If the shoe fits

16 janvier 2013 à 23:22

Reboots, remakes et spin-offs. Le triangle des Bermudes de la téléphagie.
Il est désormais très difficile de prendre au sérieux la plupart des projets de séries réemployant un pitch et/ou des personnages connus du grand public. Et si, avant, les networks américains faisaient encore quelques véritables efforts, depuis 2007, ils ne font même plus semblant et le maître-mot est dorénavant de ne jamais laisser une seule franchise reposer en paix. Ah, vous avez voulu comparer la télévision au cinéma, eh bien ça y est, on y est, les pratiques sont les mêmes !
Qu’y avait-il à attendre de The Carrie Diaries, dans le fond ? Le network le moins convaincant de tous (oui, moins encore que NBC) commandant une ressucée facile à destination du public adolescent, c’était couru d’avance. Est-ce que ça valait vraiment le coup de s’atteler au pilote, sachant que le résultat semblant connu de tous avant même que la première scène n’ait été tournée ? Eh bien oui, et pas seulement en vertu du défi que whisperintherain et moi-même nous sommes fixés…

OUI.
Oui ça valait la peine de donner sa chance à ce pilote, de faire fi de quelques préjugés et d’accepter l’éventualité que The Carrie Diaries ne serait pas tout-à-fait à chier, parce que la série essaye vraiment de toutes ses forces d’être au niveau. Oh, je ne dis pas qu’elle y réussit à chaque fois, mais diantre, elle essaye plus fort que les deux tiers des pilotes qu’on a vus jusque là, et étant donné le défi qu’on s’est lancés cette saison, des pilotes, j’en ai vus !

The Carrie Diaries a parfaitement saisi l’importance de ne pas traiter son univers à la légère ; on retrouve en filigrane de l’épisodes de nombreux ingrédients de la série originale (Sex & the City, pour ceux qui roupillent dans le fond) et de son héroïne. Il ne s’agit pas de se saisir de l’excuse du succès de Carrie Bradshaw pour fourguer une série complètement passe-partout ; et pour une fiction à vocation aussi peu mythologique que Sex & the City, où bien des ingrédients auraient pu être réduits à la plus simple expression de gimmicks, The Carrie Diaries accepte de relever le défi et de tomber le moins possible dans la facilité. Sans en faire des tonnes, l’épisode inaugural va nous ramener à bien des choses, qu’il s’agisse de Carrie se faisant bousculer sur un trottoir new-yorkais (facile !) à sa manie de toujours porter toutes sortes d’accessoires à son nom (ici, le sac à main, mais aussi un pendentif avec la lettre C). Carrie n’est pas encore « notre » Carrie, mais elle existe, elle est là, enfouie sous les couleurs fluos des années 80. Tout le principe de la série est de nous dire comment elle est « devenue ce qu’elle est », et The Carrie Diaries s’y emploie avec une souplesse à laquelle je ne m’attendais pas.

A ces tentatives de connecter les points entre eux, ce prequel décide également d’ajouter plus de substance que Sex & the City n’en a jamais eu. La série commence en effet tout juste trois mois après que Carrie ait perdu sa mère.
Ah oui parce qu’il faut que je vous dise, quand même, que parmi les bémols que je vais aborder dans ce post, le premier et non des moindres est que l’histoire de Carrie Bradshaw est entièrement visitée. Au lieu que son père l’ait quittée, elle et sa mère, quand elle était encore enfant (ce qui l’avait conduite à se laisser approcher d’un peu trop près par un vieux beau de Vogue dans Sex & the City, avant de se raviser et finalement opter pour un partenariat avec une éditrice acariatre, mais inoffensive), cette fois c’est maman qui est morte, laissant papa seul avec deux filles à gérer, oui, apparemment Carrie a une frangine, je suis aussi étonnée que vous. Cet acte de réécriture ne peinera cependant pas les adolescentes découvrant The Carrie Diaries, car en réalité, le public de la CW a quand même assez peu de chances d’avoir vu Sex & the City, et moins encore d’en avoir mémorisé les détails mythologiques. Mais enfin, puisque cette série se déroule dans les années 80, c’est, finalement… assez cohérent.
Cependant, loin d’être uniquement une intrigue à but bêtement larmoyant, la mort de sa mère s’impose pour Carrie comme l’évènement fondateur à partir duquel elle va grandir, et donc se révéler à elle-même. Mettre les pieds à Manhattan ? Découvrir le bonheur de se prélasser dans des fringues froufroutantes ? Les premiers émois amoureux ? Les premières réflexions couchées par écrit ? Sans la mort de maman, elle n’y serait pas venue (ou en tous cas pas si vite). Alors, merci maman, je suppose… Cet axe est en tous cas plutôt bien exploité, en dépit de quelques scènes tombant dans le cliché absolu du veuf éploré et des placards à vider. Mais par son don pour la référence et donc la cohérence (bien que paradoxal), The Carrie Diaries parvient à s’en tirer sans sembler pathétique. C’est un travail d’équilibrisme, ce n’était pas gagné, loin de là, mais les résultats sont tangibles : l’épisode s’en tire bien malgré les écueils.

Le second problème de ce pilote est justement là. Personne ne s’attend à regarder Sex & the City pour son aspect dramatique ; moins encore les jeunes filles et jeunes adultes qui constituent l’essentiel de la cible de la CW, et qui n’en connaissent en réalité que la réputation ou l’image glamour. Or, entre ses questionnements métaphysiques (pas souvent méta, mais quand même), la question du deuil, et les conversations parfois un peu tristoune (y compris en cloture de pilote), The Carrie Diaries est un bel éteignoir pour la jeunesse superficielle qui se chercherait un nouveau Gossip Girl clinquant et plein de dra-maaa.

Heureusement, tout n’est pas déprimant dans ce pilote, même si le ton y est quand même très grave sur des sujets qui ne le sont pas moins. Et il faut admettre qu’au niveau de l’ambiance, The Carrie Diaries remporte son pari haut la main. Tout en rappelant au passage que dans la mode moins qu’ailleurs, tout se recycle (en témoignent les couleurs fluos des vêtements et des maquillages, dont les teintes ne sont pas si éloignées de celles que l’on voit un peu partout), la série trouve le moyen de rappeler avec bonheur les années 80, sans trop les faire passer pour ringardes, ce qui relève de l’exploit. Il n’y avait qu’une scène, dans les grands magasins, quand diverses clientes arborent des tenues ayant très très mal vieilli, qu’on comprend un peu moins ce qui fascine Carrie dans la mode de l’époque, mais en-dehors de trois ou quatre plans peu heureux, The Carrie Diaries accomplit l’exploit de réellement rendre les années 80 sympathiques et électrisantes, pleines de promesses dont on oublie incroyablement facilement qu’elles sont loin d’avoir toutes été tenues.
Outre le look des personnages, et donc les fringues, qui effectivement se devaient d’être impérativement au top étant donné la réputation de magazine que se trimbale Sex & the City, il faut aussi mentionner l’incroyable travail fait sur la musique, parfaite de bout en bout (même si je ne suis pas fan de la reprise de Girls just wanna have fun en balade). Rien que cet ingrédient permettait à la série d’être 10% plus sympathique ! Oui, c’est chiffré, on est précis ici môssieu.
Le seul ingrédient qui manque dans ce pilote est une référence à des chaussures. Je suppose que le coup de foudre aura lieu dans un épisode ultérieur, bien à part, pour Carrie.

Alors, le comble du comble, c’est que The Carrie Diaries finit par être un boulot presque décent.
Evidemment, il est difficile de ne pas penser à Jane by Design lorsqu’on entend parler de la double-vie de lycéenne et de stagiaire que Carrie mènera dorénavant, l’obligeant à avoir un pied (bien chaussé on l’espère) dans le monde adulte tandis que ses amis resteront des repères de l’adolescence. On peut regretter que certains ingrédients aient été changés alors que d’autres sont d’une fidélité tendre et à toute épreuve. On peut se demander si l’intrigue sous-entendue sur l’ami potentiellement gay était nécessaire alors qu’elle est tout de même usée jusqu’à la corde (sauf grosse surprise).
Mais malgré ces défauts et ceux cités précédemment, The Carrie Diaries n’a pas à rougir de ce qui a été accompli. Son seul tort est de s’appuyer sur une franchise essentiellement vue par des adultes (ne serait-ce que Sex & the City a démarré, attention au coup de vieux, en 1998), avec un ton souvent dramatique, et de manquer ponctuellement, même si c’est difficile à croire, de frivolité ; c’est la bonne série, pas sûre que ce soit exactement la bonne cible. Les audiences tendent à le prouver d’ailleurs.

Mais qu’importe ! Je ne pensais pas qu’une série où il serait question de fringues plus que de sexe (et de romance plus que de sexe, Carrie et ses amies ayant quelques apprentissages à faire sur la réalité de ces deux éléments de leur vie d’adulte, ainsi que The Mouse en fera l’expérience) me plairait, je pensais avoir affaire à un prequel en toc, et finalement, The Carrie Diaries tient bien la route, son héroïne a une véritable fraîcheur et une belle énergie, et finalement, le temps que ça durera, je serai devant.
Evidemment, il est probablement encore loin, le temps où Carrie rencontrera sa fameuse clique (quoique, vu que la série fait le tri dans ce qu’elle garde ou non, tout est possible), mais même sans cela, The Carrie Diaries offre une jolie chronique, colorée et optimiste, mais aussi parfois amère et pas complètement décérébrée, du passage à l’âge adulte. N’est-ce pas ce en faveur de quoi je prêche depuis toujours en matière de séries pour ados ?
D’accord, mes séries ados préférées semblent plutôt faites pour les adultes, mais qu’importe que le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse…

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Eclair dit :

    Oui,… mais non
    « Il ne s’agit pas de se saisir de l’excuse du succès de Carrie Bradshaw pour fourguer une série complètement passe-partout » => c’est malheureusement le cas.
    Ta critique ne cesse de faire le lien avec la série originelle. Et tu dis toi-même que pour les teenagers qui n’ont pas connu Sex and the city (pléonasme),il n’y a rien qui puisse les retenir.

    Car en enlevant ses références, que reste-t-il ? Les années 80, qui font davantage reconstitution que chronique intimiste (pourtant il y a bien diaries dans le titre !). Je vais me répéter par rapport à ma critique, mais pour moi c’est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire, à savoir, dissocier les états d’âme du décor. Quant à l’aspect teen-drama il est à mon humble avis fade et prévisible (merci les voyants lumineux pour la future révélation sur l’homosexualité – comme c’est original).

    Mais le pire, au fond, c’est que Carrie semble ennuyeuse, elle n’a pas de personnalité. Ni bagou, ni inventivité, à peine une tendresse pour sa sœur dans les dernières scènes. Elle passe son temps à écarquiller les yeux, à rêver de ce nouveau monde, et à être admirée en retour. Pourquoi ? On ne le sait pas. « Énergique » ? Où ça ?

    Alors oui le show tente d’équilibrer son ton (et c’est la vraie bonne surprise du pilote), mais la fadeur de l’ensemble l’emporte largement. Sans l’étiquette Carrie Bradshaw, franchement, tu aimerais savoir ce qui lui arrive à cette fille ? Moi non. Et c’est bien le problème.

    Mais cela dit je te souhaite bien du plaisir pour la suite, vu que les références à Sex and The City semblent te plaire. (et j’espère n’avoir pas été trop dur dans mes propos, si c’est le cas pardonne moi).

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