Two beautiful minds

27 juin 2011 à 0:07

Immeubles interminables de verre et de chrome, bureaux immaculés, couloirs constellés de lampes… L’univers des avocats de prestige, vous le connaissez, je le connais ; on l’a tous déjà arpenté, posé nos pieds sur la moquette fine omniprésente, passé la main sur les surfaces planes qui semblent y régner en maîtres, poussé ses portes transparentes et toujours impeccablement propres. Téléphagiquement en tous cas.
Quand une série se pique d’aller s’y installer, on a déjà nos repères. Cette esplanade avec son vendeur de hot dogs. Cet ascenseur au ballet imperturbable. Tout y est.

Bien-sûr, régulièrement, il vient une série du genre The Defenders pour nous rappeler que le monde des avocats n’est pas toujours glamour, et c’est parfait : il en faut. Mais concrètement, les bureaux des avocats, ils en jettent, et on en est ravis.
Parce qu’il faut que le décor soit luxueux et moderne pour s’accorder avec le raffinement intellectuel de ses occupants.
En théorie du moins, puisqu’on s’attend à ce qu’ils soient intelligents théoriquement, mais nuls humainement.

Suits nous offre précisément cette plongée dans l’élite téléphagique : le monde juridique. Un monde où la répartie fait systématiquement mouche, et où l’éclat des répliques n’a d’égal que celui des stylos hors de prix. C’est dans le cahier des charges : dans un legal drama, les personnages sont d’une intelligence aiguisée, et leur boulot, c’est de le prouver épisode après épisode. Une série légale où les personnages sont dénués d’intelligence, c’est bien simple, ça n’existe pas. C’est pourquoi les séries légales seront toujours supérieures aux séries policières.

Ainsi sont les deux personnages centraux de la série, Mike et Harvey, parfaitement conscients d’être plus intelligents que la moyenne, et l’enjeu est précisément celui-là : vivre en étant intelligent. Pour Mike, le défi est de réaliser son potentiel après avoir tout gâché une fois. Pour Harvey, la problématique est simplement de profiter de tous les avantages sans jamais en connaître les inconvénients (et dans le pilote, il donne l’impression d’y réussir plutôt bien). Ces deux-là vont se trouver et, parce qu’ils sont intelligents, réaliser rapidement qu’il serait bête de se séparer maintenant.

D’autant qu’à eux deux, ces brillants cerveaux sont capables de plutôt bien mener leurs affaires… si ce n’était leur goût un peu vicieux pour l’échec (dans le cas de Mike) et pour la vantardise (dans le cas de Harvey).
De fait, leur pire ennemi, c’est eux.

Bien-sûr, Suits ne transcende pas le genre et ne propose pas de série légale révolutionnant la face de la télévision. C’est plutôt une invitation à se mettre à l’aise avec des personnages intelligents qui ne vont pas louper une occasion de nous le prouver : on l’a dit, c’est leur job. Les enjeux viennent essentiellement de ce que le comportement de nos deux cerveaux afûtés provoque chez ceux qui sont juste un peu moins gâtés intellectuellement, et notamment la jalousie de Louis Litt (celui qui voulait être calife à la place du calife, porté par un Rick Hoffman aussi succulent qu’à l’ordinaire dans son rôle de méchant raffiné mais obstiné), fermement décidé à avoir la peau de Harvey quoi qu’il en coûte : pas de surprise de ce côté-là non plus.

Mais le gentil Mike et le pédant Harvey nous font un tel numéro de duettistes qu’on se fiche bien d’avoir déjà vu ce tandem mal assorti mais dynamique une fois ou deux par le passé (…peut-être sur la même chaîne), et qu’on a juste envie d’assister à leurs échanges, simplement parce que c’est là que se joue le nerf de la guerre, le cœur du show, l’âme de la série : dans les discussions à cent à l’heure de deux personnages qui sont très intelligents, qui apprécient cela l’un chez l’autre, mais qui aimeraient juste prouver une fois pour toutes qu’ils le sont quand même juste un peu plus.

Ajoutez à cela des intrigues légales avec moult revirement de situation (toujours bien amenés, c’est l’essentiel dans ce type de fictions), une gent féminine prête à asticoter ces hommes un peu trop sûrs d’eux et à se pavaner dans des tenues à la fois professionnelles et sexy, et vous obtenez une série prête à personnifier ce que le grand public peut aimer dans les legal dramas.
N’ayons pas honte de le dire : le grand public aura raison.

D’ailleurs ce sont des séries comme ça, bien conçues mais pas élitistes, intelligentes mais pas stratosphériques, que M6 devrait tenter de diffuser le jeudi soir en prime avant de se lancer dans les grosses pointures du genre de The Good Wife.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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