A new start

11 octobre 2011 à 18:28

On peut très bien regarder un épisode et l’aimer à la folie, tout en étant parfaitement conscient de ce que d’autres pourraient en dire. Je me rappelle m’être fait cette réflexion devant The Big C, par exemple ; série à laquelle il m’est impossible de ne pas faire référence aujourd’hui. C’est un cas typique de « si on n’est pas dedans, ça semble too much ». Et quelque part ça me rend triste pour ceux qui n’ont pas pu se laisser faire par l’émotion et qui jugent de façon purement cérébrale.
Parce que dit comme ça, oui, une femme qui apprend qu’elle a un cancer et qui décide de changer les choses, et notamment elle-même, pour vivre mieux, ça peut paraitre ridiculement niais comme idée, genre téléfilm de l’après-midi. Mais en réalité, et ceux qui regardent The Big C le savent, ça va bien plus loin.

Alors de la même façon, Enlightened, je peux concevoir qu’on se dise que c’est un peu niais. Que cette bonne femme qui veut du changement dans sa vie, qui tout d’un coup veut être zen, et heureuse, et intérieurement bio, c’est trop gros, ou trop Bisounours, ou trop ridicule, ou que sais-je.
Et ça me rend triste pour ceux qui jugent Enlightened de façon purement cérébrale.

C’est peut-être parce que dans la vie, je crois qu’il y a deux sortes de personnes, et qu’à l’échelle téléphagique, oui, il y a deux sortes de spectateurs : ceux qui reconnaissent un élan dans Enlightened, fut-il porté à l’écran de façon outrancière pour des raisons dramatiques et comiques, et ceux qui n’y voient qu’une histoire parmi tant d’autres. Il y a ceux qui croient au changement, et il y a les autres.
J’avais un ex qui ne croyait pas qu’on ait une âme (j’ignore s’il le pense toujours), tout était chimique et mécanique. C’est en parlant de ça avec lui que j’ai compris qu’il y a des êtres que certaines choses ne toucheront jamais. C’était contraire à tout ce à quoi je croyais, et ça l’est en fait encore, et pourtant quelqu’un était convaincu que l’âme n’existe pas. Enlightened suscite le même genre de réaction chez moi : il y a ceux qui comprennent parce que ça touche à leur façon de voir la vie, et ceux qui sont extérieurs à ça. Ceux-là me trouvent sans doute stupide quand je pleure en souriant devant le pilote d’Enlightened. Moi j’ai l’impression qu’une de mes larmes est pour eux parce que je trouve triste que ça ne les touche pas. On ne se comprendra jamais, sur ce sujet, je présume. ils ne veulent pas vraiment me comprendre parce que ça leur semble trop ridicule. Je n’ai pas envie de les comprendre parce que j’aurais peur de me vider d’une certaine forme de sève. Le fossé est infranchissable parce que chacun de notre côté, nous regardons l’autre bord en hochant la tête…

Je crois au changement, parce que je n’ai appelé que ça de toute mon âme pendant 3 décennies. Et c’est un sacré hasard que le changement et Enlightened se produisent au même moment, mais cette étrange alignement d’étoiles ne fait que renforcer mon émotion devant la série, bien-sûr.

Dans une certaine mesure, depuis environ deux mois, je suis dans une phase où je suis comme Amy, avec un regard différent sur les choses ; une envie de me comporter différemment pour que mon regard neuf ne se ternisse pas ; la conscience aigüe que ce n’est qu’une question de point de vue, que les choses ne sont pas parfaites juste parce que j’ai décidé que je le voulais ; l’abrupte réalisation que ce n’est pas parce que je veux pousser le changement aussi loin que possible, que le monde autour est réellement différent.
C’est juste moi, juste mon regard, juste la façon dont j’ai soudain des lunettes qui me font voir le monde avec un filtre différent, mais c’est le même. Ce ne sont jamais que des lunettes qui changent mon regard, et jamais mon regard qui change le monde…
Ainsi, je regardais Amy se débattre avec sa nouvelle paire de lunettes, et je ressentais tout ce qui devait se passer en elle, comment les gens ne changent pas juste parce qu’elle a changé elle, comment on ne peut pas reprendre certaines choses à zéro et espérer que les autres étaient capables d’oublier aussi facilement qu’elle veut se convaincre d’avoir oublié. Comment les lunettes ne changent pas, pas vraiment, ce qui est à l’intérieur.

La lutte d’Amy contre elle-même, contre son entourage et contre le monde me touche, tout simplement parce que je crois au changement mais que j’ai aussi appris qu’il y a des limites à ce qu’on peut changer.
Depuis quelques semaines, j’ai chaussé mes propres lunettes, et je m’efforce moi aussi, de toute mon âme, de continuer à voir les choses avec ce regard-là, parce que comme Amy, j’ai aussi besoin d’y croire.

C’est un joli combat que va mener ce personnage, même si on peut penser qu’il est perdu d’avance. Et quand en plus on a l’impression de marcher au même pas que le héros, c’est une expérience inouïe.

Jamais auparavant je ne m’étais « identifiée » à un personnage. Ici, je ne m’identifie pas tant à Amy (j’ai réglé la majeure partie de mes probkèmes de gestion de la colère il y a plusieurs années maintenant) qu’à son parcours, et rien que ça, c’est déjà nouveau pour moi.

J’ai de la peine pour ceux qui ne croient pas à l’existence de l’âme, qui ne croient pas au changement, qui ne croient pas aux beautés d’un voyage comme celui que dépeint Enlightened. Mais plus encore, j’ai de la peine pour mon petit coeur quand je réaliserai avec Amy que ce ne sont que des lunettes. Pourtant je suis contente qu’une série m’offre de prendre ce chemin, et me propose de grandir avec moi pendant une période charnière de ma vie.

Parfois une série est bonne, et je vous recommande tout simplement de la regarder pour ce qu’elle est. Parfois j’ai conscience que tout le monde n’est pas moi, et que tout le monde n’aimera pas Enlightened, parce qu’une série n’est pas toujours qu’une série et que ce qui se passe à l’écran est au moins aussi important que ce qui se passe dans le téléphage. Aujourd’hui est l’un de ces posts. Enlightened n’est pas pour tout le monde.
Mais jamais aucune série n’a été autant pour moi.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Interligne dit :

    Je ne peux pas m’empêcher de commenter.

    J’ai beaucoup pris de plaisir à lire ce texte et, avant toute chose, j’ai envie de dire : bravo, pour avoir réussi à aussi bien mettre des mots sur ce phénomène.

    C’est avant tout une surprise, pour moi, de voir quelqu’un aborder la chose de manière si similaire à ce que j’ai pu vivre (et à ce que je vis encore). Chaque phrase me parle, chaque phrase me correspond et résonne – chez moi – de manière particulière. C’est un bel écho que j’entends là.

    Ce n’est pas un ex, c’est mon copain. Quand je lui parle de ressenti, il attend des arguments ; quand je lui parle d’empathie, il appelle ça de la mémoire ; quand je lui décris ces liens invisibles qui me connectent à tant de choses, il est prêt à me scanner une tumeur au cerveau. Je ne les compte plus les discussions qu’on a eu sur le sujet ; ses réflexions qui (sans jamais tomber dans la condescendance) semblent me prendre de haut et tourner en ridicule cette vision – c’est vrai – irraisonnée. « Il n’y a pas d’âme, pas d’esprit, tu n’as qu’un cerveau, il n’existe que du concret. » Comme tu le dis, j’ai toujours eu de la peine pour lui, de ce qu’il pouvait manquer, de ce qu’il ratait : cette dimension de la vie qui – à mon humble avis – a une réelle puissance (notamment celle de pouvoir pousser au changement, à l’évolution, avec détermination). J’en ris, maintenant, du fait qu’il n’ait pas de coeur – et qu’il pense que je crois en une certaine forme de magie absurde.

    D’un autre côté, c’est aussi cette différence que j’aime voir représentée dans mon couple ; car, si on ne se comprend pas, on essaie, on s’écoute, on se respecte et se supporte. Ce partage devient alors une certaine forme d’entraide, une complémentarité.

    Je comprends aussi la peur de « se vider d’une sève » ; c’est parfois ce que je ressens et tente de réprouver quand, par exemple, avec la musique, il essaie de me faire écouter les instruments quand j’aimerais qu’il me laisse ressentir le morceau (à ce titre, nous avons des goûts musicaux très différents ; lui valorise la technique quand je préfère être porté par les sons).

    Il m’arrive de craindre de perdre cette perspective, celle qui me permet de me connecter à une chanson plutôt que d’en voir toutes les couches, comme s’il s’agissait de la disséquer, d’en voir les tripes, de la critiquer, la juger et m’empêcher de la vivre. J’aime lui faire écouter Breathe de The Cinematic Orchestra et lui dire : tu rates quelque chose à ne pas comprendre ce que cette chanson raconte et ce que cette mélodie essaie de faire ; c’est un manque.

    J’ai aussi été surpris de retrouver cette distinction de genre de personne dans Fringe, et plus particulièrement dans la saison 3 (épisode 9). Olivia est un personnage très réceptif à son environnement quand, en face, Peter ne la comprend pas et réalise qu’il est incapable de voir ce qu’elle voit. C’est une belle fable sur le sujet.

    Pour l’anecdote, quand j’ai essayé de lui faire regarder la saison 1 de The Big C, il n’y a vu qu’une bourgeoise qui n’a pas de quoi se plaindre. Les thématiques du regret, de la solitude ou du renouveau, il est passé à côté. (Et c’est aussi ce que je reproche à la saison 2, entre parenthèses, de s’être éloigné de l’intime ressenti du personnage de Cathy pour se concentrer sur des petites histoires sans intérêt.)

    La bande-annonce d’Enlightened m’aura déjà fait de l’effet. Je suis impatient de la regarder, dans quelques heures.

    Pour tout changement que tu aimerais ou aies pu faire, je ne te connais pas mais te souhaite le meilleur. Et, d’une certaine manière, merci.

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