Délicieux anachronisme

27 mars 2012 à 21:47

Comme le temps passe vite ! Figurez-vous un peu qu’au début du mois, Miss Fisher’s Murder Mysteries était une série que je me mettais de côté pour avoir des pilotes à regarder pendant le Black March. De toute façon, ça ne servait à rien de se précipiter pour le regarder puisqu’aucun autre épisode n’allait être diffusé avant le début dudit Black March, alors, bon…
Et voilà qu’au final, je n’y ai pas touché depuis plus d’une vingtaine de jours ! Il était grand temps d’y remédier, ne serait-ce que pour décider du sort de la série dans mon « planning » d’avril. C’est que, héhé, dans quelques jours, on revient aux affaires ! Alors, Miss Fisher’s Murder Mysteries, on garde, ou bien ?

Laissez-moi couper court au suspense : OUI. Mais uniquement parce qu’on n’en attend pas non plus une révolution. Aussi badine que peut l’être son héroïne, Miss Fisher’s Murder Mysteries est une série qui dégage le même parfum rétro qu’un vieux roman d’Agatha Christie paru chez les éditions du Masque : c’est un peu usé, certes, mais à ce stade de raffinement, on peut aussi bien appeler ça un classique.

La série ne fait preuve d’aucune sorte d’originalité et donnera même pendant le pilote d’authentiques envies de rouler des yeux en soupirant « eeet bien-sûr ». Mais ce n’est pas grave ! Le charme de Phryne fait son effet, et rares sont les séries de nos jours à bien vouloir nous offrir ce genre de délicieuses investigations enlevées. Des générations de téléphages ont grandi avec les Arabesque et les Columbo, jusqu’à ce que débarquent Les Experts pour (paradoxalement) saloper le travail et lui ôter toute sympathie et bonne humeur, imposant à la place la froideur, la rigueur et la précision scientifique dans les enquêtes. Miss Fisher’s Murder Mysteries ne mange pas de ce pain-là, et se regarde avec énormément d’amusement parce que, diable, déjà que le crime augmente à Melbourne, si en plus il faut le prendre au tragique !
Certes, Phryne Fisher bénéficie de l’aide d’un cerveau plus rationnel, en la personne de son amie, le Dr Mac, mais elle ne se base pas sur son travail pour avancer, c’est plutôt une complice au quotidien, qui lui file un coup de main très occasionnel dans le cadre de ses aventures. Par son entremise, l’épisode est paramétré pour répondre aux attentes des spectateurs devenues incontournables en termes de preuves scientifiques dûment examinées, tout comme le recours à de vrais policiers sera nécessaire à un moment, ou à des gros bras bien utiles quand il commence à y avoir un peu d’action. Le pilote concède donc, par petites touches, qu’il y a certaines choses dont on ne saurait plus se passer dans une série d’enquêtes. Mais la présence renversante d’Essie Davis illumine tant et si bien l’écran en permanence qu’on prête à peine attention à ces personnages qui ne sont que des accessoires de plus dans sa scintillante garde-robe.

Ainsi donc, oscillant nonchalamment entre les poncifs du genre et les impératifs télévisuels modernes, le déroulement de cette première enquête est très convenu et ne surprend guère. Ce n’est pas le but, pour tout dire, et en vérité on s’en accommode fort bien. Qu’il s’agisse d’assister aux manifestations du charme têtu de l’héroïne, ou de la voir s’inviter dans une enquête où, concrètement, personne ne lui a demandé son avis, eh bien on suit gentillement, sans protester, en riant soit de l’audace de Madame, soit des petites sceynettes hilarantes qui jalonnent l’épisode (j’ai notamment une affection toute particulière pour l’adorable petite bonne Dot), à l’instar de celle-ci, courte mais désopilante, qui peut cependant présenter un vague aspect spoilerisant :


Black March, tout ça, donc : streaming. Courage, c’est presque fini. Consolez-vous, ça fait partie de ma collection d’extraits sous-titrés.
Il ne faut pourtant pas en conclure hâtivement que Miss Fisher’s Murder Mysteries se regarde comme une comédie policière. Un axe peu mis en avant, mais non moins marquant, nous promet un fil rouge plus tragique, en rapport avec la disparition de la soeur de Phryne voilà une décennie. Explicitée le moins souvent possible, cette intrigue est légèrement feuilletonnante visiblement, et, si l’on n’en attend pas grand’chose dans le pilote, elle peut donner une histoire bien troussée sur le long terme. Et surtout, elle apporte des notes plus sévères, voire tragiques, dans cet épisode par ailleurs aussi léger que des bulles de champagne.
Dans un autre registre, il faut quand même bien avouer que Phryne Fisher est une femme en avance sur son temps, et que les dialogues comme les situations soulignent occasionnellement ce fait. Il y a dans son comportement quelque chose de libéré et donc de libérateur, qui a le don de rappeler que certains acquis n’ont pas même un siècle. L’intrigue elle-même, sans vouloir vous en dévoiler les détours (et ce, bien que cela ait fait partie des passages les plus prévisibles), attestera que la condition féminine était il y a encore peu bien précaire…
Un propos subtilement féministe dans une série policière ? On aura tout vu.

A une époque où les séries policières se doivent d’être ci ou ça, et surtout pas autre chose, pour coller au maximum au cahier des charges en vigueur, Miss Fisher’s Murder Mysteries propose ainsi une galerie d’anachronismes savoureux à bien des égards tout en faisant preuve, pardon pour le jeu de mot, de remarquables qualités d’adaptation. La série ne manquera, au long de sa course, sans doute pas de charme (cela ne fait en tous cas certainement pas défaut à son interprète principale), mais il ne faut pas en espérer plus que du divertissement de qualité.

Comme les bonbons à la violette de votre grand’mère, les enquêtes de Miss Phryne Fisher ne rassasient pas, mais ont ce petit goût de revenez-y.
Eh bien soit, revenons. Rendez-vous est donc pris pour le mois d’avril.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. Toeman dit :

    Ah, j’attendais cet article avec une certaine impatience.

    Avant tout, je dois avouer que je suis un méga fan de Murder she wrote, je suis même allé jusqu’à m’acheter les 10 première saisons en dvd (Je ne désespère pas un jour de terminer ma collection), j’ai également tous les Miss Marple et je crois avoir à peu près vu tous les Hercule Poirot. Je suis un peu une petite vieille séristiquement parlant.

    Donc quand j’ai eu vent de cette série, j’ai bien sûr sauté sur le pilot et j’en suis tombé raide dingue. Tout ce que tu dis est extrêmement vrai, l’enquête n’est pas surprenante, certains détails pourraient donner envie de soupirer, l’intrigue est traitée de façon extrêmement classique, mais l’héroïne, le cadre, l’époque, le ton, les second rôles m’ont littéralement fait craquer.

    Et j’ai retrouvé ce genre policier/suspense que j’aime tant et qui me manque souvent. Ce genre qui vaut à tous ses fans un certain nombre de moqueries (complètement assumées). Ce genre qui est probablement à l’origine de ma passion pour les séries, puisque ma première expérience télévisuelle a probablement été de regarder Murder she wrote le mercredi après-midi profitant de l’absence d’école. Ce genre si interactif, ou l’on demande au téléspectateurs une certaine attention aux détails pour essayer de découvrir l’identité du tueur en même temps que le héros ou l’héroïne. Ce genre qui a été, comme tu le dis, gâché par l’arrivée des CSI et de ses frères, qui se contentent de tout te servir sur un plateau à coups de coton-tiges, de pshit pshit bleu et de réajustement de lunettes de soleil accompagné d’une banalité affligeante (Oui, Horatio, tu m’as compris).

    Bref, voilà, ma petite déclaration pour ce genre qui a une place privilégiée dans mon coeur de sériphile.

  2. F.H.R dit :

    « avec les Arabesque et les Columbo, jusqu’à ce que débarquent Les Experts pour (paradoxalement) saloper le travail et lui ôter toute sympathie et bonne humeur »

    Monk avait, en tous cas à mon sens, réussi à relever le challenge, surtout depuis l’arrivée de sa seconde partenaire.

    Notre névrosé préféré s’était d’ailleurs retrouvé au coeur d’une enquête prétexte à de nombreuses piques assez croustillantes envers la méthodologie et gimmicks de la franchise C.S.I.

    « Un propos subtilement féministe dans une série policière ? On aura tout vu »

    On a tendance à l’occulter, voire carrément à l’oublier, mais féminisme et genre policier ont pu, à différentes époques, faire bon ménage.

    La rumeur court d’ailleurs que ce sujet précis pourrait être analysé en profondeur d’ici peu de temps…

  3. Scarlatiine dit :

    Agatha Christie, Arabesque, Columbo… Tu sais parler aux Scarlatiine, toi ^^ Allez, hop, au programme d’avril, à moi aussi !

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