Piégée

23 février 2010 à 0:09

Étrange expérience que de regarder le pilote de Lobbyist… arrivée à son terme, je ne suis pas certaine de poursuivre la série, même si l’épisode est parfaitement construit pour qu’on veuille en savoir plus. Mais le problème est précisément celui-là : j’ai l’impression que la structure de ce premier épisode tente de me forcer la main.
Et je pense que pour pouvoir vous expliquer mon dilemme, le mieux, c’est de faire pour ce premier épisode une review un peu plus factuelle qu’à l’ordinaire. Bon, je tente, on verra bien…

Lobbyist s’ouvre une une scène forte en adrénaline, mais dont le spectateur comprend assez mal les tenants et les aboutissants, parce qu’il ignore tout des personnages. Deux otages, un homme et une femme (se nommant apparemment Harry et Maria), sont sur le point d’être libérés en échange d’une forte somme d’argent. Les preneurs d’otage s’expriment en anglais, les personnes apportant la rançon, et accompagnées de militaires armés, partiellement en anglais. Au moment de délivrer les prisonniers, des coups de feu sont tirés et s’en suit une scène d’action et de panique qui remplit pleinement son office. A la suite de quoi, pouf ! On se retrouve dans un tout autre décor, et avec d’autres personnages dont une petite fille de 10 ans, qui a tout d’un garçon manqué. Je ne vous cache pas qu’on est un peu perdu à ce stade. En fait, pas qu’un peu. Du coup, on dévore les scènes suivantes en espérant comprendre ce qui se passe : flashback, flashforward, ou même moment mais un autre lieu ? Pas un seul nom en commun avec les rares à être prononcés pendant la scène d’ouverture. C’est vraiment bizarre.

En cela, Lobbyist sera imité deux ans plus tard par IRIS et son effet de flashback pas du tout explicite, également dans le pilote.
Ah oui ! J’ai oublié de vous dire : Lobbyist est une série coréenne… Bon bah, maintenant que vous êtes arrivés là, autant lire ce post jusqu’à la fin, hein…!

La seconde partie de ce premier épisode de Lobbyist s’attache au contraire à présenter soigneusement ses personnages, et notamment la petite So Young, la gamine de 10 ans qui aime se battre, n’a peur de rien et est un peu têtue. Mais si, avec ses jolies couleurs claires, cette présentation de ce qui semble être l’héroïne offre un contraste visible avec la scène d’action particulièrement violente qui l’a précédée, on va petit-à-petit plonger dans un univers plus angoissant.

So Young habite en Corée du Sud, en bord de mer, et le village découvre un jour avec stupeur que des militaires du nord ont passé la frontière, en arrivant par la mer à bord d’un sous-marin dans lequel ils s’étaient infiltrés. La panique s’empare de la petite localité côtière, l’état d’alerte est déclaré, l’armée est sur les dents, les réservistes sont mis à contribution.
Comme beaucoup d’enfants dans ce genre de situation, So Young ne mesure pas la portée des évènements récents ; avec Joo Ho, un jeune camarade et fils de militaire, qui vient d’arriver dans sa classe, elle s’aventure dans la zone côtière où a échoué le sous-marin, qui attise sa curiosité.

Il y a dans cette suite d’évènements un côté innocent qui est parfaitement retranscrit : imperméables aux peurs adultes, So Young et Joo Ho font des bêtises sans comprendre qu’ils risquent bien plus que d’être grondés. La réalité va les frapper durement quand, un peu plus tard et dans des circonstances similaires, So Young va assister à un assaut au cours duquel l’armée sudiste va exterminer les soldats nordistes cachés dans un corps de ferme. Qui plus est, au cours de ce raid, le père de Joo Ho trouve la mort.

Les deux enfants sont, on l’imagine, bien secoués, notamment So Young qui perd de sa hardiesse et fait des cauchemars. Tous les deux vont être séparés par cet évènement : Joo Ho est envoyé chez une lointaine tante à Philadelphie, aux États-Unis alors alliés de la Corée et pays de cocagne pour nombre de ses ressortissants, et So Young reste cloitrée chez elle… jusqu’à ce que son père ait l’opportunité de faire également émigrer sa famille aux États-Unis, mais à New York.

Bon alors, dites-moi, comment je m’en sors avec les reviews plus linéaires, pour le moment ?

Parce qu’il faut le dire, difficile de parler de Lobbyist sans procéder de la sorte. Probablement parce qu’en tant que spectatrice occidentale, il me manquait des éléments pour situer certains enjeux relatifs à l’histoire de la Corée. Il m’a d’ailleurs fallu un bon moment avant de comprendre que l’enfance de So Young se déroulait dans les années 80, par exemple. Je ne sais pas si c’est capital pour comprendre l’ampleur du traumatisme des deux enfants, mais pour comprendre les réactions des adultes, ça l’est probablement. C’est là qu’on prend la mesure de la pauvreté des cours d’histoire internationale dans un cursus lambda, quand même.

Lobbyist (ah et, tiens, au fait, à quel moment il va être question de lobby, dans cette histoire ? Visiblement après le pilote) s’annonce comme une série dense, c’est clair. Je citais tout-à-l’heure IRIS, c’est vrai que l’ambiance est similaire (l’histoire de la Corée du Sud se mêlant avec l’histoire des protagonistes), bien qu’évidemment l’intrigue soit différente. La réalisation est au moins aussi nerveuse et soignée (on appréciera les couleurs vives du paradis perdu que représente le village, dont la nature idyllique ne semble pas avoir remarqué qu’on a frôlé la déclaration de guerre), le scénario semble savoir où il va et ne rien laisser au hasard, la trame se construit avec précision et intelligence… Mes lectures me confirment d’ailleurs que le budget est à l’avenant et que Lobbyist était une production onéreuse, comme IRIS.

Mais lorsqu’arrive la fin de l’épisode et son trailer pour l’épisode suivant (c’est en effet une particularité asiatique : un trailer de l’épisode à venir est systématiquement proposé après le générique de fin), on comprend enfin que So Young et Maria ne sont qu’une seule et même personne, et de même pour Joo Ho et Harry.
C’est là qu’on se sent comme piégé par la narration. J’aurais sans doute dû le voir venir, mais j’ai quand même le sentiment d’avoir été dupée par un scénario haletant et des éléments cryptiques savamment distillés pour m’empêcher d’avoir toutes les cartes en main. Subitement, je veux savoir comment la petite So Young est devenue l’otage Maria, mais cette envie d’en savoir plus a été provoquée de façon totalement artificielle, par une pirouette scénaristique.

Au moins, Lobbyist, ça change des comédies romantiques, dont personnellement je ne suis pas friande (sauf quand il y a des pâtes). Et que même si on se dit qu’on a bien été eu, on sent qu’on a affaire à une fiction intelligente mais aussi parfaitement efficace.
Lobbyist, comme IRIS (je me répète), est la preuve que les fictions coréennes n’ont pas grand’chose à envier à certaines superproductions américaines. Si vous avez le temps d’y jeter un œil, laissez-vous prendre au piège !

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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