En petite vertu de la loi

16 juillet 2011 à 2:02

« When I first came here, you advised me to have a glass of champagne every night, so I could have a glass after a case without it looking like a celebration. Because prosecuting isn’t about winning or losing, you said, we’re not representing the victim, we’re not obliged to feel for the victim or feel we have to give our best for them, but we do, David. We do. »
(Janet King, Crownies – 1×01)

Si comme moi, vous êtes coutumier des legal dramas, Crownies ne vous surprendra pas vraiment. Je comprends pourquoi ABC1 en a commandé directement 22 épisodes : ça se mange sans faim ! Le produit est parfaitement calibré, la formule a été testée et approuvée par le passé, il n’y a, à vrai dire, pas tellement d’enjeu (et du coup je m’explique mal les audiences très tièdes de son lancement).
Mais on ne regarde pas toujours une série pour son originalité. En fait, il y a des tonnes de séries qu’on regarde tout en sachant qu’elle empruntent des sentiers balisés, et pour autant on ne les trouve pas moins agréables. C’est le cas de Crownies, qui rappellera de nombreuses séries du même genre, parmi lesquelles The Deep End, à la différence notable qu’on a ici affaire à des procureurs et non des avocats travaillant en cabinet.

La structure est donc la même : un groupe de jeunes (et bien-sûr beaux) procureurs se lance dans le métier, et en apprend les avantages et les inconvénients au fil de leurs expériences. Fort heureusement, le poncif du « j’arrive dans mon nouveau boulot » nous a été épargné, et nos jeunes sont déjà bien intégrés dans les bureaux du procureur lorsque commence le pilote, qui suit la journée précédant le pot de Noël du bureau (je vous avoue que même en travaillant dans le public, jamais je n’ai vu un pot de Noël à thème comme celui-là ; je commence à me dire que j’aurais dû passer les concours de la magistrature, plutôt). Se mêlent donc des préoccupations décontractées, des répliques amusantes et des taquineries entre collègues du même âge, et les véritables cas légaux auxquels nos jeunes (et nos moins jeunes) sont confrontés.

De ce côté-là, on est un peu dans la demi-teinte. La répartition est très irrégulière dans le premier épisode, bien que s’arrange avec le deuxième (c’étaient en effet deux épisodes qui étaient proposés pour la soirée de lancement ; en l’absence d’une séparation nette entre le deux, je vais donc traiter dans ce post des deux épisodes).

Ainsi, c’est surtout la belle rousse Erin qui est au centre des attentions scénaristiques avec deux affaires similaires que son mentor l’encourage à ne pas mener au procès. Mais la rouquine a encore un petit coeur qui bat sous sa peau de porcelaine (ai-je mentionné que la créature en question est un ravissement pour l’oeil ?) et elle persiste malgré tout. Le côté idéaliste de la jeune femme est assez classique mais donne une touche humaine aux intrigues, ce qui fait plaisir vu le ton badin de beaucoup d’autres axes du pilote.
Les autres affaires sont assez rapidement survolées, entre Ben qui se voit confié un dossier très important et top secret, mais dont le contenu sera vite balayé par le scandale entourant le trajet du dossier lui-même (en fait, c’est l’axe que va emprunter, à ce qu’il semble, une bonne partie de la saison, l’occasion de donner aussi de bonnes scènes au personnage de Janet, cf. citation ci-dessus), Lina qui bosse sur une affaire touchante mais qui touche à sa fin (la plaidoirie a eu lieu avant le début du pilote, on est en attente d’un verdict), et Tatum dont je ne suis pas certaine d’avoir compris à quoi elle sert sinon être blonde et ravissante.
Par contre, si l’on en sait peu sur le déroulement des dossiers de Richard dans un premier temps, on a droit à une suite de petites scènes très touchantes mettant en exergue la difficulté que c’est pour lui de devoir faire de la paperasse sur des affaires glauquissimes. On ne le verra pas les traiter, les plaider, les régler ni quoi que ce soit, on n’est même pas sûrs qu’il fasse autre chose que remplir des cases (le passage devant un juge se fera, par contre, pour le 2e épisode, avec un dossier n’ayant rien à voir, et ce sera un epic fail de toute beauté), par contre l’accumulation de dossiers ignobles est très bien rendue. Richard, épuisé, supplie qu’on lui donne autre chose que des crimes sexuels, n’importe quoi. « De la drogue, pourquoi pas ? J’adore la drogue ! » s’exclame-t-il en espérant en finir avec les plaintes pour viol et inceste. Le pilote lui donne assez peu de scènes, ce qui souligne son tempérament doux, effacé et raisonnable, mais ces petites touches sont un plus considérable pour présenter à la fois le personnage et les réalités de la profession.

Alors après, je ne vous le cache pas, il y a un peu de fesses. Et encore, moins que ce que le trailer laissait présager. C’est vraiment le côté le moins agréable de la série, qui donne l’impression que les histoires de coucheries devaient être explicitées un peu plus souvent qu’à leur tour pour plaire au public (je ne serais pas étonnée si c’était en fait le truc qui avait refroidi le public, pas forcément habitué à ça dans une série légale). Non que ces scènes soient épouvantablement explicites (même s’il y a un peu de racolage dans la façon de profiter de la plastique impeccable de Tatum, et dans une moindre mesure Erin et Lena), mais enfin, voilà, ça fait un peu remplissage grossier pour faire jeune et hype et attirant.
Je n’en ai pas vu l’intérêt, même dans le cadre du fameux axe tournant autour du dossier qui ne doit pas sortir du bureau du procureur (et qui bien-sûr va se retrouver dans la presse). Je me fiche un peu de qui couche avec qui, surtout dans le cas de Lena où vraiment j’ai pas compris du tout l’intérêt de la scène. Et si untel couche avec unetelle, la drague est tellement évidente en amont (cf. Ben, Julie et le bonobo ; regardez, vous comprendrez) que c’était pas la peine de montrer après que ces deux-là avaient concrétisé tant c’était évident. C’est en ça que la gratuité a tendance à titiller les nerfs ; j’espère qu’on se passera de ces scènes à l’avenir maintenant qu’on a compris les dynamiques (notamment du côté de Tatum où on n’a vraiment pas besoin qu’on nous mette le nez dessus pour percevoir ce qui se passe), mais j’ai comme un doute.
Je vous rassure, ça ne baise pas non plus dans tous les coins, mais ça manque de subtilité, voilà tout.

Dans la légèreté ambiante de la série (l’omniprésence de Tatum, alors que concrètement je n’ai aucun souvenir de l’avoir vue bosser dans aucun des deux épisodes, et l’arrogance permanente de Ben, y contribuent fortement), le drame est donc exploré avec prudence. Et après tout ce n’est pas plus mal : il ne s’agit pas de jouer les montagnes russes. Bien que j’aime beaucoup quand une série légale nous offre des moments bouleversants dans une affaire, je dois reconnaître qu’il est plus équilibré de ne pas partir dans du drame trop sombre vu la tonalité générale des autres scènes. D’un autre côté il n’y a pas de gag à proprement parler non plus, pas de gros délire, pas de bizarrerie incroyable ; c’est vraiment de la dramédie pure, parfaitement à mi-chemin. On apprécie ou pas, mais il n’empêche, c’est plaisant d’avoir su trouver le ton juste.

Certains personnages sont donc plus appréciables que d’autres, plus approfondis que d’autres, plus agréables visuellement que d’autres (plusieurs des acteurs sont des anciens, même de façon fugace, du soap Home and Away ; alors après c’est vrai aussi que l’interprète de Ben était dans Cloudstreet, ça n’augure en rien de leur talent, mais enfin les moches courent pas les couloirs du bureau du procureur, quoi)…
Rien de révolutionnaire dans la série Crownies, c’est certain. Mais un légal drama agréable, porté par un cast sympathique et une écriture qui n’a pas à rougir, ça fait toujours plaisir.

Je ne sais pas encore si je tiendrai la longueur (j’ai tendance à avoir de plus en plus du mal avec l’âge), et donc j’ignore si je regarderai Crownies au rythme de sa diffusion ; récemment j’ai eu un peu de mal à continuer Winners & Losers pour cette raison. Je préfère mes séries australiennes avec une douzaine d’épisodes, que voulez-vous ? Mais ça ne retire rien à son plaisant mérite.

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4 commentaires

  1. Toeman dit :

    Ah, découverte totale, là et ma curiosité est très fortement piquée.

    Ça me rappelle un peu la très courte Conviction qui ne m’avait pas franchement convaincu, même si je n’ai pas eu de mal à regarder tous les épisodes.

    Si le « cagoulage » n’est pas trop compliqué, je risque fortement d’y jeter un oeil.

    Je n’ai pas encore pris l’habitude d’aller voir du côté de l’Australie pour les séries.

    Merci pour la découverte !

  2. ladyteruki dit :

    Oui c’est le genre de truc qui se regarde très facilement. Là les deux premiers épisodes duraient 1h48 très exactement, tout cumulé, et sans temps mort c’est passé tout seul. Moi qui ai parfois du mal devant les pilotes un peu longs, j’ai regardé les deux épisodes à la suite sans broncher (c’est vrai qu’il n’y avait pas de césure à proprement parler mais ça ne m’a pas vraiment manqué). Vraiment, ça se déguste facilement, fonce si tu les trouve… ça ne devrait pas être trop compliqué d’ailleurs (cf. mails).

  3. Toeman dit :

    Je suis pas très doué pour poser des mots sur ce que j’ai ressenti devant une série, mais je vais tenter, car Crownies le mérite selon moi.

    Alors, oui, ça n’a rien de révolutionnaire, mais c’est bien écrit et bien joué, ce qui fait que la série a fonctionné pour moi très rapidement.

    La mise en place du cadre est plutôt habile, les jeunes sont déjà bien installés, l’ambiance est très sympa, on sait qui est qui très rapidement.

    Pas de grandes rigolades, ni de passages déchirants, la série alterne entre petites blagues potaches et storylines plus sérieuses. L’équilibre est réussi, mais peut devenir un problème, pour moi, à long terme. Il faudrait pas que ça passe pour un manque d’ambition.

    Bon, il y a quelques longueurs, notamment dans le 2e épisode. C’est vrai que c’est parfois un peu racoleur (je pense notamment à Tatum qui se promène à moitié nue pendant une bonne partie du premier épisode, sans que ce soit vraiment justifié ni justifiable) et c’est vrai aussi que l’aspect légal est un peu trop discret à mon goût, pour le moment, mais il s’est passé un truc avec cette série. On peut faire bien avec du simple.

    J’ai eu deux vagues surprenantes d’émotions durant ces premiers épisodes. Des vagues très brèves, du genre de celles qui repartent aussi vite qu’elles ne sont arrivées.

    Mais, aussi brèves qu’elles puissent être, j’adore et j’en redemande.

    Le première, lorsque Richard montre son désarroi face à une énième affaire glauque.

    C’était super touchant.

    La seconde, au moment du célèbre « guilty or not guilty » des jurés. Ça a tendance à très souvent marcher sur moi, ce genre de scènes. Je me fais avoir à chaque fois. Une horreur pour mes nerfs, quand je regardais régulièrement Law & Order SVU.

    J’ai donc beaucoup accroché, mais pour que je devienne vraiment accro, il faudrait que la série mise plus sur le drama mais aussi plus sur le légal.

    J’aime déjà beaucoup Erin et Richard, il faut maintenant qu’ils arrivent à me faire aimer les autres.

    J’aimerais les voir à l’oeuvre, les voir embrasser un dossier, comme Erin semble le faire dans la deuxième partie.

    Et tout ça en conservant le fil rouge de ce fameux scandale, qui, ma foi, a le mérite d’être intrigant.

    Bon, je livre ici une impression très décousue et à laquelle il manque un tas de choses que j’aurais voulu dire et auxquelles je ne pense pas.

    En tout cas, un grand merci pour la découverte, j’ignore à quel rythme je vais suivre cette série, mais pour le moment, j’ai adhéré et j’ai envie de voir la suite.

  4. Toeman dit :

    Le 3e épisode est juste très bon.

    Je relis mon commentaire sur les deux premiers, et je me rends compte que les scénaristes m’ont fourni tout ce que je demandais.

    Difficile de ne pas craquer complètement pour la série, du coup.

    Vivement le prochain !

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