The Times They Are a-Changin’

23 février 2011 à 1:14

Cycliquement, j’ai envie de changement. Mais, et je pense que ce blog l’a relativement bien chroniqué pendant ses heures de « gloire », en général, le changement auquel j’aspire… c’est le mien. Je veux penser différemment, agir différemment… comme si je pensais initier un cercle vertueux, j’imagine. A tort, probablement.
L’impression de changer un tout petit peu, je l’ai finalement assez souvent. Et des changements, en fait, il s’en passe tout le temps, si on observe bien. Soudain on a une impulsion, un geste, une démarche, une action qui change de l’ordinaire, et qui nous fait légèrement dévier de notre route. La routine, ça n’existe pas vraiment… On ne s’en rend pas vraiment compte mais c’est pourtant vrai ; un peu comme modifier la trajectoire d’une sonde spatiale de quelques millimètres au décollage, pour qu’à plusieurs années-lumière de là, la différence se calcule en kilomètres.
Ce qu’il y a de bien avec ces changements, c’est qu’ils sont bien vécus. On les voit à peine, après tout, comment pourraient-ils être violents ?

Mais il y a aussi d’autres périodes de changement. Elles sont plus rares. Dieu merci ! Elles sont aussi beaucoup plus violentes. Il se passe quelque chose, et on n’a pas d’autre choix que de changer. Cependant, ce changement n’est pas subi pour autant ; il ne tient qu’à nous de décider de ce qu’on en fait. Les décisions ne sont pas faciles à prendre, et guère plus à assumer pendant la période transitoire, par définition inconfortable. A défaut de pouvoir revenir au confortable « avant », on aimerait simplement se couler, sans heurt, au moule de la situation nouvelle, on aimerait que tout aille de soi, mais ça ne va pas de soi alors il faut prendre les décisions, même difficiles, et aller de l’avant.
Je crois que je suis à l’orée d’un changement comme celui-là. Il ne me fait pas plaisir. Mais je puise mon énergie dans l’idée qu’il saura être bénéfique sur le long terme.

En réalité, je n’ai pas pris de grande décision.
Je considère que ce n’est pas unilatéral, pour commencer ; que j’ai fait ma part de maladresses mais aussi ma part d’efforts pour tenter d’arranger les choses, et que maintenant j’attends le geste dans l’autre sens. S’il vient, tant mieux. Je me connais et je sais que, avec de la bonne volonté des deux côtés, je finirai par pardonner. Je suis comme ça, j’ai pardonné à mon père, j’ai pardonné à l’ex qui m’a laissé une cicatrice dont je ne me déparerai plus, j’ai pardonné à plein de monde… alors ça, franchement, je peux le pardonner, c’est rien. En plus, de vous à moi, en amitié, je suis d’une fidélité à toute épreuve, vraiment. Mais il ne s’agit pas de pardonner sans raison, et j’attends simplement qu’on m’en donne une, parce que les efforts ne peuvent pas venir que d’une seule personne pour sauver une relation qui en implique, par essence, plus d’une. Donc en fait, il n’y a pas réellement de décision ferme et définitive.
Mais je m’y prépare. Et c’est peut-être ça le plus important.

Pendant deux semaines, je n’ai rien dit. J’étais dans une situation inédite : je ne savais pas que mon blog était lu par certaines personnes, et je crois que je n’imaginais même pas que vu ce qui s’était passé, la démarche de ces personnes serait de venir m’y lire. Il semblait absolument évident que le blog ne délivrerait qu’une partielle explication de ce que je pouvais penser et ressentir, et surtout, de ce que je pouvais dire à, potentiellement, tout le monde ; il semblait évident, ça tombait sous le sens, que le meilleur moyen pour mes amis de savoir ce que je ressentais et pensais, c’était de me le demander. Surtout qu’on ne peut pas dire que mon grand défaut soit de refuser de parler, ou de ne pas être d’un tempérament sincère…
A ma grande surprise, ça n’a pas été le cas. Et dans un premier temps, je me suis dit… je me suis dit quelque chose comme « merde, si ça se passe comme ça, avec des petites phrases et des commentaires et des mails, on ne va jamais réussir à percer l’abcès correctement, et en plus on va plus se donner en spectacle qu’autre chose ». Preuve que finalement, même moi j’ai mes limites, au bout du compte ; c’est une découverte que j’aurais aimé faire en d’autres circonstances. Mais en tous cas, il me semblait évident que des amis ne viendraient pas régler nos problèmes ici. C’est un espace où je livre quelques textes, ponctuellement, sous le coup d’une émotion et/ou d’un souvenir (et dans le cas présent, sous le coup d’un verre de plus que ma limite, aussi), où je parle sur un thème, et dont je sors libérée d’un sujet que j’ai pu mettre à plat. Libre à chacun, bien-sûr, de venir partager des expériences sur le thème abordé, j’ai toujours regretté que ça ne se produise pas plus d’ailleurs, mais en tous cas ça n’a jamais été une tribune ni pour m’adresser aux gens, ni pour que eux s’adressent à moi.

Mes amis ont mon numéro de téléphone, après tout. Si vous ne l’avez pas, désolée de vous le dire, mais vous n’en êtes pas.
Notez bien que l’avoir ne fait pas de vous un ami de facto, mais enfin, voilà : mes amis savent comment me joindre. Ils savent comment me parler, comment avoir la réponse aux questions qu’ils se posent à mon sujet. Et quand ils ont envie de savoir comment je vais, ils n’ont pas besoin de venir voir chaque jour, plusieurs fois par jour, si j’ai posté. Il leur suffit de me le demander.
Ça semblait donc évident… mais ça ne l’était que pour moi.

Pendant deux semaines, j’ai vu les stats de ce blog atteindre des records à cause d’une IP. Principalement une, disons.
Chaque jour. Plusieurs fois par jour.
Et je me disais : pourquoi ne pas m’appeler ? Pourquoi ne pas me laisser dire les choses qui pourraient débloquer la situation ? Mais non, c’était le silence radio. Est-ce que j’étais punie pour avoir exprimer ma souffrance ? J’avais été rejetée une première fois, et, en exprimant ma souffrance, j’avais réussi à être rejetée une seconde. Et la première n’a soudain plus eu d’importance du tout. Parce que même avec de beaux yeux sombres, un garçon envoûtant n’est jamais qu’un garçon envoûtant, quand un(e) ami(e) est certainement la chose la plus importante au monde. Je voyais ces stats progresser quotidiennement, et je me demandais : est-ce un test ? Attend-on que je prouve que je n’ai plus mal pour m’autoriser de nouveau parmi eux ? Et je vous assure que je me sentais coupable d’avoir de la peine et de l’avoir exprimée. Et dans le même temps, je sentais bien que je n’avais pas à me sentir coupable d’avoir eu mal en étant rejetée, et je me disais que ce n’était pas totalement exubérant d’attendre que mes amis ne me rejettent pas juste parce que j’avais de la peine et que je ne savais pas la gérer.

Mais enfin, j’en étais là. A me dire que j’aurais certainement dû réagir autrement, et que, vous savez quoi ? Si on m’en laissait l’occasion, je saurais expliquer ce par quoi j’étais passée, pour le mettre derrière nous. Comment j’avais ressenti le rejet de façon violente (peut-être, certainement même, que ce rejet n’avait pas été voulu aussi violent, mais je l’avais ressenti comme ça parce que personne n’a pris le temps de me rassurer avec des mots gentils pendant un moment aussi long que celui que j’ai passé, moi, à être rassurante), comment j’avais eu l’impression que ma pire peur s’était concrétisée quand l’amie à qui j’avais explicitement dit que j’avais peur de la perdre avait arrêté de m’adresser la parole, comment j’avais attendu un signal pour dire que je pouvais être dans leur vie à nouveau, et que je n’avais obtenu qu’un blessant silence. En disant tout cela, je suis absolument certaine que nous aurions pu aller de l’avant.

Voilà comment je voyais les choses : une discussion, pas forcément agréable parce que nécessairement sensible, mais pas du tout sur un ton hostile, où chacun déballait ce qu’il avait sur le cœur. « Tu m’as fait peur parce que ci », « tu m’as semblé excessive parce que ça », et moi, avec l’opportunité de dire que, plus que tout, c’est à mon manque d’estime de moi que j’ai été renvoyée et que j’ai réagi de cette façon parce que ça a rouvert des blessures vieilles de plusieurs décennies. Et qu’aussi, penser que mes amis sont meilleurs que moi ne devrait pas être interprété comme de l’hostilité.
Et puis ensuite, rien. Vraiment, rien, sincèrement. Juste savoir qu’on était en paix les uns avec les autres, s’assurer qu’il n’y avait pas d’animosité. Continuer nos vies déjà bien chargées par ailleurs, de toute évidence. Plusieurs semaines à simplement se borner à quelques tweets, ou un mail pour signaler un truc sympa ou pouvant être utile. Se dire un mot sympa quand l’un se fait du soucis pour un parent, ou pour dire « eh, je sais que ça fait un an, je suis là si tu veux en parler » (des choses dont j’ai eu l’impression qu’on m’a implicitement interdit de les faire, dans le cas présent). Et puis, lentement, après plusieurs semaines, peut-être un mois… se faire un resto. Pas aller les uns chez les autres, juste un resto, en terrain neutre. Voir si on rit toujours. S’apercevoir que oui. Faire un autre resto, un peu plus tard. Voir que les choses sont presque revenues à la normale… presque. Mais que c’est bon signe…

Mais même quand je me fais des films en me disant qu’ils sont raisonnables, je m’aperçois que ça ne tourne pas comme je l’avais imaginé. Que mes intentions ont été mal interprétées (peut-être exprimées de façon brute, aussi, c’est tout-à-fait possible, mais au moins, elles avaient le mérite de la franchise ; j’ai énormément de défauts mais c’est quand même là l’une de mes plus grandes qualités…), mais qu’on décide de s’en borner là et de jouer à colin-maillard pendant deux semaines, quitte à savoir pertinemment que ça fait mal à certains. Peut-être même à tous, qui sait, puisqu’on m’a dit il n’y a pas si longtemps qu’on aurait de la peine à me voir sortir du paysage.

Alors, là, je dois dire, après une ultime tentative pour régler les choses par la discussion, je me dis… si la discussion ne marche pas, je me prépare au pire, et même si ça fait mal, d’accord, j’accepte de gérer ça.
Ok, ça signifie une bonne dose de solitude, je peux faire face. Ok, ça signifie faire une croix sur plein de bons moments qu’on aurait pu passer dans quelques temps, quand tout ça aurait été moins frais.
Vous savez quoi ? C’est hyper triste que je m’en sente capable. Mais la vérité, c’est que très seule, je l’ai déjà été, bien plus que je ne le suis maintenant. J’ai connu des déchirures autrement plus graves, et des disputes autrement plus tragiques ; j’ai vécu dans la solitude absolue pendant ma période maudite de chômage. J’ai fait face une fois, alors je sais que je suis de taille. Si une page doit se tourner alors allons-y. Ça fera mal un moment, oui, et puis ? Ça ne peut pas être pire que ça l’a déjà été il y a des années. Il y a d’autres personnes dans ma vie, pour commencer, pas aussi importantes, c’est sûr, mais elles sont là. J’ai aussi un travail, des loisirs, des projets, tout un tas de choses que je n’avais pas la dernière fois, et pourtant la dernière fois j’ai survécu. Je survivrai aussi. Je m’adapterai aussi. Je vais même pousser le vice jusqu’à décider de la direction à prendre à partir de là.
Oui, ce sera dur, mais je finirai par recalculer ma trajectoire, ce n’est qu’un changement de plus.

A tout grand changement correspondent de multiples petites réorientations.
Tenez, un exemple tout bête : les commentaires de ce blog. Ils sont, pour la première fois de leur histoire (et on parle d’un blog ouvert à l’automne 2004) soumis à modération a priori. C’est-à-dire que tout commentaire posté va d’abord arriver dans ma boîte aux lettres avant de s’afficher ici. Ça me fait mal au cœur car jamais je n’ai instauré une telle politique (à l’époque d’u-blog, certains commentaires m’ont traitée de misérable merde quand j’ai exprimé ma vision du sexe, et je les avais laissés, pensant qu’ils apportaient un angle radicalement différent du mien et donc nécessaire, par exemple), mais, bon, comme ça, les gens qui veulent me joindre n’ont pas à passer par des moyens détournés, ils n’ont qu’à me joindre en direct. Pour les autres, il leur suffira d’un peu de patience avant que leur commentaire soit en ligne, voilà tout… Bon, j’espère que ça marche, j’ai jamais fait ça, moi.
Tenez, un autre exemple : me ronger les sangs en espérant ne pas froisser ceux que j’aime, c’est fini. Si mes « amis » peuvent me faire du mal en connaissance de cause (et a priori, quelqu’un de sensible qui est passé par des expériences de rejet qui l’ont atteint devrait comprendre) et s’en tirer à bon compte avec un « désolé », a priori rien ne m’interdit d’en faire autant. Ceux qui sont fâchés n’ont qu’à m’appeler pour m’en toucher un mot, ou m’envoyer un SMS si vraiment ils n’ont pas le courage de parler. Toute sincère que je sois, je peux aussi comprendre que tout le monde ne le soit pas, et ait tendance à ne pas savoir comment exprimer certaines choses sensibles. Un SMS, c’est un bon début ; va pour un SMS.

Voilà, c’est ainsi que ça commence.
Et puis selon la tournure des choses, il y en aura d’autres, des changements. En fait, à l’heure où nous parlons j’ai déjà des sacs poubelle béants dans lesquels je commence à jeter des affaires qui appartiennent au passé. Quitte à me faire mettre à la porte de la vie de certains amis, quitte à me faire mettre à la porte de mon logement par mes propres parents, bah j’ai envie de dire, autant en profiter pour faire du nettoyage par le vide.
Pour une fois, ce n’est pas moi qui vais changer. C’est le monde qui va devoir choisir entre s’adapter ou… Ou ? Que va choisir le monde ?

Je crois que je me suis assez excusée, maintenant, d’avoir mal et de ne pas savoir comment le gérer. Je vais donc ne plus avoir mal, et je vais apprendre à le gérer. Ceux qui pensent que je suis quelqu’un de bien, voire même quelqu’un de « rare », suivront. Les autres…? Ça ne m’appartient plus, maintenant. Je suis parée quoi qu’il arrive à accuser le choc comme à ouvrir les bras.

C’est certainement le plus gros changement que j’aie jamais effectué sur moi-même : ne plus craindre de me prendre un uppercut au cœur. Je suis pas mécontente de moi. Un jour, à ce rythme, je finirai par être quelqu’un de fort.

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