Justify my letdown

20 mars 2010 à 22:03

Aaaaaaah, ok ! J’y suis ! Non mais, en fait, il y a eu incompréhension. Moi, bêtement, je pensais que les critiques extatiques sur Justified étaient… justifiées. C’est là qu’il y a eu malentendu ! Mais ok, c’est bon, je comprends mieux. En fait, tout le monde dit du bien de Justified parce qu’on n’a pas beaucoup mieux à se mettre sous la dent.

Non parce que, soyons-clairs. Quand je lis des choses comme :

Subtil, Justified ? Oui, évidemment, si on a regardé NCIS: LA juste avant, je suppose qu’on peut parler de subtilité sans trop se risquer. Mais si une telle subtilité existe, ce n’est pas dans le scénario.

Quand j’ai lu ce post, j’ai cru pour de vrai qu’il y avait une étude sociologique dans Justified ! Les trucs qu’on serait prêts à croire en cette morne saison, quand même.

Parce que si je veux bien reconnaître que dans le genre sévèrement burné, Justified fait partie des séries qui ne nous prennent pas pour des bœufs avides d’action décérébrée, en revanche, crier au génie est très largement exagéré.

Le « western moderne » dont je lis tant de bien depuis quelques jours (permettez-moi de pouffer), il est avant tout stylistique. Si on est effectivement loin de l’univers d’un Deadwood, comme le souligne Adam, on en est pas moins dans un exercice entièrement tourné autour du cosmétique : accents, vêtements, musique… tout est pensé pour indiquer clairement qu’on est dans le Sud, le vrai, celui qui n’a pas encore bien percuté sur cette histoire d’États-Unis d’Amérique, et reste bloqué dans sa vision pré-Sécession du monde. L’univers est merveilleusement troussé, il n’y a pas à dire. Mais ça reste totalement superficiel. Plaqué. Le scénario reste celui du petit gars qui revient contre son gré au pays, et cette histoire-là, on nous l’a faite dix, quinze, cent fois.

Et si le portrait de cette Amérique profonde est bien dépeint, il est triste de constater qu’il ne porte aucun propos, aucun thème. Techniquement, je le redis, il n’y a rien à redire, mais il n’y a rien non plus à en dire. Au contraire, les thèmes sont abordés avec négligence ; tenez, c’est bien beau des supremacists, mais encore faut-il les doter d’un peu plus que de beaux tatouages et de mines patibulaires. Je ne dis pas qu’une mise au pilori était nécessaire, il était possible de ne pas dire juste bêtement que les extrémistes c’est des méchants, et une apologie inconditionnelle semble trop politiquement incorrecte pour être espérée ;  Justified pouvait très bien se refuser à les traiter en méchants absolus ou en chevaliers incompris, et apporter de la nuance. Pourvu d’en dire quelque chose, au moins. Ne pas avoir l’air de s’en servir comme d’un vulgaire artifice pour faire couleur locale. C’est tout ce que je demandais.

Le problème derrière Justified, c’est qu’on sent qu’il y a quelqu’un qui aime beaucoup ses personnages et son ambiance, mais que le scénario remplit le strict minimum de ses offices. Le personnage principal Raylan est aux petits oignons, on sent que c’est écrit pour le présenter sous toutes les coutures, appuyé par la prestation effectivement charismatique de ce bon Olyphant. Quant à Boyd et Ava, bien que bénéficiant de moins de temps d’antenne, ils ont tout le temps nécessaire pour se rendre à la fois attachants et un peu rebutants, et pour nous donner envie de les voir interagir le plus possible avec Raylan.
Mais le reste ? Le reste est creux. Passé le retour à la terre natale (qui est réglé, grosso-modo, dans le premier quart d’heure), il n’y a pour ainsi dire pas d’histoire. Juste une confrontation entre deux vieux potes qui sont désormais chacun d’un côté de la barrière. C’est intéressant mais insuffisant.

Pour crier au génie, il faudrait, quand même, un peu, je trouve que c’est un minimum, une histoire. Sans quoi, Justified n’est que poudre (à canon) aux yeux.

par

, , , , ,

Pin It

4 commentaires

  1. Livia dit :

    Je rejoins les adeptes de la « subtilité » dans ce débat sur Justified !

    En fait, en lisant ta review, je me dis qu’on n’a pas eu la même compréhension et façon de regarder ce pilote. Tu t’es peut-être laissée entraîner par les échos positifs, et tu as eu trop d’attente, ou du moins une attente qui ne correspondait pas à Justified.

    Pourquoi parler de « subtilité » ? Parce que, dans cet étrange mélange des genres où il y a une utilisation apparente de tous les poncifs attendus pour une situation des plus classiques, il ne faut rien y voir d’autre qu’une pièce de théâtre, disposant de plusieurs niveaux de lecture.
    En fait, derrière ce vernis que l’on pourrait croire uniquement présenté pour faire « couleur locale », ce que tu perçois comme creux, est pour moi une invitation à une prise de distance intrigante que les scénaristes opèrent avec leur sujet, et que le téléspectateur est invité à accompagner.
    Ce n’est pas une série qui se suit au premier degré. En fait, dans cette réutilisation assumée et volontaire de vieilles recettes, de poncifs du genre, il ne faut pas tant y voir un effort de dépoussiérage, que surtout une volonté de réappropriation de ces codes pour les dépasser.

    Prenons l’exemple symbolique de ce pilote, cette confrontation entre les deux ex amis. J’ai surtout compris qu’était mise en avant et soulignée, non pas une opposition manichéenne gentil/méchant (je n’ai à aucun moment ressenti cela), mais, au contraire, leur profonde similitude. Ce n’est pas le bien et le mal qui s’opposent ici, car les deux sont en réalité semblables, et le camp auquel ils appartiennent en théorie demeure anecdotique. En fait, j’y ai vu surtout un parallèle que les scénaristes opèrent : certes, ils sont dans deux camps opposés, mais ils utilisent chacun les moyens de ce camp pour répondre à d’autres pulsions, à d’autres sources de motivation, que celles correspondant à la catégorie où on les enfermerait a priori. L’ami redneck, avec son drapeau fédéré, est une apparente caricature vivante ; pourtant, quand on gratte sous la surface, dans cette église qu’il fait sauter, comme le pointe Raylan, il faut surtout y voir un enjeu de drogue et d’argent, non un problème racial… Le côté couleur local y perd quelque peu de sa substance, même si l’emballage demeure, en forme de poudre aux yeux. Donc, oui, j’y vois de la nuance.

    Dans Justified, tel que je l’ai perçu dans ce pilote, il faut comprendre l’univers de la série comme une pièce de théâtre. Ce n’est que poudre aux yeux, où chacun sur-joue un rôle dont il a conscience, mais qui ne constitue qu’une forme d’exutoire pour lui-même.
    Les scénaristes brisent d’ailleurs à plusieurs reprises ce fil narratif artificiel : quand Raylan pointe à Boyd le fait qu’il ne croit pas en ces thèses qu’il expose, ou encore, à la fin, avec son ex… Ce sont des moments d’introspection forcée qui soulignent le caractère purement artificiel de ce presque jeu de dupes qui se déroule sous nos yeux.

    En somme, ces apparents gros sabots ne sont que poudre aux yeux et prétextent à divertissement. L’emballage n’est pas l’essence de la série, mais il en constitue le terrain de jeu.

    Voilà pourquoi, je pense que Justified est subtile.

    Après, effectivement, le terme « génie », aussi galvaudé qu’il soit, n’a pas trop de sens ici. Mais vu le niveau des nouveautés de la saison jusqu’à présent, j’avoue que Justified se retrouve tout en haut sans hésitation en terme de qualité (ce qui n’est pas forcément une référence au vu de la saison, je sais).

    Je ne sais pas si les scénaristes pourront ensuite trouver des storylines correspondantes pour poursuivre le développement de cet univers, mais l’angle d’attaque proposé par ce pilote me plaît pour le moment.

    (PS : Désolée pour la longueur du commentaire. J’ai essayé d’expliquer ; mais peut-être que nos divergences de vues se situent au niveau du ressenti instinctif dans ce cas précis.)

  2. adam dit :

    Honnêtement, je comprends ton point de vue. Après la terrible scène introductive du pilot, je m’étais dit le même topo, surjustifié, Justified, non ?

    Après, comme la plupart (c’est à dire quelques critiques du net -si ça se trouve, ton avis rejoint la majorité invisible), je me suis laissé embarquer dans cette série qui, comme tu le dis, repose sur de la poudre (à canon) aux yeux. Mais qui bénéficie aussi d’un univers, un vrai, qui a sa part d’esthétique (tu le soulignes) mais pas que (Livia le dit très bien), notamment un potentiel (on ne peut qu’attendre la suite pour en parler). Puis, le retour du flic prodigue, dans un coin de cul-terreux n’a pas été fait tant de fois que tu le dis ou alors j’ai les VHS qui manquent à l’appel.
    Aussi, le fait qu’on instaure un héros unique, charismatique, qui a ce qu’il faut en idiosyncras pour paraître intriguant et attirant, c’est quand même une bonne nouvelle. Tu n’en as pas marre des ensemble show où on emploie Sonya Walger sans lui donner un rôle digne de sa hauteur d’interprétation ? Moi, un peu, alors quand je vois une série qui renoue avec des éléments de bonne facture, je dis oui.

    Et je m’exclame même. Tu as quand même relevé la pharse la plus overzetop de la critique. Le reste était un peu plus objectif. Je crois ?!

    Bon et sinon, moi je suis fan de Parenthood parce que Lauren est bonne dedans, faut pas m’écouter.

  3. ladyteruki dit :

    Comme le suggère Livia, je pense que le problème est au niveau du ressenti, parce que concrètement, ce que vous dites, je l’ai vu, mais je l’ai perçu comme un problème et non comme une qualité.

    Reprenons l’un des arguments-clé de Livia : elle décrit bien à quel point l’histoire est simpliste, et combien c’est l’exploration des personnages qui prime.

    « J’ai surtout compris qu’était mise en avant et soulignée, non pas une opposition manichéenne gentil/méchant (je n’ai à aucun moment ressenti cela), mais, au contraire, leur profonde similitude ».

    Je n’ai effectivement pas vu d’opposition manichéenne, mais la volonté d’opposer les personnages à tout prix pour mieux les rapprocher ensuite, en utilisant des excuses bidons pour cela. Plus précisément : pourquoi emprunter le thème du suprémacisme blanc si c’est pour ne s’en servir que de vague accessoire ? A plus forte raison si Boyd n’y croit pas, je trouve vraiment qu’il aurait fallu approfondir ce côté-là, insister sur la raison pour laquelle ça pouvait être confortable pour lui d’utiliser ces thèses pour parvenir à ses fins, pourquoi cela lui garantissait un certain nombre de commodités dans le contexte du Sud. Le gars aurait aussi bien pu être un malheureux dealer comme un autre, mais non, il a choisi ça, pourquoi ? Pourquoi est-ce quelque part plus facile pour lui d’être un dealer déguisé en suprémaciste qu’un dealer tout court ? Pourquoi le suprémaciste semble mieux toléré que le dealer, finalement ? Ça c’était intéressant. Ça c’était une « étude idéologique ». Au lieu de ça, non, on te balance ça vite fait, histoire de dire qu’il faut gratter un peu, mais en fait ça reste superficiel parce que la série se refuse à faire autre chose que tourner amoureusement autour de ses personnages pendant le pilote. On veut dessiner un portrait mais ne surtout pas aller au-delà. Et alors qu’on pourrait éventuellement se dire que ce sera approfondi plus tard, voilà qu’à la fin du pilote, Boyd est mis hors jeu (du moins peut-on imaginer qu’il ne va pas se remettre en une semaine), histoire que vraiment, on n’ait pas le temps d’approfondir quoi que ce soit. Moi ça me hérisse le poil, c’est en ça que c’est purement cosmétique, on brandit des trucs dont on se débarrasse aussi sec, juste pour le plaisir de dire que ça fait couleur locale et que ça va bien aux personnages, que ça leur donne plus de nuances. Mais on n’explore pas ces nuances, et on laisse penser qu’on n’a pas envie de le faire.

    Il y a de bonnes choses et notamment, Adam, le fait que ce ne soit pas un ensemble show, mais là encore, on parle de quelque chose qui finalement, est superficiel, car structurel.

    Car en gros, quelle est la « thèse » de Justified ? Il n’y en a pas. Il n’y a pas de propos. On se contente de créer un personnage dont on veut nous faire penser qu’il n’est pas aussi monolithique qu’il le parait, qu’il n’est pas aussi calme qu’il le parait, etc… Et après ? Quelle est la portée de ce message ? Que nous sommes plus complexes que ce que nous montrons ? Que chacun dans la vie joue le rôle qu’on lui a attribué ou qu’il s’est attribué ? En quoi, en quoi ce propos serait-il nouveau ? Et surtout, pourquoi ce propos nécessite-t-il d’en faire des tonnes sur le contexte sudiste ?

    Vraiment je ne suis pas convaincue que tout cela mène à grand chose.

  4. ladyteruki dit :

    PS : « Puis, le retour du flic prodigue, dans un coin de cul-terreux n’a pas été fait tant de fois que tu le dis ou alors j’ai les VHS qui manquent à l’appel »

    Je ne pensais pas à un personnage de flic forcément (je trouve qu’on nous en impose suffisamment pour ne pas en plus y penser sur mon temps libre ), mais des types qui reviennent au bercail après avoir tenté d’échapper à leur trou perdu, si, c’est un thème courant.

    PPS : j’adooooore les commentaires longs ; je n’en ai jamais assez dans le coin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.