suscité cela, en-dehors éventuellement d’un personnage central peu sympathique en commun (quoique très différents d’une série à l’autre), mais cette nostalgie m’a prise à la gorge et j’ai ressorti mes DVD. Cela n’a pas vraiment de sens.

Au final… ce que l’on pense et ressent devant des séries n’a pas toujours du sens. Ou pas de sens profond. Ou pas de façon évidente ; peut-être que ça m’apparaîtra dans quelques temps, en regardant autre chose, et qu’en dressant une comparaison je qualifierai plus précisément ce que je pense d’Aber Bergen.
Cela arrive et ce n’est pas grave. On n’est pas toujours dans les conditions idéales pour mettre les mots exacts sur une impression vague, et c’est parfaitement acceptable (y compris voire surtout à l’heure où une impression sur une série doit tenir en un tweet incluant un hashtag, une review brève, un bon mot, et un minimum de distance sarcastique de rigueur…). Toutes les séries que l’on regarde sans déplaisir ne méritent d’ailleurs pas nécessairement qu’on se creuse pour en parler ; juste évoquer leur existence, parfois couronnée de succès (Aber Bergen est multi-nommée lors des Gullruten), suffit à l’occasion. Et donc en l’occurrence, je n’ai pas détesté Aber Bergen, je ne sais juste pas trop s’il y a grand’chose à en dire. Je garde aussi à l’esprit que parfois mes impressions sur un seul épisode (surtout qu’elles constituent la majorité de mes écrits sur mes visionnages) sont parfois extrêmes et/ou expéditives, et que ce n’est pas plus mal qu’Aber Bergen ne m’ait pas lancée, comme ça peut parfois être le cas, dans une opinion tranchée dans un sens ou dans l’autre, que je finis par regretter ensuite. Après tout, je n’avais pas tellement aimé le premier épisode de The Good Wife
Une review est un exercice fluctuant, qui au-delà de parler d’une série, parle de la personne qui la regarde. Cette personne peut aussi avoir un moment de flottement ; parfois regarder une série sur un genre dont on attend la plus grande finesse, quand on n’est pas dans les meilleures conditions pour le faire, c’est admettre de passer à côté de certains aspects. Je crois qu’on a tous fait l’expérience de regarder une série à un moment donné, parce qu’elle passait par là, sans forcément être dans les meilleures conditions pour le faire, donc pas les meilleures conditions pour l’apprécier, et donc certainement pas les meilleures conditions pour en parler.
Dans le fond, il y a de quoi dire plein de choses dans une review peu bavarde.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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