Et avec ça ? Vendre un dorama (et plus si affinités) au public japonais

1 septembre 2010 à 11:03

Avec une industrie télévisuelle produisant environ 200 nouvelles fictions par an, le Japon est un marché qu’on peut sans risque qualifier de dynamique. Du coup, forcément, la concurrence est rude. Alors comment vend-on une série au public japonais ? Eh bien, principalement en liant le business de la télé à celui de la presse, de l’édition, de la musique… mais aussi les portables et internet. En fait, on ne vend jamais une série seule au spectateur, mais tout un univers médiatique.

– Se taper l’affiche

Commençons par le B.A.BA : tout dorama se doit d’avoir son site internet. Il semble impensable que le spectateur japonais ne puisse pas trouver, au minimum une à deux semaines avant la diffusion, un résumé, des informations sur le casting et, plus important que tout, un character chart représentant les relations entre les différents protagonistes.

Vous n'avez pas suivi de début de Gakeppuchi no Eri ? Tout n'est pas perdu ! (cliquer pour agrandir)
Vous n’avez pas suivi de début de Gakeppuchi no Eri ?
Tout n’est pas perdu !
En général, le site propose une photo de promo, deux dans les cas les plus fastes. Exit les photos pléthoriques des acteurs posant dans diverses configurations, ici on a une photo qui sert d’identité visuelle à la série, et qui sera déclinée à l’envi en fond d’écran pour ordinateur ou pour portable, en habillage pour le site, et en affiches pour les panneaux publicitaires, dans les rues et les gares. Une photo, et une seule, pour représenter la série partout.

La photo de promo de GOLD s'est glissée 4 fois dans cette capture,  saurez-vous la trouver ? (cliquer pour agrandir)
La photo de promo de GOLD s’est glissée
4 fois dans cette capture, saurez-vous la trouver ?
Souvent, sur les sites, les photos des acteurs ne sont d’ailleurs même pas celles de la production, mais celles que les agences de management ont fournies. La promotion au Japon, ce n’est pas sortir des visuels en nombre pour attiser la curiosité, comme cela arrive notamment aux États-Unis ! Tous les sites proposent en revanche un QR Code, cet étrange code barre destiné à être décodé par les portables, et permettant l’accès à des contenus complémentaires ; le QR code est couramment utilisé au Japon depuis dix ans et l’on n’imagine plus un site qui n’ait le sien. En outre, un site internet propose bien souvent une bande-annonce, un petit forum, un blog tenu par la production, des interviews, un résumé de chaque épisode diffusé, et lorsque c’est le cas, une page dédiée au roman ou au manga dont la série est inspirée.

– Menu : édition

Car un grand nombre de séries, chaque saison, peuvent être des adaptations. Si le roman tient encore une place importante dans les sources d’inspiration (incluant le roman par portable, un phénomène qui n’a pas plus d’une décennie mais qui, dans un pays où la technologie s’est rapidement développée, a connu un énorme engouement), c’est sans conteste le manga qui prédomine sur le marché. Séries pour ados, séries sportives, séries policières, séries médicales, séries dramatiques… Tous les goûts sont dans le manga, et on peut donc y puiser de nombreux thèmes, quel que soit le public-cible.

Kaibutsu-kun, l'original et... l'autre original
Kaibutsu-kun, l’original etl’autre original
De ce fait, il n’est pas rare que la maison d’édition de l’œuvre originale y mette du sien, soit en rééditant des exemplaires du manga à l’effigie de la série, soit en proposant des concours dans les pages de ses magazines spécialisés (chaque éditeur ayant toujours un magazine de publication de manga, en général permettant de faire débuter certaines histoires avant qu’elles ne sortent au format poche).

– Copains copines

On l’a dit : le système télévisuel nippon repose essentiellement sur un bon casting, mélangeant habilement acteurs populaires et acteurs chevronnés (ce qui, hélas, ne revient pas toujours au même). Ces interprètes ayant la côte auprès du public, et particulièrement les jeunes adultes, ont souvent moins de la trentaine et des mensurations jugées impeccables. Aussi les trouve-t-on régulièrement dans des magazines spécialisés sur la télévision, ou dans la presse consacrée au divertissement, la mode ou la beauté.

Avec deux séries à l'antenne, Yuriko Yoshitaka était la reine des couvertures cet été. (cliquer pour agrandir)
Avec deux séries à l’antenne,
Yuriko Yoshitaka était la reine des couvertures cet été.
La présence des comédiens et comédiennes dans les magazines est en général le résultat d’un petit reportage photo très fourni, et d’une interview succincte relevant quasiment du prétexte. Chaque semaine, une large douzaine de magazines sortent ainsi, et les plus populaires des comédiens peuvent parfois cumuler jusqu’à 3 ou 4 couvertures. Et ce, sans que ça n’ait coûté un yen…

C’est précisément la raison pour laquelle les séries japonaises reposent autant sur leur casting :un acteur populaire fait tout. Et comme les artistes japonais ont eux-mêmes tendance à s’aventurer dans plusieurs domaines, les fans suivent sans problème. Untel a une émission hebdomadaire de radio ? Il a plus de chances de décrocher un rôle principal dans une série pour ados. Telle autre est l’effigie d’une marque de produits cosmétiques ? Parfait, on verra donc son visage partout.

– Musique, et que chacun se mette à chanter

Attention, de plus en plus fort : on peut vendre une série grâce à l’industrie du disque ! Pour les acteurs ayant également une carrière musicale, cela passe souvent par la sortie d’un single, coïncidant étrangement avec la date de diffusion du dorama. Les pros, pour ça, sont les acteurs masculins de l’agence de management « Johnny Jimusho » : ces bellâtres officient dans des boysbands particulièrement populaires, et ont systématiquement un single ou un album à promouvoir quand ils sont à l’affiche d’un dorama. Actuellement il ne se passe pas une saison sans qu’une poignée d’entre eux tiennent un rôle majeur dans trois ou quatre séries. Et c’est parfaitement rentable, parce que d’une part, l’acteur/chanteur fournit ainsi un générique à la série, mais en plus c’est la maison de disques qui paye pour la promo !

Unubore Deka, une affaire rondement menée...
Unubore Deka, une affaire rondement menée…
A de rares exceptions près, les séries possèdent toutes au moins un générique, dont la chanson est interprétée par un artiste plus ou moins connu ; cela peut aller jusqu’à trois en comptant le générique de début, le générique de fin (en général plus recherché qu’en Occident), et l’insert song, c’est-à-dire le petite thème musical qu’on va entendre dans trois ou quatre scènes de chaque épisode. La ou les chansons du générique font souvent l’objet d’une sortie single, et là encore, c’est la maison de disques de l’artiste concerné qui s’occupe de tout. Évidemment, tout l’enjeu est que la chanson soit interprétée par un artiste populaire…

Interprétation en live du générique d'Atami no  Sousakan (TV Asahi) sur le plateau de Music Station (TV Asahi) (cliquer pour agrandir)
Interprétation en live du générique d’Atami no Sousakan (TV Asahi)
sur le plateau de Music Station (TV Asahi)
…parce que, comme ça, l’artiste peut promouvoir sa chanson plus facilement via des diffusions de la chanson à la radio et du clip à la télé, et naturellement, s’il a l’occasion de placer un mot, il ne manquera pas de mentionner le dorama concerné. Mieux encore, l’artiste est invité à interpréter sa chanson sur le plateau d’une des nombreuses émissions musicales japonaises. Certaines émissions se font d’ailleurs une spécialité d’inviter les interprètes des génériques dont les séries sont diffusées sur la même antenne ; par exemple, Music Station, diffusée le vendredi soir sur TV Asahi, a la manie d’inviter les chanteurs des génériques visibles sur TV Asahi. Et là encore, c’est un bénéfice net pour la production de la série qui n’a pas déboursé un centime… et entre parenthèses, jusque là, ça n’a rien coûté au spectateur non plus.

– Quand yen a plus, yen a encore

Plus exceptionnellement, on trouve des opérations plus originales, en général liées à l’industrie agro-alimentaire, comme celle de MR. BRAIN qui a lancé un petit biscuit en forme de cerveau (il fallait y penser) censé améliorer les capacités de réflexion, des boissons estampillées au nom d’une série et/ou d’un personnage, etc…

Hm, qui veut de la cervelle au goûter ?
Hm, qui veut de la cervelle au goûter ?
Sans compter que ce cycle merveilleux de marketing ne saurait être complet sans la sortie d’un DVD de la série, en général assez rapidement (en moyenne dans les 3 mois qui suivent la diffusion du final). Car vendre une série, ce n’est pas vendre que sa diffusion, mais bien essayer de vendre des produits dérivés le plus longtemps possible… surtout dans le cas où on n’est pas certain de ne pas commander une deuxième saison d’ici un an ou deux.

– Bilan comptable

C’est simple, mais il fallait y penser : promouvoir une série au Japon peut se faire à peu de frais, simplement en comptant sur les autres médias pour relayer les campagnes de communication, lesquelles relèvent avant tout d’une stratégie de maîtrise de l’ensemble des médias.

Le principe, c’est qu’une série télé ne se vend pas qu’à la télé, mais sur internet, dans la presse, à la radio… et que du coup, la production de la série ne dégage pas trop de frais de promotion, une grande partie étant amortie par les autres entités qui trouvent également leur compte dans l’affaire. Au Japon, tous les marchés du divertissement sont liés, de sorte que lorsqu’une chaîne veut promouvoir un dorama, il est absolument impossible de lui échapper !

Article également publié sur SeriesLive.com.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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