Don’t get them started

1 août 2016 à 12:22

Et s’il suffisait d’une application mobile pour éliminer le racisme ?
C’est l’idée de départ du premier épisode de Thingstarter, une comédie du service de VOD Seeso qui installe ses cameras dans les bureaux d’une start-up spécialisée dans le crowdsourcing de projets novateurs, et dont le premier épisode est mis à disposition sur Youtube.

Thingstarter-650

Le concept de départ de Thingstarter, la série, est de se pencher sur le concept fondateur de Thingstarter, la start-up : chaque semaine, la communauté du site de Thingstarter choisit un projet, que l’équipe de l’entreprise va donc essayer de monter et de rendre commercialisable. La boîte est dirigée par son fondateur, Justin Parker, convaincu de tenir l’idée du siècle et de gérer la meilleure entreprise au monde ; il croit également dur comme fer que l’échec est au centre de la démarche de Thingstarter, car il aurait plus de valeur que la réussite. C’est ce genre d’idées qui a poussé les investisseurs finançant la start-up, représentés par Ryan Slate, à embaucher une gestionnaire, Alexandra Duffy, qui a beaucoup plus la tête sur les épaules et assure la partie financière des opérations. Thingstarter inclut également une responsable du marketing, Kim Waverly (bien qu’en réalité la fonction ait été renommée « resident storyteller » parce que le marketing est un gros mot dans la culture start-up !). Kim s’appuie sur des focus groups (des réunions de consommateurs) pour décider de l’orientation à donner aux produits et à leur commercialisation. Au bas de la pyramide, on trouve souvent le concepteur de produits, Darren Lawford, qui doit non seulement composer avec les délires de sa hiérarchie mais aussi travailler avec les membres de la communauté dont le projet est retenu par Thingstarter.
Dans le premier épisode, le projet ainsi choisi s’appelle iNotRacist.

A défaut d’être l’application sociale du future, iNotRacist est une idée parfaite pour un épisode introductif : l’application est l’occasion de faire bien plus que mettre à jour le ridicule d’une petite boîte comme Thingstarter. Là où beaucoup de comédies, a fortiori tournées façon mockumentary, se contenteraient de souligner la culture d’entreprise grotesque dans laquelle tout ce petit monde évolue, poussant ses protagonistes à mettre en lumière leur médiocrité, Thingstarter prend tout de suite un peu de distance grâce à iNotRacist, et fait plus que critiquer un microcosme.

Thingstarter-iNotRacist-300Car évidemment, iNotRacist, l’application qui veut résoudre le racisme… est un projet totalement raciste. Sauf que dans l’ambiance essentiellement blanche des locaux de Thingstarter (Darren est le seul employé de la start-up à être racisé, et il n’est pas écouté), personne ne semble s’en apercevoir !
iNotRacist, conçue par un membre de la communauté appelé Caleb McCarthy, suggère en effet qu’un système à points pourrait motiver les gens à être moins racistes (« so you can finally get credit for all of your non-racism »). Apprendre à manger correctement avec des baguettes, avoir un colocataire Afro-américain, sortir avec une personne d’un autre groupe ethnique, adopter un bébé africain, et ainsi de suite, sont autant de comportements qui permettent à l’utilisateur de gagner un nombre variable de points… Thingstarter réfléchit au type de récompenses que cela pourrait engendrer, mais une chose est sûre : un classement des meilleurs membres d’iNotRacist permettrait de voir qui, parmi un groupe d’amis ou au sein d’une famille, est le moins raciste, et c’est ça qui rendra le monde meilleur !
Les premières questions commencent à être soulevées par le focus group réuni pour discuter des spécificités d’iNotRacist. Et c’est là une autre caractéristique de Thingstarter : la série convoque en effet de véritables consommateurs pour ces focus groups, qui réagissent donc en pensant qu’il s’agit d’un produit réellement en train d’être développé. Réagissant hors-script, les usagers donnent des opinions plus ou moins surprenantes (l’une des consommatrices suggère comme récompense un Tshirt « couleur Navajo »…). C’est en tous cas une idée très sympathique de la part d’une série déjà à la croisée des genres (la comédie pure et le documentaire) que d’utiliser ces interventions authentiques comme part de son ADN ; Thingstarter avertit les spectateurs que ce focus group n’est pas au courant qu’il s’agit d’un projet imaginaire, en revanche l’épisode ne nous montrera pas les coulisses de ce focus group, en cela qu’il ne s’agit pas d’une camera cachée (« surprise, surprise, iNotRacist n’est pas vraiment en développement ! ») mais vraiment  d’un outil comique dans l’arsenal de la série.

Toujours est-il qu’après les premiers doutes apportés par les consommateurs eux-mêmes, la hiérarchie de Thingstarter commence à s’inquiéter et fait appel à un expert pour décider si, oui ou non, iNotRacist est bel et bien raciste. Et le verdict est sans appel, à plus forte raison parce que Caleb s’enfonce encore plus face à l’expert. Thingstarter a alors entièrement basculé dans la satire sociétale à ce stade. L’épisode ne s’intéresse plus franchement aux employés de la start-up (l’intrigue semble à peine relever qu’Alexandra est tout d’un coup hostile au projet maintenant que son potentiel échec est mis en lumière par le focus group puis l’expert), et même la fête célébrant les 2 ans d’existence de la start-up n’a plus grand’chose à avoir avec les dynamiques internes, et tout à avoir avec le devenir d’iNotRacist.
Fidèle à lui-même, le fondateur Justin Parker a en effet invité les créateurs des plus gros échecs de Thingstarter à la célébration, et puisque sa start-up est avant tout orientée vers sa communauté, il décide de laisser le choix à ces ratés de décider si iNotRacist doit être développée ou pas.

Franchement, les péripéties autour de cette application stupide sont délicieuses. Décider d’utiliser les personnages peuplant la start-up pour parler de choses plus vastes joue vraiment en faveur de Thingstarter. Pour moi qui ai tellement de mal avec le mockumentary (un genre prompt à l’humiliation, mettant souvent en scène des personnages nombrilistes assez vides, et qui, à mon sens, donne des épisodes extrêmement répétitifs), je me suis sentie un peu réconciliée par ce projet d’iNotRacist qui dénonce bien plus que le système des start-ups. Je me pose encore la question de la répétitivité, en cela que je ne sais pas trop comment les épisodes suivants de Thingstarter pourraient étendre leur critique à beaucoup d’autres domaines sans tourner vite en rond (start-up veut développer un projet original -> projet tone deaf s’avère être en inadéquation avec la réalité -> personne ne s’en aperçoit avant qu’il ne soit trop tard -> nouvel échec pour Thingstarter). Mais je serais plus encline à laisser à Thingstarter une chance de prouver sa valeur qu’à la plupart des comédies mockumentary de la planète.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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