Au nom du Père ?

30 septembre 2004 à 18:18

C’est un vaste sujet, qui renvoie à beaucoup de choses… Et comme le sujet était né sur un forum que je fréquente, voilà notre premier thème.

Ma famille a une histoire religieuse complexe, et selon moi, sitôt qu’on parle de religion on parle forcément à un moment de la famille. et, tout de suite, je me sens sur mon terrain.

Ma grand’mère maternelle était baptisée catholique, comme le reste de sa famille. Mais pendant la 2nde guerre mondiale (elle avait entre 10 et 15 ans), elle a été ulcérée et choquée par le comportement des Catholiques qu’elle a rencontrés, même et en fait surtout par les religieux à proprement parler. Elle a connu un curé collabo, d’après ce que j’ai compris, ça n’aide pas, et aussi il y a eu un problème avec des bonnes soeurs qui vraisemblablement se sont détournées des nécessiteux, alors que la charité chrétienne supposait qu’elles accueillent des gens comme ma grand’mère, qui tentaient d’échapper aux camps de travail (de fait, c’est là qu’elle a atterri avec sa mère et ses petites soeurs, eh oui sale époque, faisait pas bon être Polonais ou pire, Allemand exilé en France, et habitant, de surcroît, en Alsace. Il s’avère que la famille de ma grand’mère maternelle était tout cela à la fois…) Bref, écoeurée, elle a renié sa foi et s’est faite protestante (là où j’avoue, je ne vois pas vraiment un signe de changement marquant mais bon). De fait, ma mère est baptisée protestante aussi, et par voie de conséquence, ma soeur et moi le sommes. C’est là que les choses sont assez dingues. Ma mère ? Elle croît, sans plus. Ne prie pas, ne pratique pas, rien. Elle a juste cette étrange constante dans sa vie : Dieu existe. Mais elle ne fait pas « affaires » avec lui de quelque façon que ce soit. En fait une fois que je mettais le sujet sur le tapis, non sans beaucoup de maladresse car il est des familles dans lesquelles on se livre peu, j’ai appris avec surprise qu’elle était croyante, je devais avoir au bas mot une quinzaine d’années. Ma soeur ? Petite, c’était un grand flou artistique sur ce point. Et puis, il y a quelques années, elle a commencé à afficher un portrait de la Vierge au-dessus de son lit, porter une croix autour du cou dont elle est incapable de se séparer ou presque (toute massive qu’elle soit), et je la soupçonne de prier de temps à autres, bien que ce soit l’un des nombreux sujets que ma famille n’évoque jamais, ou avec mystère, comme quelque chose d’inavouable. Alors que je serais encline à penser qu’on a envie de faire connaître à d’autres la sérénité que notre foi nous apporte…

Quant à moi, vraiment… Il paraît qu’étant petite, je priais souvent et aimais aller dans les églises. Je n’en ai pas le souvenir. Je sais que j’ai passé la majeure partie de ma vie à me le demander. Chaque fois que mon père faisait ou disait des choses insupportables pour moi, je sais que mon réflexe une fois seule était de lever les yeux au ciel en pleurant et demandant « pourquoi ? ». Sans doute que, n’ayant jamais trouvé de réponse acceptable, je me suis détournée de toute forme de religion. A une certaine époque de ma vie, c’en était presque à un état de révulsion, sans doute parce que j’ai, moi aussi, croisé le chemin de personnes qui se disaient ferventes et pieuses, mais dont le comportement odieux m’a profondément marquée (tu ne t’en souviens pas mais moi je pleure tous les 9 octobre…)

J’estimais avoir plus ou moins pris position, quand certaines choses ont changé ma façon d’appréhender ce problème. D’abord, j’ai été mise en contact avec la religion juive (oui, oui, tout-à-fait, y compris via Une Nounou d’Enfer), dont l’état d’esprit s’est avéré plutôt proche du mien (dans ses formes les moins radicales, cependant). Je me suis reconnue dans pas mal de choses provenant de cette religion, la façon de penser, la culture, même… Vers la fin de mes années de lycée, j’envisageais sérieusement une conversion. Enfin, envisager seulement, car je n’étais clairement pas prête à sauter le pas. D’ailleurs d’autres faits marquants de ma vie m’ont fait mettre cette préoccupation de côté.

Le second évènement à avoir ébranlé mes convictions a été le 11 septembre. Pas n’importe lequel : LE 11 septembre. Vous voyez. Ce jour-là, je me suis effondrée en larmes. Parce que les Etats-Unis sont une des patries d’adoption de mon âme (car en plus d’être relativement apolitique et athée, je suis aussi apatride… ou plutôt, multipatride), parce que la seule pensée de milliers de gens en train de souffrir (victimes et familles tout mêlés) m’a brisé le coeur, parce que… parce que l’état de mon coeur avait aussi à l’époque de curieuses similitudes avec l’état des deux tours, aussi. Ce soir-là, j’ai eu une longue engueulade avec Dieu (et je dois dire que comme avec toutes les personnes avec qui je m’engueule, c’était un dialogue de sourds…), j’était chamboulée par ce qu’Il avait osé permettre. A partir de ce moment, Lui et moi avons été irréconciliables, quelle que soit la religion par laquelle Il m’était présenté. C’était simplement impardonnable.

Ont suivi environ deux ans pendant lesquels j’étais remontée (deux ou trois fois encore nous avons eu de violentes disputes, où Il a chaque fois gagné par forfait, Il est très fort pour ne pas répondre et vous lasser), et chaque fois que ce genre de débat se profilait avec quelqu’un, j’affirmais avec véhémence que la seule chose en quoi l’homme doit avoir foi, c’est lui-même, sans quoi c’est de la lâcheté. Pour moi, le simple fait de remettre sa vie entre les mains d’une sorte de sur-être dont on ne peut pas même vérifier qu’Il se préoccupe de vous, si tant est qu’Il existe, est de la pure inconscience. Et une certaine solution de facilité. Il y a toujours quelqu’un pour porter le chapeau en cas de ratage : c’est pas votre faute, et d’ailleurs ce n’est pas une faute puisqu’Il en a voulu ainsi, et au cas où un doute subsisterait, on peut toujours invoquer l’imparable excuse du Diable qui cherche à dévoyer de gentils petits humains faibles et sans défense… C’était dans mon esprit l’excuse parfaite en toutes circonstances pour se dégager de toute responsabilité, et fuir les décisions. Peu importe les conséquences puisque cela fait partie de Son plan ! Et je suis également du genre à penser que dans toute relation d’Amour, c’est donnant-donnant, ce sur quoi Lui et moi, on n’est pas d’accord visiblement. Je connais plus de fervents croyants malheureux que de fervents croyants heureux. La religion naît toujours au sein de peuples en crise, d’ailleurs. A mon avis, s’Il est là, Son Amour est franchement limité.

Depuis quelques mois, les choses se remettent doucement en mouvement en moi sur ce sujet. Il y a un peu plus de deux mois, j’étais moralement disloquée, et l’un de mes réflexes a été d’appeler l’Eglise la plus proche de chez moi et de demander à en voir le curé. Réflexe certainement conditionné par des années et des années de télévision américaine, où tout ce pieux petit monde se réfugie dans des lieux saints au moindre doute existentiel (amateurs !). J’ai été plus que déçue : terrorrisée. Le curé m’a accueilli à peine une minute dans un foyer proche de l’Eglise, puis m’a confiée à une femme qui n’était pas du culte, chargée de se consacrer à l’aspect pratique de mes problèmes (et il s’est vite avéré qu’aller vivre parmi les nonnes et les jeunes enrôlés dans les Jeunesses Catholiques ou peu importe leur appellation, était la seule solution envisageable, ô frayeur !). Or je n’étais pas venue pour cela, mais bien pour tenter ce que je n’avais jamais osé : aller toquer à la porte de Dieu. J’ai eu une telle peur d’endoctrinement, que personne n’a démentie, que je me suis enfuie. Je me savais trop fragile pour résister à une séance de plus parmi ces gens. J’aurais, dans mon état, confié mon âme à n’importe qui promettant un tant soit peu de chaleur humaine et de réconfort.

Pour en revenir sur le cas de Dieu, je ne pense pas qu’Il soit capable de grand’chose pour nous. Mais je ne suis pas encore certaine de penser qu’Il existe ou non. C’est peut-être l’ingénieuse invention de coeurs solitaires (dans ce cas, pour effectuer le même travail, j’ai mon ours en peluche et lui au moins je peux le serrer fort quand ça ne va pas, Dieu peut-Il en dire autant ?!). Ou bien, une entité s’étant depuis éloignée de nous et dont nous cultivons le souvenir car sans Lui, beaucoup de l’espoir de cette planète s’affaisse brutalement. Ou encore, une merveilleuse trouvaille pour des irresponsables. Ou bien, rien de tout ce que l’on imagine : peut-être est-Il une chose indescriptible existant quelque part, mais incapable de ce dont on Le croit investi. Peut-être se morfond-Il d’avoir fait aussi bonne impression sur les êtres qui peuplent ce monde, et qu’Il se désole d’une impuissance qu’on ne Lui connaît pas. Ou encore, depuis le 7e jour, Il est si déçu par nous qu’Il attend, comme moi devant un Sim récalcitrant, que tout cela crève et qu’Il puisse retenter le coup en faisant mieux.

Je l’ignore. Je crois que c’est bien un des défis l’un des plus complexes qui soit que de se faire un avis. Et pourtant, côté problèmes complexes, j’ai de quoi faire un comparatif. C’est une aventure intérieure que je crois sans fin. Je pense qu’il n’y a pas de réponse. Juste une hypothèse avec laquelle on arrive à vivre. Pour l’instant, ma réflexion a trop souvent été interrompue par de basses et viles préoccupations, pour aboutir à quoi que ce soit.

Le plus intéressant dans tout cela, c’est que l’image de Dieu renvoie à l’image du père, et qu’à partir de là, il est facile de faire un parallèle : j’en veux à Dieu de Son impuissance et de Sa lâcheté autant qu’à mon propre père pour les mêmes motifs. C’est vraiment révélateur, non ?

Ce qui est étrange, c’est que j’ai développé certaines convictions corollaires autour de ce sujet. Par exemple, jusque rès tard, je voulais rester vierge jusqu’au mariage. Ok, je me suis reprise depuis (avec ce que ça m’a apporté de bon, hm même très bon, et de mauvais, bien mauvais, comme toute chose). Ou bien, je suis incapable de rentrer dans une Eglise (juré, mes pieds se vissent devant le parvis). La raison en est que, quelle que soit le motif pour lequel on m’y invite (le plus odieux d’entre eux étant à mes yeux « la visite touristique »), je ne dois pas m’y trouver. Si je croyais en Dieu avec ferveur, je n’apprécierais pas qu’une âme hurlant des mots aussi négatifs que « Je ne crois pas qu’il y ait un Dieu, ou en tous cas pas pour moi » entre dans le lieu de mon culte et le souille. Par respect et un peu crainte (car comment saurais-je ce que cela représente réellement que de croire en cet Etre ?), je ne viens pas piétiner de mon âme en colère leur hâvre de Paix. Mais je le leur envie parfois…

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