EfficaciTV : la télévision suédoise pour les nuls

10 octobre 2010 à 19:30

On dit des scandinaves qu’ils sont efficaces… et il le faut pour devenir le pays au centre de l’activité télévisuelle de la région !


S
i les pays scandinaves ont tendance à beaucoup regarder la télévision suédoise, ce n’est pas par hasard : celle-ci s’est vite imposée dans les foyers de toute la région, notamment grâce à une chaîne… mais n’allons pas trop vite, et prenons le temps de découvrir la télévision suédoise dans sa totalité.

La télévision suédoise pour les nuls

– Une télévision pressée

Puisque Statsradiofonen, la télévision danoise, a vu le jour en 1951, c’est par elle que les spectateurs suédois ont commencé à découvrir les joies du petit écran. Mais bien vite, le gouvernement suédois lance son propre projet, et en 1954, des premiers essais sont pratiqués. Pourtant, le lancement officiel de Radiotjänst Television ne se fera que deux ans plus tard. C’est l’organe public déjà chargé des deux stations de radio nationales qui s’en occupe, et qui s’arrange pour passer à un rythme de diffusion quotidien l’année suivante. Renommé Sveriges Television (ou SVT), la branche publique dédiée aux petit écran fait de grands efforts pour que le pays soit rapidement capable d’avoir accès au monde cathodique, et s’inspire de ce qui se passe aux alentours et ailleurs afin d’adapter ses programmes aux grilles des chaînes étrangères. C’est ainsi que le premier journal télévisé, appelé Aktuellt, fait ses débuts sur TV1 en 1958 (il est toujours à l’antenne aujourd’hui). Une année faste pour la télévision suédoise qui attire de plus en plus de spectateurs ; la retransmission de la Coupe du Monde de foot à Stockholm achèvera de convaincre les citoyens de s’équiper en téléviseurs.

Contrairement à la plupart des pays qui préfèrent prendre leur temps, craignant de se disperser, l’État commence à envisager dés les années 60 de lancer une deuxième chaîne, basée comme la première sur la perception d’une redevance, et dépourvue de publicités. C’est finalement en 1969 que TV2 va faire son apparition, juste avant Noël. L’année suivante, les deux chaînes publiques passent à la couleur (s’accompagnant d’une redevance supplémentaire pour les foyers équipés pour la recevoir), et la même année de premiers programmes locaux apparaissent, progressivement, dans les diverses régions du pays. C’est une vraie course au développement qui a lieu alors, permise par la liberté totale de la télévision publique, alors en position de monopole. L’effet est immédiat : même quand il a accès à des chaînes danoises ou norvégiennes, le public suédois préfère largement regarder les deux chaînes nationales ; il faut dire qu’il a le choix entre les deux chaînes, et des décrochages locaux, ce qui ne lui donne pas l’impression d’être limité.

Une interview dans Aktuellt en 1964
Une interview dans Aktuellt en 1964

– Fuite en avant

Lorsqu’en 1987, le marché télévisuel est ouvert à la concurrence (provoquant au passage des réorganisations sur les chaînes publiques, TV1 devenant alors Kanal 1), ouvrant la voie au câble, la chaîne privée TV3 apparaît. Ah, TV3 ! Le fer de lance de la télévision suédoise dans le monde ! Disponible par satellite, la chaîne présente un immense avantage : bien que sa programmation se fasse en suédois, elle est géographiquement basée en Grande-Bretagne. Cela lui permet de passer outre la régulation en termes de publicité, notamment… mais aussi d’ignorer la question des programmes « de service public » pour se concentrer presque exclusivement sur le divertissement. TV3 est vite accessible dans tous les pays scandinaves, où elle s’impose comme une concurrente sérieuse pour les chaînes nationales ; TV3 Norvège et TV3 Danemark naissent quelques années plus tard, et la chaîne personnalise alors sa grille pour chaque pays, se taillant une place importante dans le cœur des spectateurs. Par la suite, de plus en plus de chaînes vont s’établir également à l’étranger (principalement au Royaume-Uni), sur ce même modèle… mais avec moins de succès.

A partir de là, tout est possible : la chaîne TV4 va voir le jour en 1990, d’abord sur le satellite puis par voie terrestre, et dés lors, la décennie va assister à une sorte de ruée vers l’or, au cours de laquelle on observe plusieurs changements dans le panorama suédois. D’une part, les chaînes publiques fusionnent leur gestion et leur administration, et en profitent pour changer à nouveau de nom : ce sera SVT1 et SVT2. Pendant ce temps, le câble se développe. La décennie se conclut sur une autre avancée : les premiers pas vers le numérique, opérés dés 1999.  Cela conduit la Suède à commencer à faire cesser les émissions hertziennes, région par région, à partir de 2005. Premier pays du monde à se débarrasser totalement de l’analogique, la Suède bascule complètement dans l’ère numérique en 2007. Elle est aujourd’hui tournée vers des technologiques comme la télévision mobile (10% de la population est équipée pour la recevoir), la progression de la VOD et à peu près tout ce qui touche de près ou de loin à internet.

Les locaux de SVT doivent être plus riants l'été...
Les locaux de SVT doivent être plus riants l’été…
(comment ça, c’est l’été ?)

– Laissez faire les experts

Dans cette course au développement, certaines chaînes, naturellement, s’en tirent mieux que d’autres, et comme par hasard, ce sont surtout les chaînes historiques qui tirent leur épingle du jeu :

– SVT1 et SVT2 : les deux chaînes publiques concentrent à elles deux plus d’un tiers des audiences, principalement grâce à SVT1 qui est la chaîne la plus regardée de Suède.
– TV4 : en 20 ans, elle est devenue la deuxième chaîne du pays. Depuis ses débuts, quand ses programmes étaient peu appréciés par la critique et peu regardés, elle est même devenue l’un des leaders en matière de fiction suédoise.

Mais, même si ce sont ces chaînes qui dominent le marché (à elles trois, elles représentent 63% des audiences réalisées), il existe toutefois d’autres chaînes non dénuées d’intérêt notamment pour la fiction, à l’instar de Kanal 5, plutôt orientée vers les adolescents et les jeunes adultes, ou Kanal 9. Il existe également de nombreuses chaînes d’origine étrangère comme Comedy Central, Canal+ ou MTV.

– Dans la bibliothèque avec le chandelier

Comme la plupart des pays scandinaves, la télévision suédoise est capable de beaucoup de choses… et pourtant, exactement de la même façon, ce sont ses séries policières, ses thrillers et ses énigmes diverses qui permettent à la fiction suédoise de se populariser à l’intérieur et au-delà de ses frontières. Certaines séries sont d’ailleurs plus connues que d’autres, à l’instar de Kommissarie Winter ou Wallander (qui a fait l’objet d’un remake en Grande-Bretagne), on a pu également y découvrir une adaptation télévisée du jeu Cluedo, ou plus récemment, une série écrite par la romancière Camilla Läckberg a été annoncée, intitulée Fjällbackamorden.

Contre-Enquête, vue sur TF1
Oskyldigt Dömd, vue sur TF1

Mais pour être plus discrets, les autres genres n’en sont pas pour autant délaissés. Le pays a par exemple également sa part de soaps… dont l’un un peu plus originaux que les autres, Rederiet, qui se passe intégralement sur le pont d’un navire faisant la liaison entre la Suède et la Finlande. Le format de mini-série est quasiment une règle dans le cadre du drama, mais des mini-séries renouvelables, comme Cleo, une série de 3 saisons de chacune neuf épisodes, sur une quarantenaire qui voit son quotidien professionnel et personnel changer après que son fils ait quitté la maison pour vivre sa vie.

Les sitcoms sont de leur côté un genre foisonnant, et depuis la fin des années 80, on en trouve un grand nombre sur des sujets variés ; l’humour suédois est souvent à rapprocher de l’humour britannique, qui inspire de nombreuses comédies. Ces dernières jouissent souvent de saisons plus longues que les séries dramatiques, et ont la chance en général de durer plus longtemps. Plus récemment, la Suède s’est également mise à la dramédie. Au début de l’année 2010, par exemple, est apparue la série Solsidan, dans laquelle un couple sur le point d’avoir un bébé part se mettre au vert dans la campagne suédoise, dans la ville natale de l’heureux futur papa, où les attendent des personnages hauts en couleur… Plus récemment, la série Blomstertid a inspiré les producteurs de la défunte My Generation, ce qui est, à bien y penser, à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour la fiction suédoise !

En fait, ce qui manque à la fiction made in Sweden, ce n’est pas vraiment les idées, c’est plutôt la place pour les développer, dans un pays qui a accès dans des délais très courts aux fictions anglophones (puisqu’il est de tradition en Suède de ne presque rien doubler, à l’exception des séries pour enfants), et où l’offre de séries étrangères est immense. Le plus gros défi des séries suédoises, c’est donc de réussir à s’imposer plus encore… mais quand on a déjà pour auditoire toute la Scandinavie, il n’y a pas de quoi se plaindre !

Article également publié sur SeriesLive.com.

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