Le fruit n’est pas tombé loin de l’arbre

26 juillet 2011 à 18:04

Vous avez remarqué à quel point les séries du passé sont forcément taxées d’être GENTILLES ? (ô insulte suprême dans un monde de téléphages cyniques attendant toujours plus de noirceur et de sérieux de leurs fictions)
C’est à la suite d’une discussion avec plusieurs d’entre vous sur Twitter que j’y ai repensé. Non que ce soit forcément dit avec mépris par mes interlocuteurs. Mais force est de constater que cela permet de se défausser systématiquement de ces séries, au prétexte qu’elles sont les reliques de temps immémoriaux (en années-internet) pendant lesquels il était courant qu’une série ait un regard positif sur le monde, les relations ou encore, simplement, la narration. Le happy end nous écœure tous aujourd’hui, me dis-je parfois dans un excès de pessimisme (prouvant par là que je n’ai pas tort).

Pourtant, quand je ne m’escrime pas à vous faire regarder The Yard (clin d’œil, clin d’œil) ou, pire, des séries même pas anglophones, il me plaît d’essayer de défendre l’indéfendable : des séries datant d’il y a plusieurs décennies. Une tâche dont je ne suis, certes, pas la plus éminente ambassadrice, mais on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a et, ma foi, j’ai l’amour de Three’s company et Maude chevillé au corps, c’est déjà pas si mal. Pis plus près de nous, je me repasse encore des dialogues des Craquantes ou Roseanne, et je suis toute aussi ravie.
D’accord, ce sont plus souvent des comédies. C’est aussi parce que, entre vous et moi, c’est quand même plus agréable à regarder que la plupart des comédies d’aujourd’hui.

Mais les décennies passées n’ont pas été que rires et bouffonneries. Et c’est ça qui est intéressant, bien qu’un peu triste. C’est qu’on ne se rappelle que des séries drôles, et souvent familiales, et que ça permet de prendre un petit air condescendant en disant « ah, mais ça, c’étaient des séries comme on en faisait avant, c’était GENTIL, quoi ». Vlan dans les dents.

Il ne vous aura pas échappé (ou si c’est le cas, prenez un air assuré et allez lire ce post discrètement quand j’aurai le dos tourné) que je ne mange pas de ce pain-là. Je revendique haut et fort mon attachement aux séries de jadis, peut-être moins fort qu’aux séries nippones ou australiennes, certes, mais quand même, et j’ai toujours une liste de séries à tester à l’occasion (tenez, la prochaine, c’est Voyage to the Bottom of the Sea, quand j’aurai du temps, et si je m’en tiens à mon planning… ah ah ah, je me fais rire toute seule dites donc).

La conversation du jour tournait autour de la classification de La Croisière s’amuse : selon SeriesLive, il s’agissait d’un soap. Mais comment la classer ? Comme un drame ? Certainement pas. Une comédie ? C’était un peu dérangeant quand même. Bon résultat, non seulement j’ai rien changé à la fiche, mais j’ai joué ma timorée sur la fiche de Das Traumschiff qui était la raison pour laquelle je consultais celle de La Croisière s’amuse.
Au cours de la conversation sur ce thème, donc, l’exemple de L’Île Fantastique est venu sur le tapis. Le soucis c’est que, si effectivement les séries sont comparables dans leur formule (notamment le fait que plusieurs histoires se croisent, permettant à plusieurs scénariste de travailler dans un même épisode), sur le ton elles n’avaient pas grand’chose en commun. Lorsque j’ai regardé le premier épisode de L’Île Fantastique voilà quelques semaines, l’histoire n’avait pas grand’chose en commun avec un épisode de La Croisière s’amuse, ou disons, en partie seulement. Car si d’un côté, on y trouvait deux jeunes femmes souhaitant vivre l’existence de la jet set (et qui du coup, c’est fatal, rencontraient chacune un homme qui permettait de se poser des questions sur la classe sociale de façon assez explicite, donc avec quand même dans l’idée de réfléchir et pas juste raconter une romance), l’autre partie était consacrée à un fantasme bien particulier : un magicien qui voulait accomplir « l’évasion ultime » se retrouvait envoyé dans une prison dont on ne réchappe pas. Envoyé ainsi dans le passé (et pas juste dans une illusion du passé, comme on pourrait s’y attendre, donc avec une forte composante fantastique qu’on a aussi tendance à oublier), il se trouvait réellement prisonnier, et il pouvait réellement mourir. A lui de voir si le défi en valait la peine… La leçon, loin d’être bienveillante, est alors réellement cruelle, et pas juste une gentille petite fable moralisatrice. Le personnage est réellement mis en danger, et même si on ne se fait pas de soucis pour lui, on a une vraie teneur dramatique, et pas juste une petite cabriole scénaristique. A côté, même les gars de Mission: Impossible étaient plus prudents sur les conséquences de leurs petites mises en scène. Et eux, ils travaillent pour le gouvernement.


Outre cet exemple frais dans ma mémoire, on va exceptionnellement faire l’effort de se rappeler de mon plaidoyer pour réhabiliter (un peu) les Ahem! du Bonheur, qui, même si ses méthodes étaient, je vous l’accorde, celles d’une production peu raffinée en général, et pas téléphagiquement exigeante en particulier, avait tout de même quelques qualités dramatiques qu’on a eu vite fait d’oublier, quand on ne les a pas tout simplement ignorées.

Parce que c’est si facile de faire des généralités. C’est si facile d’avoir une mémoire partielle. C’est si facile de mettre des séries dans des cases.

Et je n’adresse pas ce reproche à qui que ce soit en particulier. Je suis consciente d’être moi-même, encore, parfois, d’un certain snobisme, alors que pourtant, en toute humilité, on ne peut pas dire que je ne fasse pas d’efforts pour regarder des séries contre lesquelles j’avais un fort préjugé il y a quelques années à peine encore. Genre Awkward., par exemple. Ou tout simplement, comme une série non-américaine. Parce que les habitués de ce blog le savent, il y a encore quatre ans, à l’ouverture de ce blog, j’étais du genre à considérer que hors la fiction US, point de salut, bien que regardant déjà des séries nippones. On a tous le droit de grandir, hein, je ne fais pas exception.

Mais enfin voilà, je trouve que ça en dit long sur nous en tant que communauté de téléphages, de voir que systématiquement, on a tendance à amoindrir l’impact dramatique des séries d’antan. J’ai regardé Roseanne il y a encore pas si longtemps avec la conviction qu’on avait changé d’époque et que celle-ci s’inscrivait dans la sienne ; alors évidemment, loin de moi l’idée de prétendre qu’on fait aujourd’hui les séries de la même façon qu’hier, et inversement.

Pourtant, de la même façon que, quand on parle de séries estivales en se disant que c’est le genre de série sans importance qu’on regarde et qu’on oublie aussi vite, on met soigneusement de côté le fait que Mad Men a, au départ, débuté comme une série estivale, eh bien de la même façon, on pense aux séries des décennies passées comme si elles avaient toutes uniquement proposé des Madame est Servie, et qu’il n’y avait pas eu de Prisonnier, pour ne citer que le meilleur des contre-exemples.
L’équipe du SeriesLive Show a d’ailleurs fait l’expérience d’une excellente bonne surprise quand, au début de notre première saison, nous avons découvert le pilote de Hawaii, Police d’Etat, et que la réalisation comme l’histoire allaient plus loin que le stéréotype qu’il nous en était resté.

Peut-être qu’on devrait regarder de « vieilles » séries plus souvent.
Ca nous rappellerait que les séries d’aujourd’hui que nous tenons en si haute estime… ont de qui tenir.

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. F.H.R dit :

    Plus que la question de la naïveté des séries, il faut plutôt y voir l’évolution des sociétés qui les ont enfantés, et les balbutiements d’un art encore jeune.

    Les séries du passé avaient également contre elles le carcan d’un médium encore peu mature à l’époque, et donc soumis à certains impératifs commerciaux, moraux, malgré l’intelligence et la détermination de leurs auteurs

    D’autre part, ce qui pouvait sembler alarmant et inquiétant dans les société policées des années 50, 60, 70 est aujourd’hui considéré comme la norme, acceptable, ou supportable, quels que soient les problèmes.

    Pour autant, je ne pense pas qu’on puisse parler d’âge d’or non plus, puisque très subjectif, pour chaque génération, c’est dans la précédente, voire les 2, 3 générations antérieures que se situe le Pays de Cocagne, c’est sans fin.

    On ne se rappelle que de « séries drôles, et souvent familiales », justement parce que, dans l’éphémérité qui caractérise la télévision, ce sont souvent celles qui ont façonné, par de multiples rediffusions, une culture télévisuelle commune.

    Séries drôles, familiales, qui d’ailleurs n’hésitaient pas à revisiter le passé, 20, 30, 40, 100 ans après les faits (Papa Schultz, Little Prairie, Happy Days, Allo Allo du côté anglais), et pour lesquelles il est souvent bien difficile de deviner l’époque de production.

    Si, dans ces derniers exemples, on doit prendre également en compte les codes sociaux et moraux des époques revisitées, ce sont souvent dans ces séries populaires, formatées, qu’on peut aborder certains sujets jusque-là tabous, et dans certains cas, être des dizaines d’années en avance.

    En témoigne, par exemple la question du mariage gay aux états-unis, abordé et dépeint à plusieurs reprises dans les 90’s, alors qu’il n’est possible que depuis très peu de temps. …Et cela ayant eu lieu au début des 90’s, avant même qu’Ellen n’ait fait son coming out, ou qu’un certain paléontologue pataud découvre le nouveau couple de son ex-femme!

    Les tabous tombent, les codes, les mentalités changent, et la fiction se doit autant d’accompagner ces changements, que de les anticiper.

    Difficile d’imaginer certaines séries, sans un prédécesseur pour libérer la voie.

    Sans Jim Profit, il est peu probable que Dexter Morgan ait un jour pu dépasser ses origines littéraires (romans originels plutôt médiocres, d’ailleurs).

    De même que c’est en ayant vu « Voyage at the Bottom of the Sea » (wink, wink), qu’on peut mieux apprécier, critiquer et remettre en perspective « SeaQuest ».
    Sans les « Brady Bunch », pas de (Brady) Brunch autour d’un canapé au sein du Central Perk, pour nos amis new-yorkais…

    Et pour répondre à un autre problème soulevé dans ce post, je propose de classer Fantasy Island non pas dans la dramédie, dans l’anthologie ni le fantastique, mais plutôt là où est son statut véritable: préquelle de Lost.

    « The Plane, The Plane! »

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